La faiblesse des managers et la surpénalisation de l’acte de gestion fragilisent les entreprises publiques

La faiblesse des managers et la surpénalisation de l’acte de gestion fragilisent les entreprises publiques

Les entreprises publiques algériennes vont mal. Alors que Maroc Télécom est parti depuis déjà quelques années, avec beaucoup de succès, à la conquête des marchés africain et européen, Algérie Télécom peine à sortir d’une crise qui dure depuis plusieurs années. Le management actuel, comme tous ses prédécesseurs, peine à mettre en place une stratégie efficace.

Au lieu de s’attaquer aux chantiers prioritaires – développement du fixe et de l’Internet haut débit-, la direction de l’opérateur historique multiplie les annonces farfelues. La dernière en date concerne la volonté de la direction du groupe d’encourager leurs cadres à créer leurs propres entreprises.

Annoncé il y a quelques jours, ce projet s’annonce en effet comme un véritable désastre pour le groupe. Déjà pratiquée au milieu des années 2000 par des opérateurs étrangers confrontés au problèmes de sureffectifs, la méthode dite « essaimage » a eu comme effet de provoquer le départ massif des compétences. « Les médiocres savent qu’ils ne pourront jamais créer leur propre entreprises. Ce sont les cadres compétents qui partent pour le faire. Les encourager à le faire est un suicide pour l’entreprise », explique un expert en télécommunications. Résultat : l’essaimage n’a pas permis de réduire les effectifs dans ces entreprises mais il a failli les vider de leurs compétences. Au moment où toutes les entreprises en Algérie se plaignent d’un manque de compétences, Algérie Télécom lance un projet se débarasser des siennes.

Autre annonce faite récemment par Algérie Télécom : la gratuité du fixe dès 2013. « Le management d’Algérie Télécom essaye d’importer en Algérie des méthodes qui sont pratiquées dans d’autres pays. Or, les télécoms est aussi une affaire de culture. Imaginez offrir aux Algériens, connus pour le temps record qu’ils passent au téléphone, des communications en permanence gratuites? « , explique un expert en télécommunication.

Mais le management d’Algérie Télécom n’est pas le seul à montrer son incapacité à gérer efficacement son groupe. Sonelgaz et Air Algérie sont deux autres exemples de la faiblesse des managers algériens placés à la tête des grands groupes publics. La première peine à gérer la consommation électrique des Algériens : tous les ans, durant l’été, l’entreprise est confrontée aux délestages. Et à chaque période, c’est la même chose : d’abord un démenti officiel sur l’existence de délestage puis le PDG passe aux aveux et promets d’améliorer les choses l’année d’après.

Dans le secteur aérien, Air Algérie se fait tailler des croupières par Aigle Azur, une petite compagnie privée française. A l’aéroport d’Alger, les voyageurs assistent quotidiennement à des scènes de pagailles aux comptoires d’enregistrement d’Algérie. Et la direction de la compagnie peine à mettre fin à une pratique scandaleuse de son personnel : refuser l’accès à des voyageurs munis d’une carte d’embarquement pour donner leurs sièges à des « proches ». Plus récemment, des déclarations malheureuses du PDG de la compagnie a provoqué la colère des pilotes qui ont failli déclencher une grève en pleine saison estivale.

Hormis Sonatrach et quelques entreprises comme Cosider qui tirent leur épingle du jeu, la majorité des entreprises publiques peinent à mettre en place des méthodes de management efficaces.

Mais l’incompétence des managers n’est pas la seule raison de cette faiblesse de nos entreprises. Ces dernières, la surpénalisation de l’acte de gestion a rendu les managers publics très frileux. « Parfois, on veut prendre une décision d’investir dans un projet. Mais de crainte de se voir reproché ce choix quelques années plus tard, on évite de le faire. On préfère l’accusation d’incompétence au risque d’aller en prison », explique le PDG d’un entreprise publique. Le retour aux affaire du Premier ministre Ahmed Ouyahia n’a pas arrangé les choses. En 1996, il avait envoyé plusieurs milliers de cadres du secteur public en prison. La majorité a été innocenté. Mais la leçon a été bien apprise : un bon manager est celui qui ne prend aucune décision…