Les crimes contre l’humanité commis par la France coloniale, notamment les massacres du 8 mai 1945 qui ont fait 45 000 morts, sont «imprescriptibles» et ne sont concernés par «aucune loi d’amnistie», a affirmé hier M. Aymen Salam, professeur de droit international à l’université du Caire (Egypte) qui a donné, à l’université de Guelma, une conférence intitulée «Les moyens de compensation des victimes des crimes commis par la France en Algérie», en ouverture du 7e Colloque international sur «les massacres du 8 mai 1945 à la lumière des lois et conventions internationales».
Il a souligné que les lois d’amnistie «ne sont pas applicables aux crimes contre l’humanité, y compris au vu de la Constitution et des lois françaises elles-mêmes». Le conférencier, qui a abondamment fait référence aux conventions internationales relatives aux droits de l’homme, aux crimes de guerre et aux crimes contre l’humanité, devait en outre mettre l’accent sur le fait que la France, en tant que puissance coloniale, doit «reconnaître sa responsabilité dans les crimes contre l’humanité commis en Algérie depuis l’invasion en 1830, mais également dans les pays placés sous sa domination». Ce n’est que de cette façon que la France pourra «être en accord avec les lois et les principes qu’elle a constamment proclamés», a-t-il dit. L’universitaire égyptien a considéré que l’Etat français ne peut absoudre la responsabilité des crimes commis dans les colonies en recourant à la notion de «rôle positif de la colonisation».
Dans une conférence intitulée «le 8 mai 1945 à Sétif et Guelma à la lumière des massacres coloniaux», Olivier Le Cour Grandmaison, professeur de sciences politiques à l’université d’Evry-Val d’Essonne (France), devait dévoiler la véritable nature du système colonial en Algérie, en mettant notamment en exergue les «constantes» qui furent les siennes depuis la colonisation par l’armée d’Afrique et jamais démenties jusqu’à l’indépendance de l’Algérie en 1962. M. Grandmaison a souligné que le système colonial «imposé par la force au nom du code de l’indigénat», est «fondé sur la discrimination et le mépris des populations autochtones».
Ce système recourt, a-t-il ajouté, à la «répression aveugle au nom de la responsabilité collective, chaque fois que les indigènes ont voulu protester contre les conditions qui leur sont imposées», rappelant que la France «s’est imposée en tant que puissance grâce à ses possessions et à la participation des conscrits algériens et autres à sa libération en 1945». Cet universitaire, spécialiste des questions liées à l’histoire coloniale, devait étayer sa démonstration en se référant à des documents militaires français des différentes époques, qui reprennent la doctrine instituée par le général Bugeaud qui n’hésitait pas à massacrer le maximum d’habitants, pour soumettre par la terreur les survivants.
Une pratique, a-t-il dit, qui s’est «rééditée le 8 mai 1945, qui s’est généralisée entre 1954 et 1962, et qui s’est encore répétée au Sénégal, à Madagascar et en Indochine». Les indigènes qui rejettent «l’ordre impérial républicain» de la France, ne sont pas traités en semblables, mais sont des «rebelles» et bientôt des «terroristes» qui ont été pourchassés, massacrés et réduits au nom de ce principe «fondé sur une militarisation complète des populations et des espaces, et qui ne tient compte que de la responsabilité
collective et ne reconnaît aucun sanctuaire inviolable», a affirmé M. Grandmaison.
Il devait également préciser dans son analyse que la torture en Algérie, justifiée par «la nécessité d’accéder aux renseignements sur la rébellion», était fondée sur des principes datant de l’époque de la colonisation et qui considèrent que tout civil en possession d’une information positive ou négative, est «un suspect pouvant être torturé au nom d’un axiome invariable : mater les vivants pour maintenir l’ordre colonial». Le Colloque international de Guelma, organisé à l’occasion du 64e anniversaire des massacres du 8 mai 1945, s’est poursuivi par une communication du professeur Djilali Sari, de l’université d’Oran, intitulée «Des massacres du 8 mai 1945 au massacre de Ghaza en 2009».
Cette manifestation avait été ouverte en présence de personnalités historiques, d’invités, de moudjahidine, de témoins et d’acteurs des évènements du 8 mai 1945, ainsi que de nombreux membres de la communauté universitaire locale. Le colloque sera marqué, dimanche, par d’autres interventions, dont celles de M. Abdelhamid Mehri «Les événements du 8 mai 1945 : passé et futur», de M. Gilles Manceron «La reconnaissance des crimes coloniaux : la société française à la croisée des chemins» et de Me Nicole Dreyfus, avocate française qui avait défendu la veuve de Maurice Audin, qui traitera du «massacre du 8 mai 1945, ses conséquences sur le mouvement nationaliste et sa qualification juridique».