La face cachée de Mohamed Raouraoua, le président de la FAF : Corruption et magouilles comme stratégie de développement du football algérien (2ème partie)

La face cachée de Mohamed Raouraoua, le président de la FAF : Corruption et magouilles comme stratégie de développement du football algérien (2ème partie)

Enfant, il était fan de l’USM Alger. Pour l’Algérois qu’il était, si ce n’est pas le Mouloudia et ses talentueux Aouadj, Saâdi, Loucif et Zerga, il ne peut être charmé que par les Meziani, Bernaoui et autre El-Okbi, au football académique et spectaculaire. Son attachement à l’équipe de Soustara l’amènera plus tard à intégrer le cercle des dirigeants. A défaut de porter les couleurs du club faute de talent, il le servira dans les coulisses. C’est par là que Mohamed Raouraoua entre dans le monde du football. Une entrée que certaines « mauvaises langues » disent qu’elle s’est faite par effraction.

Peu importe la manière avec laquelle il s’est invité dans le monde du football. L’essentiel pour lui, c’est qu’il s’en sert comme tremplin pour se retrouver, quelques années plus tard, au sommet de la pyramide. Depuis, que de chemin parcouru !

La première question qui vient à l’esprit est «comment s’est-il fait une place dans l’assemblée générale de la FAF afin de pouvoir postuler, ensuite, à sa présidence ?». Sa première apparition dans la plus haute instance dirigeante du football algérien s’est faite en 1986 de la manière la plus obscure et la plus insidieuse. Au lendemain de la catastrophique participation algérienne à la phase finale de la CAN qui s’était déroulée au Caire, Kamel Bouchama, alors ministre de la Jeunesse et des Sports, avait validé l’intrusion d’un énigmatique comité de soutien à l’EN au sein duquel se trouvait Mohamed Raouraoua, figure inconnue dans le monde du football en dehors de celui du cercle de l’USMA. «Personne ne lui prêta attention. Pas même les joueurs qui s’étonnaient de le voir rôder dans la résidence de l’équipe», nous avoue un ancien mondialiste.

L’épisode mexicain terminé et alors que le football algérien s’acheminait vers son premier sacre continental sous la conduite d’un staff technique 100% algérien et une équipe issue à 80% du cru, Raouraoua disparaît des écrans radar de la balle ronde. Il fallait attendre une bonne dizaine d’années pour le voir refaire surface. Et de quelle manière ? Il est candidat à la présidence de la FAF. Pas moins que ça. Comment s’est-il trouvé au devant-de la scène avec une facilité déconcertante alors que ce ne sont pas les hommes qui manquaient pour prétendre prendre en main les destinées du football algérien. Les Mekhloufi, Amara, Khalem ou Fergani, pour ne citer que ces noms, possèdaient une meilleure connaissance du football et pouvaient apporter plus que lui. Le seul nom de Mekhloufi suffisait à imposer le respect dans les instances internationales sans avoir besoin d’user de fourberies ni de courbettes pour se faire entendre. Par son nom si prestigieux, il imposera l’Algérie là où il va. Or, Raouraoua qui était un illustre inconnu sur la scène internationale s’est servi de l’Algérie pour se faire connaître. Rachid Mekhloufi s’éclipse en refusant de s’abaisser à un niveau qui n’est pas le sien. Celui de la magouille et des coups bas.

Certes, on ne refait pas l’histoire, mais toujours est-il qu’il demeure légitime de s’interroger comment Mohamed Raouraoua s’est fait une place à l’Assemblée générale de la FAF pour se porter candidat et se faire élire à la tête de la plus haute instance du football algérien. Alors qu’il interdit aux plus illustres acteurs de la balle ronde de siéger à cette assemblée, il s’en est octroyé un fauteuil qu’il veut indéboulonnable. Pour y parvenir, il fait le vide autour de lui, s’entourant d’intrus qui n’ont à faire valoir que leur docilité au nouveau maître des lieux et à rivaliser en flagornerie en adoptant au mieux que possible l’applaventrisme, sport préféré des incompétents et des opportunistes. Cela s’est manifesté de manière criarde à la dernière AG élective qui s’est déroulée à l’hôtel Sheraton.

