La Journée mondiale du travail s’invite en pleine campagne pour les législatives du 4 mai et les questions qu’elle remet au goût du jour sonnent tout au moins comme une interpellation des prétendants au poste de député.
La célébration de la Journée mondiale du travail coïncide cette année en Algérie avec une panoplie d’évènements importants qui lui confèrent une singulière dimension, tout particulièrement les élections législatives qui vont se tenir le 4 mai. En effet, cette élection, la première à intervenir après la révision de la Constitution et les différentes réformes sectorielles qui en ont découlé, repose avec acuité la question des politiques sociales et de la législation du travail qui demeurent, pour les heures, les éléments qui captent le mieux l’intérêt des populations.
Ceci est d’autant plus vrai que cette journée a été marquée hier par une grande démonstration de force des syndicats autonomes qui ont organisé une marche grandiose dans la wilaya de Béjaïa. La réussite de cette manifestation sonne à la fois comme un rejet de la législation en vigueur que comme une mise en garde quant aux prochaines lois qui seront soumises à l’approbation du Parlement.
Il est à rappeler en effet que la loi sur la retraite qui a mis le monde du travail en ébullition lors de son passage au Parlement et qui, malgré l’opposition de plusieurs partis, a été votée par la majorité, n’est toujours pas digérée par les travailleurs qui caressent toujours le rêve de voir le gouvernement reculer sur certaines de ces dispositions, notamment la suppression de la retraite anticipée. La loi de finances 2017 elle aussi n’a pas été avalée par les syndicats autonomes et les partis d’oppositions qui ont pesé de tout leur poids pour la faire avorter.

Aujourd’hui, bien qu’elles soient entrées en vigueur et qu’elles aient commencé à produire des effets sur le monde du travail et sur le pouvoir d’achat des travailleurs, ces deux lois continuent d’être contestées et il n’est pas exclu que la contestation de leur teneur se durcisse et se radicalise. D’ailleurs, certains partis n’ont pas hésité à les convoquer pour s’en servir comme argument afin de convaincre leurs électeurs de voter contre ceux qui les ont cautionnées. C’est le cas entre autres du Parti des travailleurs qui, depuis le début de la campagne électorale, n’a raté aucune occasion pour rappeler à son public que «ceux qui ont adopté la loi sur la retraite et la loi de finances 2017, ce sont les FLN et le RND».
«Ce sont eux qui ont imposé l’austérité aux Algériens et ce sont eux qui veulent l’imposer encore», réitère Louisa Hanoune dans ses meetings en soulignant que son parti «continuera à militer et à lutter pour constituer une majorité au sein de l’APN afin d’appliquer son programme composé de 60 engagements, pour la réhabilitation des acquis sociaux des Algériens et le renforcement de la démocratie». D’autres partis aussi ont exprimé leur rejet de l’austérité, comme c’est le cas du RCD, du FFS, du MSP et de l’Alliance Al Adala,-Ennahda-El Binaa. En proposant, du moins pour certains d’entre eux, une solution plus globale qui implique une transition vers une économie plus libre, diversifiée et productive.
Toutefois, pour important que cela puisse être, il ne s’agit pas seulement de se positionner sur les lois ayant déjà été votées et qui sont actuellement en vigueur. Il s’agit aussi de formuler une vision pragmatique et réaliste en vue de participer efficacement à la préparation des nouvelles lois qui sont actuellement en chantier, notamment la loi du travail qui est en discussion au sein du gouvernement. Selon des sources gouvernementales, cette loi va basculer de la protection du salarié à la protection du capital à travers moult mesures dont la plus importante serait la généralisation du CDD.
Bien que cette information soit encore au registre du confidentiel, elle commence à faire peur aux syndicats autonomes et aux partis émargeants parmi la gauche. Que proposent donc les partis dans le cadre de la révision du Code du travail? rien de particulièrement original si ce n’est des discours vagues portant sur la protection des droits sociaux des travailleurs.
Mais, ceci est peut-être dû à la multitude de chantiers qui devraient être ouverts dans le cadre de cette législature et qui fait que les partis déclinent davantage leur vision globale que les détails relatifs à chaque secteur. De plus, le rendez-vous étant encore lointain, il est fort à parier que les partis, du moins les plus sérieux d’entre eux, attendent le jour «J» pour faire entendre leurs voix et transmettre les préoccupations des travailleurs à travers des propositions concrètes. Jusque-là, les travailleurs ne comptent que sur des actions corporatistes comme les grèves, les sit-in et les négociations en tête à tête avec les hiérarchies respectives pour arracher leurs droits et protéger leurs acquis.
Mais la situation de difficulté que traverse le pays a réduit progressivement leur marge de manoeuvre et leurs revendications, le gouvernement ne va plus opposer «la paix sociale» puisque celle-ci coûte désormais plus que ce qu’il a dans la bourse, mais une «rationalité économique» que seuls des parlementaires légitimes et perspicaces peuvent expliquer et défendre. Le 1er mai de cette année est donc certes une Fête des travailleurs, mais aussi avec une nouvelle vision du travail et des travailleurs que la nouvelle APN, de concert avec les syndicats, tous les syndicats, est appelée à formuler.