Rendre imperméables nos frontières et réduire les risques de trafic à nos portes ! Voici donc un vœu pieu ! Une entreprise ardue qui repose sur les services des Douanes algériennes.
Un corps qui reste exposé et sans protection. Car, comme toute médaille a son revers, autant la tâche de ce dernier douanier est rude, autant ses émoluments restent insignifiants. La tentation est grande et le risque important, autant que le statut des douaniers est rudimentaire et leurs salaires dérisoires. Comment donc inciter les uns et les autres à ne pas succomber aux chants de sirènes ? Que faire pour cultiver chez ces fonctionnaires abnégation et dévouement ? Sûrement pas en les exposant, doublement, au besoin et à la facilité.
Un douanier gagnant à peine 19.000 dinars par mois serait-il capable de penser à préserver l’économie de son pays ? « Ventre creux n’a point d’oreilles » dit-on. Tant attendu, le dernier décret exécutif 10-286 du 14 novembre 2010 portant statut particulier des fonctionnaires appartenant aux corps spécifiques de l’administration des Douanes, n’est pas venu répondre aux espérances des douaniers. Leur salaire reste presque inchangé si ce n’est les 2000 dinars de hausse venue gratifier la fiche de paie. A ce sujet, il est bon d’établir un bilan des efforts consentis et des assauts des fraudeurs et autres trafiquants et des risques encourus par notre économie.
Si en matière de saisie de marchandises prohibées, le site des Douanes algériennes se relève instructif à ce propos, les affaires où sont impliqués des douaniers sont d’autant nombreuses. Du cheptel au carburant, en passant par la monnaie et les stupéfiants, la liste est longue et peut renseigner sur les efforts consentis par ce corps mais avertis, aussi, sur les menaces qui pèsent sur nos frontières qui risquent de devenir une passoire. Cependant et à l’inverse, certains agents indélicats attirés par le gain facile ont eu maille à faire avec la justice. Saisie par ci d’une quantité, il y a quelques mois, à Maghnia de 10,31 quintaux de résine de cannabis, l’arrestation par là, à Oran, d’un douanier indélicat pris en flagrant délit de commercialisation de marchandise qu’il volait dans un port sec.
Les affaires traitées par les tribunaux algériens sont légion. Rien que pour l’exercice de ces deux dernières années, la liste est bien fournie de ceux qui ont eu à répondre de leur indélicatesse devant la justice. A titre d’exemple, nous citerons l’affaire de véhicules volés et introduits en Algérie via le port d’Alger grâce à la complicité d’un douanier qui, en passant, perçoit 9 millions de centimes par véhicule passé, une quinzaine en tout. Une affaire qu’a eu à traiter le tribunal correctionnel d’El Harrach. Début 2010, la douane a été ébranlée par l’arrestation pour corruption de 17 douaniers à l’aéroport d’Alger, suspectés d’avoir fait passer des bagages sans verification en contrepartie de pots-de-vin. La campagne « mani pulite », entamée en 2005 visant à assainir les rangs des douanes n’a pas réussi à tempérer les ardeurs des uns et des autres.
Annuellement, entre 80 et 100 agents des douanes sont sanctionnés pour différents motifs. Les chiffres donnés lors de la journée d’étude sur la protection de l’économie nationale organisée par la commission de défense de l’APN au Cercle des militaires sont peu élogieux. Les transferts illicites d’argent, la manne financière dégagée par l’introduction frauduleuse de produits contrefaits laisse pantois.
Les responsables de la Cellule du traitement du renseignement financier (CTRF), affirment, qu’en matière de blanchiment d’argent, un peu plus de 130 déclarations de soupçon lui sont transmises par des banques et des établissements financiers pour les trois premiers mois de l’année en cours. L’année passée, la même cellule a reçu 233 déclarations. Ces 363 dossiers douteux représentent près de 7,8 millions de dollars. La même cellule affirme que » 400 containers sont bloqués actuellement au niveau des différents ports du pays parce que leurs propriétaires ne se sont pas manifestés, démontrant ainsi qu’en fait ils ont servi de simples prête-noms ». Quant aux produits contrefaits, ces derniers représentent la modique somme de 600 millions de dollars.
En ce qui concerne le transfert de capitaux, CTRF indique qu’en 2008, ses services ont « saisi 10 millions de dollars sur des voyageurs ». Ce constat relève que contrairement à la situation du douanier algérien, le crime économique a évolué rendant caduc le vieux dicton qui veut qu’à bon rat, bon chat !
azzedine Belferag.