Rachid Mekhloufi, l’ancienne star de l’AS Saint-Etienne et de la glorieuse équipe combattante du FLN, Mahieddine Khalef, l’homme de Gijon, qui avait mis à genoux l’ogre allemand, et tant d’autres prestigieux noms de la balle ronde se sont vus éjectés et bannis de leur propre milieu investi par les maquignons (baggara, trabendistes, dealers et voyous de tout acabit qui ont instauré le système de la «ch’kara»et du «cabas», qui a fait du football algérien le dernier de la classe. Ce ne sont pas des mercenaires ne connaissant de l’Algérie que les hôtels, les vestiaires de stades et, surtout, les gros chèques libellés en Euros qui nous feraient prendre les vessies pour des lanternes.

Seul Yahia Guidoum l’avait remis à sa place

Une fois aux commandes de la FAF, Raouraoua affiche ses ambitions. Il veut faire de cette instance son royaume où il aura droit de vie et de mort sur tout ce qui touche au football algérien. Il commence par s’attaquer au premier, et seul, à ce jour, Algérien champion d’Europe et du monde des clubs, Rabah Madjer. Alors qu’il dirigeait de main de maître la sélection nationale, il le limoge au lendemain d’un match nul arraché à une équipe belge mondialiste dans son propre fief. Une semaine plus tard, cette même équipe belge ira battre le champion du monde en titre, la France, devant son public sur le sore de 2 buts à 1. Pour quelqu’un d’intelligent, on ne se sépare pas d’un entraîneur après pareille performance. Mais aveuglé par la haine de tout ce qui peut lui faire de l’ombre, Raouraoua ne pouvait retarder l’échéance d’autant que Madjer n’est pas l’homme qu’il faut pour lui permettre de mettre en pratique sa politique basée sur la magouille et la manipulation. Autre raison de limoger Madjer, c’est que l’ex-star de Porto FC n’est pas du genre à se faire marcher sur les pieds et, surtout, pas se faire chiffonner comme l’ont été d’autres sélectionneurs qui n’osaient pas lever les yeux devant un homme si arrogant et si hautain.

Le premier mandat se termine en queue de poisson malgré une bonne performance en coupe d’Afrique réalisée par la troupe de Saâdane, appelé à la rescousse pour palier le départ de l’entraîneur étranger qui a remplacé sans succès Rabah Madjer. Désireux de briguer un second mandat qui appellera certainement d’autres, Mohamed Raouraoua s’est vu stopper net dans son élan par Yahia Guidoum , alors ministre de la Jeunesse et des Sports. L’homme ne badine pas avec les principes. Il ne se soumet jamais aux influences externes et, encore moins, aux injonctions supposées venir des hautes sphères. Chirurgien émérite qui continue d’exercer sa profession, même en étant ministre, Yahia Guidoum n’entend pas se servir de son poste ministériel comme le font beaucoup d’autres de ses pairs. Bien au contraire, il en fait un instrument pour combattre la médiocrité et tous les fléaux nuisibles à la bonne marche du secteur qu’il est appelé à diriger. Tout le monde se souvient de ce fameux «rak moakkef» (tu es limogé) adressé à un chef d’établissement hospitalier devant les caméras de la télévision alors qu’il était ministre de la Santé. Cette même rigueur, Yahia Guidoum l’a adoptée au ministère de la Jeunesse et des Sports. Raouraoua en avait fait les frais.

En quittant la FAF, il minera le terrain à son successeur Hamid Heddadj. Il invite tous les sponsors de l’EN à déserter les lieux. Les caisses de la FAF seront vides tout au long du mandat de Heddadj, un homme inconnu dans le monde du football et qui ne pèse pas lourd. Ce n’est qu’au retour de Raouraoua que les caisses de la fédération seront renflouées avec le retour de sponsors, notamment Nedjma avec lequel Raouraoua entretient d’étroites relations dont celle de la location d’une partie de la tour de Bab-Ezzouar.

