Les Américains ont fini par douter de la capacité, voire de la sincérité du président malien à lutter contre le terrorisme au Sahel.
La menace de ce qu’on appelle Al Qaîda au Maghreb islamique semble avoir été le déclic qui a renforcé les relations entre les Etats-Unis d’Amérique et la France. Qui aurait pensé en effet, que l’Elysée fasse appel aux forces américaines pour protéger ses intérêts dans la région du Sahel?
Le site WikiLeaks vient de révéler que les USA et la France coopèrent de manière intense depuis une année, pour lutter contre Al Qaîda au Sahel, à la demande de Paris. Ce que vient de diffuser WikiLeaks n’est certainement pas une nouveauté et ce n’est certes pas le développement socio-économique des pays du Sahel qui inquiète le Quai d’Orsay.
Ce sont plutôt ses propres intérêts grandissants dans la région. Pour avoir demandé l’assistance des USA, la France a dû sentir la menace. Il n’en demeure pas moins que la Maison-Blanche veille surtout à ne pas choquer la sensibilité des pays de la région, notamment l’Algérie avec laquelle elle a développé des relations jusque-là jugées satisfaisantes. Et à ce propos, l’administration américaine vient de confirmer, par le biais de son responsable d’Africom, David R.Hogg, qu’elle n’interviendra pas militairement en Afrique, sauf si des ressortissants américains, sur ce territoire se trouvent en réel danger. Le document diffusé par WikiLeaks rapporte les inquiétudes des Français selon lesquels également « le terrorisme est virtuellement à notre porte». Mais qu’en est-il à présent après la déclaration de général américain Davis R. Hogg, selon lequel l’armée américaine n’interviendra jamais seule au Sahel sauf s’il y a un appel des pays souverains de la région? Mais que cachent les déclarations de ce dernier en ce moment précis, coïncidant avec les révélations de WikiLeaks? La France ou même les USA ne sont pas les seuls pays qui s’intéressent à ce qui se passe dans la zone du Sahel. Selon le site WikiLeaks, les Britanniques et depuis l’assassinat de l’otage, Edwin Dyer, de nationalité anglaise, sont autant mobilisés, notamment au Mali, un pays qui jouera un rôle important dans la libération de plusieurs otages, mais pas en la faveur de la lutte antiterroriste.
Les Britanniques ont estimé que le rôle de la France n’est pas en mesure de donner des résultats et d’après WikiLeaks, Janet Douglas, responsable de l’Afrique au Foreign Office, avait souligné dans un télégramme que «le travail des Français en matière de promotion de la démocratie en Afrique de l’Ouest n’a pas été fameux». Cependant, pour l’administration américaine, le contre-terrorisme doit présenter un visage local soulignant, selon le document diffusé par WikiLeaks, qu’«en mettant en avant de plus en plus d’acteurs extérieurs à la région, on risque de se mettre à dos les principaux acteurs sahéliens et, au-delà, d’aider Al Qaîda au Maghreb dans ses efforts pour recruter et collecter des fonds.» Ce point de vue est purement une initiative algérienne qui a toujours insisté sur une coopération certes, mais c’est aux pays concernés de mener l’action antiterroriste. Concernant toujours l’émergence de la nébuleuse dans la région, WikiLeaks diffuse que Stéphane Gompertz, directeur pour l’Afrique au ministère français des Affaires étrangères, exprime son inquiétude en soulignant qu’«Al Qaîda au Maghreb se développe jusqu’au nord du Burkina Faso, recrute au Sénégal et trouvera des faiblesses dans le nord du Nigeria». Non sans vanter le rôle du Mali et de son chef d’Etat par l’ambassadrice américaine à Bamako: «On peut compter sur lui, il a les troupes pour faire le travail», a-t-elle approuvé. Mais voilà qu’une autre documentation du fameux site vient troubler cette appréciation s’agissant de la lutte contre Al Qaîda au Maghreb par un autre memo.
Les Américains commencent à douter du sérieux et des capacités du Mali quant à la lutte contre Al Qaîda au Maghreb, en constatant notamment les difficultés des autorités maliennes à gérer l’aide militaire qu’ils leur fournissent et de la gestion par Bamako de leur aide alimentaire. Le doute s’est installé surtout après l’intervention de l’ambassadeur d’Algérie à Bamako auprès de son homologue américaine pour dénoncer «le haut degré de laxisme, pour ne pas dire de complicité, du Mali avec les terroristes».
Il a assuré que «les terroristes d’Al Qaîda au Maghreb sont parfois informés à l’avance des opérations menées contre eux.» Ce sont les mêmes informations qui ont été publiées dans nos précédentes éditions et que WikiLeaks vient de confirmer, et il n’est pas étonnant de constater, aujourd’hui, que le Mali refuse toute coopération avec l’Algérie. Ce fait n’a pas été ignoré par les Américains, rapportent encore les publications du site qui restent à l’écart du différend algéro-malien. Mais c’est loin d’être le cas de la France.
Paris se plaint notamment du refus d’Alger de s’impliquer directement dans la libération de leurs otages et reproche au Mali son manque de sérieux et menace même de couper les aides réservées à ce pays.
Le site rapporte à propos du jeu trouble du Mali, que le président de l’Algérie souligne à l’intention du général américain William Ward, patron du commandement militaire d’Africom: «Le président malien ne peut pas être ami des voleurs et des victimes en même temps.» Il va sans dire que la présence des Américains dans la région serait très appréciée par beaucoup et notamment la France, le Mali et la Mauritanie. Si la France est plus ou moins consciente des conséquences qui peuvent intervenir dans le cadre d’une occupation militaire dans la région, le Mali et la Mauritanie sont loin de mesurer l’ampleur d’une telle démarche.
Ikram GHIOUA