La France coloniale avait prévu de diviser l’Algérie

La France coloniale avait prévu de diviser l’Algérie

Une carte géographique «fuitée», concoctée par les autorités françaises, révélée par Libération, montre comment Paris a prévu et continue de créer des tensions au Sud algérien.

Cette carte montre les zones pétrolières du sud-est algérien comme territoire des Touareg avec en sus un prolongement de l’Algérie vers la Libye, le Mali et le Niger.

Ce qui est frappant est que cette carte a été préparée par les autorités françaises en 1962 au moment de la discussion sur les frontières du nouvel Etat algérien où la France avait prévu de couper l’Algérie en deux pour garder le Sud à son profit avec toutes ses ressources pétrolières. Et comme elle a échoué dans ses tentatives, elle a concocté un plan visant à donner un territoire aux Touareg après l’indépendance de l’Algérie.

En effet, alors que la guerre d’Algérie s’achève, et que s’ouvre la période de liquidation du régime colonial entre le cessez-le feu du 19 mars 1962 et l’indépendance du 5 juillet 1962, la question des Touareg au cœur du Sahara reste plus que jamais présente à l’esprit de Jacques Foccart, le Monsieur Afrique du président Charles de Gaulle, alors secrétaire général de l’Elysée aux affaires africaines et malgaches. *

Car, depuis l’échec de l’OCRS (Organisation commune des régions sahariennes), créée en 1957 pour «isoler» la question du Sahara de la guerre d’Algérie, la France a cherché à construire une politique saharienne sans jamais parvenir à lui faire prendre corps. Après les constructions institutionnelles éphémères (OCRS), restent la question directe des populations targuies, à l’heure de la création de la nouvelle puissance régionale qu’est l’Algérie. Car dès les négociations secrètes préliminaires de 1961, le FLN a obtenu que la question du Sahara ne soit pas dissociée de celle de l’indépendance de l’Algérie – contrairement à ce qu’espérait initialement la France.

Dans ce contexte, Foccart mandate une enquête. Elle aboutit entre les mains de l’un de ses plus fidèles collaborateurs, Jacques Mouradian, qui est l’auteur d’ouvrages sur l’islam en Afrique occidentale dans les années 1950. Spécialiste du monde afro-musulman et de l’espace saharo-sahélien, il en est un des meilleurs connaisseurs au sein de l’administration française. Une note est rendue à Foccart le 11 avril 1962, assortie – c’est la pièce principale – d’une carte des populations Touareg à travers les frontières sahariennes.

De manière générale, comme beaucoup d’administrateurs, militaires ou intellectuels français, cette note du 11 avril 1962 participe d’un certain regard sur les populations des Touareg qui a tendance à détacher ces populations nomades des pouvoirs étatiques nés des indépendances aussi bien au Nord (Algérie) qu’au Sud (Mali, Niger) et que 20% d’entre eux sont pour l’indépendance de l’Algérie.

La fuite orchestrée de cette carte à un moment de fortes tensions dans la région subsaharienne et la présence des troupes françaises au Nord-Mali pose un certain nombre de questionnements.