En manipulant à sa guise les sponsors, Raouraoua veut se montrer indispensable. Et pour échapper au contrôle des pouvoirs publics et montrer qu’il peut se passer de la subvention du ministère de la Jeunesse et des Sports, il brasse large chez différents sponsors. Un exercice pas aussi compliqué comme il le présente. Puisque les différents sponsors, à commencer par Nedjma, ce sont le nom de l’Algérie et celui de l’équipe qui la représente qui les intéressent. Avec ou sans Raouraoua, du sponsoring il y en aura toujours. Pour peu qu’il y ait un homme qui sache s’investir dans la tâche et non pas quelqu’un, genre Hamid Heddaj, tombé dans le monde du football on ne sait d’où.

1 million de dollars pour son élection à l’exécutif de la CAF

Pour mieux asseoir son emprise sur le football algérien et pour ne plus jamais perdre pied et durer le plus longtemps possible dans ce monde qui l’a propulsé vers les cimes, Mohamed Raouraoua va investir les instances internationales, l’une après l’autre. La Confédération Africaine de Football, l’Union Arabe de Football et la FIFA, où il siège en tant que représentant de la CAF. Ajoutons à ces trois instances, sa présidence de la FAF qu’il ne lâchera pas pour tout l’or du monde, et ses affaires privées, Hadj Raouraoua passera pour un superman s’il se donnait pleinement à toutes les tâches qu’il aura à mener. Mais, quand on se contente de voyager et juste assister à des réunions sans lendemain, cela s’apparente beaucoup plus à du tourisme tous frais payés qu’à l’accomplissement d’une mission noble.

Pour parvenir à ses fins, le président de la FAF ne lésine pas sur les moyens. Et comme la corruption et la magouille font partie, pour ne pas dire qu’ils font l’essentiel de sa stratégie dans toute action qu’il entreprend, et tant qu’il trouvera des mécènes pour satisfaire ses besoins, il n’y va pas avec le dos de la cuillère. C’est ainsi qu’il a profité des largesses et de la générosité du sponsor principal de l’EN, l’opérateur de téléphonie NEDJMA, pour dépenser pas moins d’un million de dollars destinés à graisser la patte aux électeurs. En plus du million de dollars distribué sous enveloppes, des centaines d’appareils téléphoniques portables de marque IPHONE, tout nouveau encore sur le marché, sont offerts généreusement aux votants. Aucun autre candidat n’avait réussi à mettre autant d’argent pour un poste qui servira beaucoup plus sa personne que le football algérien.

Quand Rachid Mekhloufi siègeait à la CAF, il n’avait pas dépensé un centime pour obtenir son poste. Et Dieu seul sait combien il était efficace pour son pays. Son nom suffisait largement à convaincre ses interlocuteurs pour placer en lui sa confiance. Il était crédible par son passé de sportif, son honnêteté et sa droiture. Il m’est arrivé de le voir négocier la venue de l’Olympique de Marseille pour donner la réplique à la sélection nationale au milieu des années 80’. Il avait au bout du fil Michel Hidalgo, un monument du football français. Mekhloufi avait réussi à faire venir l’équipe française pour la moitié du prix demandé. Il fallait le faire. Il n’y avait ni magouilles ni argent à donner sous table.

L’arbitre corrompu se retourne contre lui

La corruption est une pratique courante chez Mohamed Raouraoua, selon ses proches. C’est pour cette raison qu’il n’y a jamais eu de poursuites contre les auteurs en la matière dénoncés avec preuves dans les différents championnats d’Algérie, de la division inter-wilaya à la première division. La corruption des arbitres n’est que secret de polichinelle dans le championnat d’Algérie, que ce soit en 1ère ou 2ème division. La FAF n’a jamais bronché et ne s’est jamais autosaisie d’une seule des dizaines d’affaires rapportées par la presse nationale. Pour comprendre le silence de l’instance dirigeante du football algérien, nous rapportons cette anecdote que nous ont livrée des sources très proches du président de la FAF.

