La famille du président déchu Zine El Abidine Ben Ali se serait enfuie de Tunisie avec 1,5 tonne d’or, selon le journal Le Monde qui cite des sources à la présidence française, une information démentie par la Banque centrale de Tunisie. «L’Elysée soupçonne la famille Ben Ali d’avoir fui la Tunisie avec 1,5 tonne d’or», affirme le quotidien français dans son édition de lundi.
Le Monde indique que la présidence «se fonde sur des recoupements des services secrets français» qui «essaient de comprendre comment s’est achevée la journée de vendredi 14 janvier, qui a vu le départ du président et de sa famille et la chute de son régime».
Selon les services secrets français cités par Le Monde, Leïla Trabelsi, la femme du président, «se serait rendue à la Banque centrale de Tunisie chercher des lingots d’or», et aurait essuyé un refus du gouverneur, avant qu’il ne cède sous la pression de Zine El Abidine Ben Ali. «Il semblerait que la femme de Ben Ali soit partie avec de l’or (…), 1,5 tonne d’or, cela fait 45 millions d’euros», a déclaré au journal un responsable politique français. Une information émanant de «source tunisienne» qui «a l’air relativement confirmée», selon un conseiller de l’Elysée.
La Banque centrale de Tunisie (BCT) a de son côté catégoriquement démenti ces informations. «Les réserves d’or de la Banque centrale de Tunisie n’ont pas été touchées ces derniers jours», a déclaré à l’AFP une source officielle à la BCT. «Les réserves de devises n’ont pas été touchées non plus, le pays a des règles très strictes», a ajouté cette source, assurant que «le gouverneur de la BCT n’avait reçu personne ces derniers jours, ni Leïla (Trabelsi) ni Ben Ali lui-même».
Zine El Abidine Ben Ali a fui vendredi son pays pour l’Arabie Saoudite, après un mois de manifestations réprimées dans le sang qui ont mis fin à 23 ans d’un règne sans partage. Sa seconde épouse, Leïla Trabelsi, et la famille de cette dernière, se sont accaparés les richesses du pays en utilisant l’appareil d’Etat, usant d’alliances, de corruption, de menaces, affirment plusieurs experts et analystes. Depuis trois jours, les membres du clan sont pourchassés en Tunisie, arrêtés ou tués, et leurs somptueuses villas saccagées.
Rached Ghannouchi et Sakr Matari, le gendre de Leila Traboulsi, Mme Ben ALI, étaient très proches lorsque le prédicateur y était en exil et le jeune Matari, étudiant puis homme d’affaires, y séjournait
L’or de la banque de Tunisie a été pillé dès la chute de Ben ALI, et planqué par ses partisans. L’Elysée avait fuiter cela fin janvier 2012 via le Monde, puis s’est rétractée gardant cette carte en main pour une eventuelle collaboration avec les islamistes au seuil du pouvoir
Le trafic s’est arrêté en avril 2012
Comment la France a fermé les yeux… Les Français avaient fermé l’oeil dans le passé car Ghannouchi était protégé par l’Emir du Qatar, le chouchou de Sarkozy. En portant l’affaire sur la place publique, ils font d’une pierre quatre coups. Uno- En fuitant l’affaire un an après les services français veulent suggérer une complicité entre Ben Ali et An Nahda pour déconsidérer le parti islamiste Deuxio: Ils adressent un signal au Qatar pour lui signifier de se calmer avec ses trucs d’Ansar Eddine au Mali. Tertion: Ils se dédouanent auprès de l’opinion française de l’accusation deux poids deux mesures (Tu combats islamistes au Mali et tu collabores avec eux en Syrie Quatro: une torpille contre sarko, puisque le trafic s’est déroulé sous sa mandature Mon intelligence, ni ma perspicacité, ne me permettent de pousser plus loin mon analyse
Dès le lendemain de la fuite de Ben Ali, l’alerte est donnée
Il manquerait bien 1,5 tonne d’or dans les coffres de la Banque centrale de Tunisie (BCT), si l’on en croit l’estimation donnée en décembre par le Conseil mondial de l’or (CMO) et reposant sur des chiffres d’octobre du Fonds monétaire international (FMI).
