La femme rurale, l’oubliée du 8 mars ?

La femme rurale, l’oubliée du 8 mars ?
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De nombreuses associations féminines, à Bordj Bou Arreridj, s’apprêtent à fêter le 8 mars, journée internationale de la femme, par des activités festives, mais uniquement au niveau du chef-lieu de wilaya, peut-on constater.

S’agissant des femmes rurales, pourtant plus nombreuses dans les campagnes et les montagnes des Bibans, aucune activité célébrant cette unique journée de l’année réservée aux femmes n’est programmée dans un chef-lieu de daïra ou une commune rurale, confirment les services de la wilaya.

Toutes les associations féminines, du moins celles qui activent réellement sur le terrain, comme l’Union nationale des femmes algériennes (UNFA), l’Association locale pour la promotion de la femme, l’Association de défense des femmes et enfin « SOS femmes » ont prévu des rencontres avec leur adhérentes pour des expositions des produits d’habillements traditionnel, des galas musicaux, des distributions de cadeaux… en attendant l’année prochaine.

Une de ces associations à même décidé de « sortir des rangs » en organisant un concours de beauté pour élire Miss Bibans.

Il reste que l’oubliée de la fête des femmes semble bien être, dans cette wilaya du moins, la femme rurale, même si des représentantes d’associations féminines assurent « dépêcher des bus pour chercher les femmes des autres communes pour participer aux festivités », mais malheureusement, déplore-t-on, « elles ne viennent pas ».

Pour M. Rebiha, une solide montagnarde de 35 ans, résidant dans l’une des communes du Nord de la wilaya, le problème « n’est pas de transporter les femmes rurales vers les villes mais de daigner venir vers elles ».

Si les hommes de ces contrées éloignées et difficiles d’accès sont toujours peu enclins à laisser leurs femmes et leurs filles se déplacer vers les grands centres urbains, « ils tolèrent, en général, que les femmes quittent pour un temps leurs fourneaux pour se rendre à une petite fête, mais à la condition expresse qu’elles soient à portée de regard », assure Rebiha.

« Alors, pourquoi les associations censées nous représenter ne viennent-elles pas vers nos hameaux pour nous sortir, le temps d’une journée, du train-train qui rythme notre quotidien et, pourquoi pas, nous permettre aussi de connaître certains de nos droits », s’interroge cette mère de cinq enfants.

Celle-ci met un point d’honneur à rappeler que la femme rurale, « à tout âge, de 7 à 77 ans, dans certaines contrées enclavées de la wilaya des Bibans, s’acquitte quotidiennement, péniblement et convenablement de travaux domestiques, à la maison, dans les champs et élève une progéniture très nombreuse, comme le veut la tradition paysanne ».

Rencontrée lors des journées consacrées à la lutte contre l’analphabétisme, dans la daïra d’El Hammadia, d’autres femmes des campagnes bordjiennes, qui tentent d’apprendre à lire et écrire, ont juré n’avoir « jamais entendu parler des associations féminines ».

L’absence des associations Selon le directeur des services agricoles (DSA) de la wilaya de Bordj Bou Arreridj, aucune association féminine ne s’est approchée de ses services pour proposer un projet dans les domaines de la formation, la vulgarisation des techniques modernes et du savoir-faire au profit des femmes rurales dans des filières comme l’apiculture par exemple.

Selon la même source, aucune association ne s’est souciée de valoriser les anciennes façons culturales traditionnelles, dites du terroir, dans le domaine agricole et que seules les femmes rurales maîtrisent, ne serait-ce que pour traire les vaches à l’ancienne.

Pour sa part, le directeur de l’action sociale (DAS) se dit prêt à « financer, aider et soutenir tout projet destiné à la femme rurale pourvu qu’il soit présenté par une association réellement soucieuse des conditions de vie de la femme rurale ».

De son côté, le conservateur des forêts, notant le rôle des riveraines pour la protection des espaces boisés, affirme lui aussi qu’ »aucune association n’est venue frapper à sa porte pour proposer un projet à même de contribuer à la promotion de la femme rurale, vivant près des forêts ».

Selon le dernier recensement, plus de 67 % de la population de cette wilaya vivent en milieu rural, les femmes en représentant environ la moitié.

Aujourd’hui, la femme est toujours confinée, dans les zones agrestes, dans des tâches ancestrales, bien que ses conditions de vie se soient nettement améliorées avec l’introduction de l’électricité, du gaz naturel et l’eau potable.

Aucune femme, aujourd’hui, dans la campagne ou la montagne bordjienne ne va chercher du bois dans la forêt ou de l’eau dans les sources naturelles en parcourant de grandes distances.

Les associations féminines iront-elles, un jour de 8 mars, à la rencontre de la femme rurale ? En attendant une telle initiative, toutes les associations ont programmé, pour cette fête internationale, des festivités dans la ville de Bordj Bou Arreridj loin du silence des campagnes des Bibans.