Lors d’un match comptant pour les éliminatoires de la coupe du monde (nous nous gardons de citer le match par respect aux joueurs et à l’entraîneur), Raouraoua avait offert 40.000 Dollars à l’arbitre, bien que le match se déroule à Blida, en Algérie. Au cours du jeu, et alors que la sélection menait par un but à zéro, les Algériens aggravent la marque. Une réalisation que refuse de valider le référée bien que le ballon avait franchi la ligne d’un mètre. Raouraoua venait de se rendre compte que l’arbitre n’a pas marché dans la combine bien qu’on lui avait graissé la patte. Les Egyptiens, en vieux rivaux, l’avaient déjà touché. Le président est hors de ses gonds. Il va pleurer, à chaudes larmes, derrière les bois du gardien de but. Soudain, il se ressaisit et appelle l’un de ses sbires en lui intimant l’ordre de se dépêcher à l’hôtel Sheraton pour récupérer l’argent de sa chambre.

Arrivé sur les lieux, l’homme de main demande à la réception la clé de la chambre de l’arbitre du match. Après quelques palabres, il se voit opposer un refus catégorique de la direction de l’hôtel. Peine perdue. Raouraoua décide, alors, de faire interpeller l’arbitre à l’aéroport par les douaniers qui l’arrêteront en flagrant délit de transfert illicite de devises. Mais, il se ravise vite sur conseils de quelques uns de ses collaborateurs. « S’il est arrêté, il révèlera l’origine de l’argent et ça va nous éclabousser », lui disent-il. Tant pis ! Après tout, l’Algérie s’est qualifiée sans le coup de pouce de l’arbitre et l’honneur de Saâdane et de sa troupe est sauf.

Un agronome converti en expert du football

Si l’on venait à jeter un coup d’œil sur ses réalisations à la FAF durant ces quatre dernières années, contrairement à ces fourbes qui ont adopté son bilan moral sans réserve, on constatera que rien n’a été fait pour sortir le football algérien du marasme. Et comme pour contredire les larbins qui ont validé son bilan, Raouraoua reconnaît que le professionnalisme en Algérie, lancé sous sa conduite, est encore à des années lumière de ce qu’il doit être, que le championnat d’Algérie n’arrive pas à produire des joueurs pour l’EN, que la formation n’est pas ce qu’elle doit être. C’est lui-même qui dresse un bilan négatif. Somme toute, c’est le résultat de sa stratégie et de son bricolage basé sur le népotisme et le copinage.

Cette politique du copinage est flagrante dans le cas d’un jeune homme âgé d’à peine 25 ans diplômé en agronomie. Il est affublé du titre d’expert en football avec pour mission « l’observation et les statistiques ». Le salaire du jeune homme est de 1500 euros, en plus de la prise en charge totale au centre technique de Sidi Moussa et les billets d’avion pour rentrer chez lui en France. Le jeune homme est résident en France, et travaille comme coopérant en Algérie étant porteur d’un passeport français bien qu’il soit d’origine algérienne. C’est comme s’il n’y avait pas en Algérie quelqu’un qui pouvait tenir une caméra et filmer les entraînements de la sélection nationale et les visionner avec un logiciel qui donne les statistiques voulues.

Ce travail est rémunéré à 1500 euros. C’est-à-dire qu’il perçoit le même salaire que Noureddine Korichi, entraîneur national adjoint. Et si l’on venait à parler des salaires du personnel gravitant autour de l’EN et des disparités salariales existantes, il y a vraiment à boire et à manger. C’est ce que nous verrons dans la 3ème partie de cette enquête.

HICHEM ABOUD