Le Conseil mondial de l’or, qui regroupe à Londres les principaux producteurs de métal jaune, évaluait en décembre à 6,8 tonnes le stock d’or de la Tunisie, soit précisément une tonne et demie de plus que l’évaluation donnée mercredi par la banque centrale tunisienne. Celle-ci démentait alors la fuite de la famille de l’ancien président tunisien Zine El Abidine Ben Ali avec cette quantité d’or dans ses bagages.
« La rumeur qui a circulé dans les médias sur le retrait d’une tonne et demie d’or de la caisse de la BCT est dénuée de tout fondement », a assuré hierla Banque centrale dans un communiqué. « Le stock d’or de la BCT, qui est de l’ordre de 5,3 tonnes, obéit à des mesures de sécurité draconiennes », avait précisé la banque centrale. Selon les chiffres du CMO mis en ligne en décembre, la Tunisie possédait alors des réserves estimées à 6,8 tonnes d’or, un montant inchangé pendant au moins une décennie, selon les statistiques de l’institution. Le Conseil mondial de l’or produit des statistiques mondiales régulières et considérées comme fiables par le marché et les spécialistes du secteur.
Celles sur la Tunisie reprennent des chiffres publiés fin octobre par le FMI qui établissait à 220.000 onces d’or le niveau des réserves de la Banque centrale tunisienne, soit quelque 6,8 tonnes. Selon la chaîne de télévision TF1 et le journal Le Monde, la famille Ben Ali se serait enfuie de Tunisie avec 1,5 tonne d’or, sous forme de lingots, d’un montant évalué à 45 millions d’euros. Pour les services secrets français cités par Le Monde, Leïla Trabelsi, la femme du président, « se serait rendue à la Banque centrale de Tunisie chercher des lingots d’or », et aurait essuyé un refus du gouverneur, avant qu’il ne cède sous la pression de Zine El Abidine Ben Ali.
D’après TF1, le retrait des quantités d’or aurait eu lieu fin décembre. Ben Ali a fui vendredi son pays pour l’Arabie saoudite, après un mois de manifestations réprimées dans le sang qui ont mis fin à 23 ans d’un règne sans partage.
Selon le journal African Manager, toutefois, l’or manquant serait en dépôt, au nom de l’Etat tunisien, auprès de la Banque d’Angleterre. Il s’agit plus exactement de 1,397 tonne d’or. Le total devient donc de 6,739 tonnes, ce qui rejoint le total, arrondi, de 6,8 tonnes publiés par la CMO, écrit le journal. « Nous donnons d’ailleurs copie d’un fax, envoyé par la banque d’Angleterre, depuis le 11 janvier 2011, à la banque Centrale de Tunisie, confirmant la présence, dans ces coffres, de cette quantité de 1,397 tonne, au nom de l’Etat tunisien qui en dispose toujours », ajoute le journal. Une source de la Banque centrale tunisienne (BCT) a par ailleurs affirmé que la réserve stratégique d’or de la Tunisie, qui est de 6,8 tonnes, est inchangée depuis 20 ans, démentant de nouveau les informations faisant état du vol d’1,5 tonne d’or par l’épouse de l’ex-président Ben Ali. « Il y a 5,3 tonnes d’or dans les coffres de la Banque centrale tunisienne (BCT) à Tunis et 1,5 tonne à la Banque d’Angleterre à Londres. Cette quantité n’a pas changé depuis une vingtaine d’années », a précisé une source de la BCT, qui a requis l’anonymat.
180 lingots d’or sortis de Tunisie entre janvier 2011 et avril 2012, révèle »Nice-Matin »
Selon »Nice-Matin », près de 1.800 lingots d’or, sortis illégalement de Tunisie, ont transité par les aéroports Nice, Marseille, Orly et Roissy, transportés par des passeurs tunisiens des deux sexes, en transit vers Istanbul ou Dubaï.
