Une bataille d’influence dont l’issue risque d’avoir d’importantes répercussions diplomatiques est en cours ce mardi pour empêcher l’Égyptien Farouk Hosni d’accéder à la direction générale de l’Unesco.
Le ministre égyptien de la Culture, dont les détracteurs stigmatisent les positions anti-israéliennes, et son ultime concurrente, la Bulgare Irina Gueorguieva Bokova, s’affrontent ce mardi soir lors d’un cinquième et dernier tour de scrutin.
Parti favori, Farouk Hosni, 71 ans, s’est tour après tour fait rattraper par la diplomate bulgare de 57 ans.
Les deux candidats sont à égalité parfaite après avoir chacun obtenu 29 voix sur les 58 que compte le conseil exécutif de l’Unesco.
Selon les règles de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture, si le dernier scrutin ne change pas le rapport de forces, on procédera à un tirage au sort et seule la conférence générale, qui regroupe les 193 pays membres de l’organisation, pourrait invalider le résultat.
Mais plusieurs responsables de l’Unesco estiment que le suspense prendra fin dès ce mardi par la victoire de la candidate bulgare, qui sera acquise si un seul délégué change de camp ou s’abstient lors du dernier vote.
« La bataille est devenue féroce », a expliqué l’un deux en requérant l’anonymat. « Il y a une pression d’enfer qui est exercée sur quelques pays, notamment européens, pour qu’au moins un d’entre eux change de camp et vote pour Mme Bokova ».
Selon un autre responsable de l’organisation, les jeux sont pratiquement faits : « Je pense que Mme Bokova devrait l’emporter. Farouk Hosni a fait le plein des voix ».
Mobilisation des intellectuels
Le vote est secret, mais des sources internes à l’organisation soulignent que, parmi les pays de l’Union européenne représentés au conseil exécutif, la France, l’Espagne, la Grèce et l’Italie ont voté pour Farouk Hosni, en plus de pays de nombreux pays du tiers-monde.
Ces quatre États membres sont des pays méditerranéens qui ne souhaitent pas froisser le président égyptien Hosni Moubarak, coprésident avec Nicolas Sarkozy de l’Union pour la Méditerranée (UPM), un projet cher au chef de l’État français malgré des débuts laborieux depuis son lancement en 2008.
Pour la France, il convient de ménager l’Égypte, le seul pays arabe avec la Jordanie à avoir signé un accord de paix avec Israël, au moment où les grandes puissances tentent de relancer le processus de négociations israélo-palestiniennes.
« L’Égypte est un grand facteur de paix dans cette région du monde et on est bien content de l’avoir », avait déclaré le président français début septembre à quelques journalistes.
Mais Nicolas Sarkozy, qui avait estimé qu’Israël et les États-Unis ne s’opposeraient pas à Farouk Hosni malgré ses déclarations, semble avoir sous-estimé l’opposition.
L’Allemagne, la Hongrie, le Luxembourg et le Portugal, membres de l’UE, ont voté pour la candidate bulgare, donnant ainsi une image de division de l’Union européenne.
Même si Washington et Jérusalem n’ont pas fait publiquement campagne contre Farouk Hosni, les États-Unis, qui soutenaient d’abord la candidature équatorienne, se sont ralliés lundi à celle de l’ambassadrice bulgare auprès de la France et de l’Unesco et manoeuvrent en coulisse pour la faire gagner.
Israël, qui n’est pas membre du conseil exécutif de l’Unesco et ne vote donc pas, se montre discret afin de ménager l’Égypte, mais cela n’empêche pas des personnalités de la communauté juive de mener une campagne très efficace.
Le prix Nobel de la paix Elie Wiesel, les intellectuels Claude Lanzmann et Bernard-Henri Lévy ainsi que l’ancienne présidente du Parlement européen Simone Veil ont multiplié les interventions dans la presse contre Farouk Hosni.
Candidat d’un pays dont Amnesty International épingle chaque année la répression en matière de liberté d’expression, il avait déclaré en 2008 qu’il brûlerait lui-même les livres en hébreu s’il en trouvait dans les bibliothèques égyptiennes.
Il a ensuite à plusieurs reprises regretté ses propos, prononcés dans l’enceinte du parlement égyptien lors d’une altercation avec un député des Frères musulmans.
« Même s’il est élu, ce n’est pas un bon départ », souligne un responsable de l’Unesco, qui parle de « situation historique ».