La faim et le désespoir

La faim et le désespoir

Les jeunes tunisiens ne sont pas seuls à descendre dans la rue. Alors que l’ambiance est explosive dans le pays depuis plusieurs mois, leurs voisins algériens se révoltent aussi contre la pauvreté. La hausse des prix alimentaires fait des remous, sur fond d’incertitude politique.

Hier, des manifestants ont bloqué la principale route reliant Bejaia (Kabylie) à Alger pour protester contre la cherté de la vie et la flambée des prix du sucre, du lait, de l’huile et la rareté du pain.

Mercredi, pour les mêmes raisons, des émeutes ont éclaté dans plusieurs quartiers d’Alger et d’Oran, deuxième ville du pays. Dans le quartier populaire de Bab El Oued, à Alger, les émeutiers ont attaqué un commissariat de police, incendié des voitures, saccagé des magasins des concessionnaires Renault et Geely (Chine). À Chéraga, dans la banlieue ouest de la capitale, de violents affrontements ont opposé des manifestants aux forces de l’ordre. La nuit a été agitée.

Un mouvement contre la hausse des prix amorcé depuis plusieurs mois

LG Algérie

Hier, la tension était perceptible dans toute la capitale alors que de folles rumeurs circulaient sur le retour des émeutes. Les manifestants ont scandé des slogans hostiles au président Abdelaziz Bouteflika et dénoncé la cherté de la vie, le chômage et la « mal-vie ».

En fait, le front social est en ébullition depuis plusieurs mois, avec la multiplication des manifestations de rue et le blocage des routes nationales à travers le pays. De mouvements sporadiques pour dénoncer coupures d’eau et d’électricité, la protestation a pris de l’ampleur ces derniers jours pour prendre les allures d’une révolte nationale contre la hausse des prix.

Le prix du sucre a augmenté de 20 % à 50 % selon les régions et les quartiers. L’huile a flambé alors qu’une pénurie de pain pointe à l’horizon. Le lait manque et son prix a triplé dans les villes de l’intérieur.

Malgré des dépenses annuelles de 14 milliards d’euros dans le social (soutien des prix, construction de logements sociaux, santé publique, universités), le gouvernement n’arrive pas à maintenir la paix sociale.

Le secrétaire général du parti Islah (« Réformes », islamiste), Djamel Benabdeslam, dénonce un pouvoir qui dépense sans compter mais qui empêche l’opposition de s’exprimer. « Les factures sociale et économique ont augmenté, sans aucun résultat sur le quotidien des Algériens. Il n’y a aucune stratégie économique, ni sociale. Le pouvoir est en faillite », déplore-t-il.

La tension sur le front social est accompagnée de rumeurs politiques, une situation étrangement identique à celle qui avait précédé les émeutes sanglantes d’octobre 1988 et la fin de 30 ans de règne du parti unique.

L’absence à la télévision du président Abdelaziz Bouteflika – ordinairement très présent dans les médias – se double de rumeurs de divisions au sommet de l’État. Sujets de discorde : la lutte contre la corruption généralisée, le désaccord entre le président Bouteflika et son premier ministre Ahmed Ouyahia et la volonté presque affichée du petit frère du président de Bouteflika, Said, de se présenter à la présidentielle de 2014. Dans les salons d’Alger, des présidentielles anticipées en 2011 sont mêmes évoquées !

Le président Bouteflika, qui s’est accaparé toutes les prérogatives depuis son arrivée au pouvoir en 1999, est de plus en plus contesté par une partie du régime en raison de son immobilisme, et de la corruption généralisée. Gouvernée par un président dont la santé est chancelante depuis 2005, l’Algérie ne peut se reposer sur son gouvernement, qui compte nombre de ministres malades (Finances, Ressources en eau, Justice, Enseignement supérieur), incapables d’assurer convenablement leurs fonctions.

Ali Idir