»Nice-Matin » cite des sources de la Douane française de Nice, Marseille et Paris, qui ont saisi le Groupe opérationnel de lutte contre le terrorisme (Golt) de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), sans qu’on leur demande d’intervenir pour arrêter ce transfert qui a tout l’air d’un trafic illégal et qui a duré pendant plus d’un an et demi… jusqu’en avril 2012.
«Officiellement, d’ailleurs, ce dossier n’existe pas. Pire que s’il était couvert par un secret d’Etat. La direction des douanes ne répond pas. Le ministère du Budget cherche des »éclaircissements »», écrit »Nice-Matin ».
Les 1.800 lingots d’or, d’une valeur de 72 millions d’euros (près de 150 millions de dinars), ont été exfiltrés illégalement de Tunisie, et sans obstruction aucune, au rythme de 2 à 5 passages par semaine depuis la chute de Ben Ali en janvier 2011 jusqu’en avril 2012. Les douaniers français ont dénombré près de 150 passages.
«Et, mercredi dernier, surprise: alors qu’on pensait le trafic terminé, une nouvelle »muse » tunisienne, sur le vol Djerba-Nice, a passé douze kilos en lingots d’or à l’aéroport», écrit »Nice-Matin ».Ces révélations sont d’autant plus graves qu’elles font accréditer la thèse que ce trafic de lingots d’or entre Tunis et Dubaï via les aéroports français a un lien avec les biens mal acquis du clan Ben Ali et que les passeurs, dont il s’agit de déterminer l’identité, bénéficient de complicités dans les différents aéroports tunisiens.
Par René Naba
Le gel difficile de la fortune des Ben Ali
Ben Ali et sa femme Leïla. Le magazine américain Forbes a estimé la fortune de l’ex-président à 5 milliards de dollars. Crédits photo : FETHI BELAID/AFP
L’organisme anti-blanchiment Tracfin a demandé aux banques françaises de lui signaler le moindre mouvement de fonds suspect lié à l’entourage du président tunisien déchu. Mais le gel des avoirs n’est pas automatique.
Les proches du président tunisien déchu sont dans le viseur de la cellule française de lutte anti-blanchiment, Tracfin. Nicolas Sarkozy a déclaré samedi que Paris avait «pris les dispositions nécessaires pour que les mouvements financiers suspects concernant des avoirs tunisiens en France soient bloqués administrativement».
En clair, le gouvernement français a demandé aux enquêteurs de Tracfin «d’exercer une vigilance particulière» et de lancer des «blocages administratifs» si besoin. L’objectif: que l’argent provenant de présumés pots-de-vin et de spoliations placés en France ne puisse pas être évacué vers des cieux plus cléments par les familles du président en fuite Zine el-Abidine Ben Ali et de sa femme Leïla Ben Ali Trabelsi. La fortune de Ben ali est estimée à 5 milliards d’euros par le magazine américain Forbes.
«Mesures de vigilance»
Dimanche 16 janvier, Tracfin a publié sur son site Internet une note destinée aux professionnels. La cellule invite ces derniers «à appliquer avec une particulière attention les mesures de vigilance». En cas de mouvements suspects, Tracfin peut, dans un premier temps, «bloquer [les fonds] pendant 48 heures et ensuite saisir une instance judiciaire», a précisé la ministre de l’Économie Christine Lagarde. «C’est très souvent ce qu’il se passe dans des situations troubles de ce type, en cas de changement et de transition de régime.»
Au-delà de ces 48 heures, seule une décision de justice ou des sanctions internationales peuvent entraîner le gel des avoirs suspects. Bercy liste trois types de sanction : celles imposées par les Nations unies ; celles mises en place par l’Union européenne et celles émanant de la justice française.
