Le réveil de la diplomatie algérienne, après une décennie entière de politique étrangère tournée vers l’Europe et les Etats-Unis, a permis la reconquête d’un nombre appréciable de places fortes non seulement en Afrique, mais aussi en Amérique latine et en Asie.
Durant les cinq dernières années, l’Algérie est revenue en première ligne dans plusieurs crises régionales. Ce fut d’abord le cas au Mali, où la diplomatie algérienne a diligenté une médiation entre le pouvoir central de Bamako et les groupes armés de l’Azawed, au nord du pays, obtenant au forceps un accord de paix qui a été en fin de compte paraphé en juin 2015 par les différentes parties. Il en fut de même en Libye où Alger s’est puissamment investie en jouant les bons offices, lors de réunions auxquelles participaient les protagonistes actifs du conflit. Cette méthode qui tranchait avec celles d’autres pays usant et abusant des tambours et trompettes a beaucoup aidé le processus onusien, souvent à la lisière de l’échec, et a été couronné contre toute attente par l’investiture du gouvernement d’union nationale conduit par Fayez Al Sarraj.
Il n’y a pas si longtemps, le voyage du secrétaire général de l’ONU dans la région et son escale à Alger ont mis à nu la situation dramatique dans laquelle se trouve depuis des décennies le peuple sahraoui. Sur ce plan également, le rôle de la diplomatie aura été exemplaire et ses résultats probants puisqu’il ne se passe pratiquement aucune semaine sans qu’un pays africain, voire la Commission de l’Union africaine elle-même, ne monte au créneau pour appuyer les droits légitimes des Sahraouis. Plus discret, mais non moins décisif aura été également le rôle de cette diplomatie dans d’autres crises qui touchent directement ou indirectement à la stabilité et à la sécurité de la région. Entre 2011 et 2013, l’Algérie a pesé de tout son poids sur la solution à la crise politique tunisienne que d’aucuns prévoyaient sanglante. Les deux principaux protagonistes, Rached Ghannouchi, pour le parti islamiste proche des Frères musulmans Ennahda, et son rival pseudo destourien, Beji Caïd Essebsi, leader de la formation post-printemps arabe Nidaa Tounès étaient longuement reçus à Alger pour sceller un pacte de non- agression et mieux, conclure un deal de sage gouvernance. C’est ce qui a permis à la Tunisie d’échapper au triste sort qui est celui de tous les pays arabes ciblés par la manoeuvre baptisée ironiquement «Printemps arabe».Pour ceux qui ont du mal à s’en souvenir, quelles que soient les raisons au demeurant, l’Algérie avait, dès le début des manifestations orchestrées dans plusieurs capitales, prévenu contre les dangers de telles manipulations.
Plus encore, elle avait averti les véritables acteurs de la sape en Libye qu’ils jouaient aux apprentis sorciers et que de graves conséquences allaient immanquablement découler de leur politique va-t-en guerre dans un pays aux équilibres instables et complexes. A l’époque, certaines puissances faisaient la sourde oreille, mais depuis 2015, au vu et au su des multiples retombées de l’intervention militaire de l’Otan, le mot d’ordre est de donner toute sa chance à la solution politique. Le réveil de la diplomatie algérienne, après une décennie entière de politique étrangère tournée vers l’Europe et les Etats-Unis, a permis la reconquête d’un nombre appréciable de places fortes non seulement en Afrique où la parole de l’Algérie revêt un sens et une importance réels? mais aussi en Amérique latine et en Asie. A la base, il y a toujours eu, bien avant l’indépendance, une doctrine éprouvée qui se base sur le principe de la non-ingérence dans les affaires internes et sur celui du règlement des litiges, sinon des conflits par le dialogue et la recherche permanente d’une solution politique.
On se souvient que Boumediene avait eu à réconcilier le shah d’Iran avec l’Irak de Bakr et Saddam Hussein, lors d’un sommet mémorable à Alger, sans compter les visites de Norodom Sihanouk (Cambodge) ou de Le Duc Tho (négociateur du Vietnam aux pourparlers avec les Etats-Unis). Plus tard, Mohamed Seddik Benyahia parvint à résoudre la question des otages américains à Téhéran, puis il paya de sa vie l’amorce d’une tentative de solution amiable du séculaire différend irano-irakien. Comme il y eut ensuite le miraculeux traité de Taef par lequel le médiateur Lakhdar Brahimi obtenait la fin d’une guerre fratricide de 17 ans au Liban. Autant de jalons, autant de moments qui illustrent à merveille la force et la constance d’une diplomatie nourrie au ferment de la Révolution lorsque de jeunes diplomates autodidactes parcouraient les capitales pour porter haut la revendication de liberté du peuple algérien. Ce sont là les fondamentaux qui permettent de mieux comprendre les choix et les prises de position, difficiles, mais responsables et constantes, de la diplomatie algérienne quand elle s’opposa, seule face à tous les pays membres au sein de la Ligue arabe, à des choix aussi tendancieux que lourds de préjudices pour la cause censée défendue par cette instance, et, on le constate de plus en plus, pour la cause palestinienne dramatiquement orpheline face à l’ogre israélien.