Problème, note Danièle Lebègue, président de Transparency International France, «si des avoirs sont bloqués 48 heures et si cela n’est pas suivie d’une décision de justice, les Tunisien incriminés retrouveront-ils leurs fonds mal acquis?», s’interroge le responsable de l’ONG. «Éviter une évaporation des sommes»Transparency International et l’ONG Sherpa portera donc plainte mardi matin pour obtenir une intervention de la justice comme une décision conservatoire du type gel des avoirs. Avant une restitution des fonds à la Tunisie. «Il faut absolument éviter une évaporation des sommes vers le Moyen-Orient et les paradis fiscaux», insiste Danièle Lebègue. Les deux associations sont déjà à l’origine de la plainte en France contre trois chefs d’Etat africains, Ali Bongo (Gabon), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzavile) et Teodoro Obiang (Guinée équatoriale) dans l’affaire dite des «biens mal acquis».
Le clan des Ben Ali et des Trabelsi, qui possède des résidences en France, n’a probablement pas placé tous ses œufs dans le même panier.
«Les Trabelsi ont beaucoup investi à Dubaï, notamment dans l’immobilier», indique Catherine Graciet, journaliste et auteur de «la régente de Carthage», une enquête sur la femme de l’ex-président.
«Ben Ali s’est récemment rendu en Argentine et soignait son cancer à Malte, ce qui laisse supposer qu’il y a placé une partie de sa fortune.» Les cercles d’exilés tunisiens de Paris bruissent également de rumeurs de placements en Suisse et à Monaco. Autant d’endroits où le gel des avoirs n’est pas une pratique toujours très répandue.
Par Guillaume Guichard
La fortune du clan Trabelsi au cœur de la révolution tunisienne
En un quart de siècle, le clan de Leila Trabelsi, la femme du président déchu, a fait main basse sur l’ensemble des secteurs de l’économie tunisienne, se constituant une fortune colossale qui n’a fait qu’attiser la colère des Tunisiens. Une haine viscérale. Tel est le sentiment que le nom des Trabelsi inspire aux Tunisiens exaspérés par la mainmise de la belle-famille de Ben Ali sur l’ensemble des secteurs économiques du pays.
La fortune
Aucun expert n’a une idée précise du montant de la fortune du clan. Seule estimation, le classement Forbes de 2008 qui estime la fortune personnelle de Ben Ali à 5 milliards d’euros.
Difficile aujourd’hui de savoir où est passé cet argent. La France a constitué une équipe au sein de Tracfin, le service de renseignement de Bercy, qui traque les actifs du clan Ben Ali. Il aurait déjà décelé, selon l’AFP, des « mouvements suspects » sur les avoirs du clan en France.
Ben Ali et sa femme possèderait également, selon Catherine Grassiet, des biens à Malte, à Dubaï et en Argentine.
Selon la rumeur, il manquerait 1,5 tonnes d’or dans les coffres de la Banques centrale de Tunisie (BCT). D’après le journal Le Monde, la famille Ben Ali se serait enfuie avec des lingots d’un montant évalué à millions d’euros.
Dans les premières heures de la chute du « raïs », les Tunisiens se sont précipités dans les luxueuses demeures de la famille Trabelsi avec une seule idée en tête : récupérer ce qu’on leur avait volé. Aujourd’hui, des palaces installés sur les hauteurs de Gammarth, la très chic banlieue nord de Tunis, il ne reste que les murs.
« Dans les 72 heures après le départ de Ben Ali, les citoyens tunisiens se sont rués aux frontières pour chercher un Trabelsi dans les coffres des voitures ! La haine du clan a été un moteur clé de la révolution, les gens ne pouvaient plus supporter leur prédation « , explique à FRANCE 24 Catherine Graciet, co-auteur avec Nicolas Beau de « La régente de Carthage, main basse sur la Tunisie ».
Un système « quasi » mafieux
Pour les Tunisiens, les Trabelsi incarnent les excès d’un régime qui a fonctionné comme une « quasi mafia », selon la formule consacrée dans des télégrammes confidentiels de Washington récupérés par WikiLeaks et révélés par le journal Le Monde. Dans une note qui date de juin 2008, sous le titre « Ce qui est à vous est à moi », plus d’une dizaine d’exemples d’abus sont énumérés.
« Ils [les Trabelsi] n’hésitaient pas à utiliser la force physique, la pression, la violence pour s’accaparer des biens. Cela pouvait passer par des bousculades autant que par des contrôles fiscaux abusifs. La palette des moyens utilisés était très large », explique Catherine Graciet.
« Le département d’État américain parle de système quasi-mafieux, et c’est le « quasi » qui est intéressant. Parce que les mafieux n’hésitent pas à se tuer et s’assassiner entre eux pour parvenir à leurs fins. Or, ce n’est pas le cas des Trabelsi, au contraire. Ils s’entraidaient et s’enrichissaient « , poursuit Catherine Graciet.
Le clan a toujours pu compter sur Leila Trabelsi, qui, en véritable marraine, n’a eu de cesse d’enrichir les siens en répartissant les affaires en fonction des appétits. L’ancienne première dame, croqueuse de diamants, issue d’une famille modeste, a dirigé, en toute impunité, de vastes opérations de détournements de fonds, expropriations et corruption en tout genre.
L’empire Trabelsi
L’entourage de Ben Ali et de sa femme a constitué en un quart de siècle un véritable empire, allant des médias aux transports, banques, télécommunications, tourisme, services aéroportuaires ou grande distribution (Géant et Monoprix). « Parler d’affrontements interethniques n’est pas suffisant »
Belhassem Trabelsi, l’un des frères de Leila connu pour être le plus violent, a mis la main en 2001 sur la compagnie aérienne « Carthage Airlines ». D’après la note de WikiLeaks révélée par Le Monde, Belhassem, qui s’est imposé au conseil d’administration de la Banque de Tunisie (BT), possède plusieurs hôtels, une des deux radios privées tunisiennes, des usines d’assemblage d’automobiles, le réseau de distribution Ford, une société de développement immobilier, etc…
Parmi cette vaste famille élargie, le frère de Leila, Moncef, et son neveu Imed sont également devenus des acteurs économiques de premier plan. Moncef a fait fortune dans la construction. Imed – qui aurait été poignardé le 14 janvier – a commandité le vol du yacht de luxe du banquier français, Bruno Roger, dans le port de Bonifacio en Corse. Malgré les charges qui pèsent contre lui, il a été innocenté par la justice tunisienne. Devenu maire de la station touristique de la Goulette, il avait mis la main sur la grande distribution (Bricorama). Et la liste des avoirs des membres du clan est encore longue (voir Infographie du Monde sur le clan Ben Ali).
Reconstruire l’économie : « un sacré chantier »
« Autant les Trabelsi n’ont pas vu venir la révolution qui est arrivée très rapidement. Autant on peut s’imaginer qu’ils ont pris leur disposition pour mettre leur fortune à l’abri. » Catherine Grassiet, co-auteur de « La régente de Carthage »
La chute de Ben Ali et de son clan risque donc fortement de redistribuer les cartes de l’économie du pays.
« Je ne vois pas quel secteur y a échappé. Les entreprises vont continuer à tourner mais il faut désormais se demander comment les autorités vont repartir les parts. Ça va être un sacré chantier qui risque de prendre quelques années », explique à FRANCE 24, Jean-Paul Tuquoi, journaliste au Monde et spécialiste du Maghreb.
Les entreprises détenues par les Trabelsi représentent des milliers d’emplois. « Politiquement, on ne peut pas liquider tout ça d’un coup », continue Catherine Graciet qui estime que c’est à l’exécutif et à la justice de trancher sur le devenir de ces entreprises. Une enquête devrait être ouverte prochainement sur les crimes de la famille dont 33 membres ont été arrêtés.
Par Sarah LEDUC
Comment le clan Ben Ali a pillé la Tunisie
L’ancien président en fuite a amassé une fortune colossale pendant ses 23 ans à la tête du pays. Extorsions, racket, menaces.. Tous les moyens étaient bons pour faire main basse sur les secteurs clés de l’économie.
La France a assuré lundi que les avoirs tunisiens dans les banques françaises étaient sous « vigilance particulière », tout en admettant qu’il était juridiquement impossible de les geler. L’annonce pourrait froisser Ben Ali, qui serait propriétaire d’un immeuble en plein coeur de Paris, estimé à 37 millions d’euros selon Europe 1. Le porte-parole du gouvernement François Baroin a affirmé lundi à ce sujet que la France se tenait « à la disposition des autorités constitutionnelles tunisiennes » pour examiner le sort des biens immobiliers de l’ex président de la Tunisie. Ben Ali, qui s’est enfui du pays vendredi après un mois de contestation sans précédent, détiendrait également des avoirs dans plusieurs banques françaises.
Pour autant, le plus gros de sa fortune accumulée en 23 ans de règne et estimée par Forbes à 5 milliards de dollars, devrait être à l’abri. La semaine dernière, la famille Ben Ali aurait en effet liquidé tous ses comptes, selon un journaliste tunisien interrogé par Europe 1. « Ils ont vidé les caisses, jusqu’à la dernière minute, pour qu’il ne reste rien », raconte Slim Bagga. Surtout, l’ancienne première dame de Tunisie, Leïla Ben Ali, aurait retiré 1500 lingots d’or de la Banque centrale dès le 19 décembre dernier, l’équivalent de 45 millions d’euros selon le Monde.
Comment Ben Ali a-t-il amassé une telle fortune, lui qui ne possédait rien ou presque avant d’accéder au pouvoir? C’est simple, le gouvernement a fait main basse sur tous les pans de l’économie. « Toutes les sociétés privées étaient victimes de la corruption de Ben Ali, explique sur BFM Antoine Sfeir, directeur des cahiers de l’Orient : il rentrait dans une société, il demandait à voir le patron. Il lui disait : ‘le notaire va vous appeler, nous sommes à 50/50 désormais’. C’est tout, ça suffisait ». Et tous les moyens étaient bons pour convaincre les récalcitrants: racket, intimidation, menaces…
Au-delà du seul Ben Ali, c’est en fait toute la famille de sa seconde femme Leila Trabelsi, qui a vu son patrimoine exploser à partir de la moitié des années 90. Depuis qu’elle a épousé son amant en 1992, cette « Catherine de Médicis », détestée des Tunisiens, n’a cessé de favoriser les siens.
Banques, transport, immobilier, agroalimentaire, hôtellerie, agriculture, grande distribution, télécommunication, maritime… « Pas un secteur qui ne leur échappe ; pas une transaction avec un groupe étranger dont ils ne sont parties prenantes ; pas un beau terrain, ou presque, sur lequel ils n’ont des vues. Et personne, dans le clan, n’est oublié », racontent Nicolas Beau et Catherine Graciet dans le livre « La régente de Carthage, main basse sur la Tunisie ».
D’origine sociale modeste, les frères, soeurs, gendres et neveux de Leila deviennent ainsi rapidement propriétaires d’hôtels, de fermes, de banques et de compagnies aériennes. Son frère Belhassen par exemple, se spécialise dans l’achat à bas prix de terrains classés au patrimoine historique et revendus à prix d’or après avoir été déclarés constructibles. Mais le chouchou de Leila était son neveu Imed, qui a été tué vendredi, victime, selon Jeune Afrique, d’un règlement de compte de la part de l’un de ses anciens collaborateurs. Ayant fait fortune dans l’immobilier et la grande distribution, notamment en association avec le groupe Bricorama, Imed Trabelsi avait été poursuivi sans succès en France pour le vol du yacht de Bruno Roger, l’un des dirigeants de la Banque Lazard et proche de l’ex président Jacques Chirac.
De quoi qualifier l’entourage familial du président de « quasi-mafia » par l’ambassade américaine. Dans des télégrammes confidentiels obtenus par Wikileaks, un diplomate cite plus d’une dizaine d’exemples de « magouilles » à mettre au compte de ce « clan », désormais exilé en Arabie Saoudite et logé dans un somptueux palais à Jeddah.
Par Laura Raim -lexpansion.lexpress.fr