Aussi étonnant que cela puisse paraître, le FFS revient à ses premiers amours, au moment où plus personne ne croyait au discours du vieux parti de l’opposition. Dans un meeting virulent et très critique, son premier secrétaire, Mohamed Nebbou, n’a pas caché sa colère envers le pouvoir et les sphères qui le soutiennent.
Selon son assertion, c’est le régime politique actuel qui joue le blocage, et c’est encore lui qui est à l’origine de la crise. Sans complaisance aucune, Nebbou a estimé que le pouvoir refuse « la solution pacifique et concertée du consensus national », notamment, lorsque des partis affiliés au clan présidentiel ou proches des thèses de Bouteflika ou ses partisans, comme le FLN, le RND, dressent des « lignes rouges », celles de la légitimité du président.
Pour le FFS, « nous avons vu fleurir plus fort que jamais la corruption à grande échelle, le népotisme, les campagnes d’intox, les règlements de compte, l’instrumentalisation de la justice, la dilapidation des richesses nationales, la dépendance accrue à l’égard des hydrocarbures ».
Selon l’analyse de Nebbou, le danger pour le pays vient de « la nature du système et non dans ce Président ou un autre », affirmant son crédo que la seule ligne politique du FFS, c’est de militer pour le changement pacifique du système et non un juste remplacement d’un clan par un autre, ou le remplacement d’un président par un autre locataire au Palais d’El Mouradia.
Mea culpa du FFS ? Juste retour aux fondements de ce parti ? Pour de nombreux analystes, la volte-face était dans l’air, depuis que ce parti a connu un vrai camouflet de la part des sphères qui gravitent autour de la Présidence, notamment sur son projet de la tenue d’une conférence nationale sur le consensus.
Un projet qui avait mobilisé le parti depuis des mois, poussant le FFS à provoquer la rupture avec l’autre mouvance de l’opposition radicalisée, la coordination nationale des libertés et de la transition démocratique (CNLTD).
C’est ce projet de consensus qui a valu au FFS des accusations acerbes et parfois violentes de connivence avec le pouvoir, de vouloir « saper l’opposition », de « trahir l’esprit du parti de Da l’Hocine ».
Certains observateurs avaient rapidement trouvé une proximité entre le FFS et le pouvoir, allant jusqu’à amener le FLN à « l’encenser et à soutenir son chantier ». D’ailleurs, beaucoup n’avaient pas oublié la position très « hybride » du FFS lors des présidentielles d’avril 2014, une position qualifiée de « ni-ni », ni avec le déroulement du scrutin ou son simulacre, ni avec tel ou tel candidat.
On se rappelle qu’à l’époque, il y avait un climat malsain et parfois dangereux qui avait accompagné la campagne électorale. Nebbou lui-même soulignait la tension terrible qu’a vécue le peuple algérien à cette époque, ainsi que la perversion du jeu politique qui caractérise la crise.
La nouvelle sortie du FFS et ses accusations envers le pouvoir devrait faire plaisir à l’opposition radicale du CNLTD, comme au pôle du changement mené par Ali Benflis. Autrement dit, le FFS s’est trompé d’analyse et d’espoir, pour reprendre les propres termes d’une vieille personnalité nationale. Une année perdue pour avoir voulu séduire le clan présidentiel.
Car, le parti a perdu entre temps et également des dizaines de cadres et de militants, dont le plus notoire est Tabbou, auquel le pouvoir refuse directement d’octroyer un agrément pour la création d’un parti politique. Reste à savoir, aujourd’hui, quel aiguillage fera le FFS dans un proche avenir.
Alors qu’il vient de disséquer la crise, d’avoir compris la nature du régime « dictature des clans » pour reprendre sa terminologie), d’avoir perdu et fait échouer son rêve de conférence nationale sur le consensus, d’avoir décidé et tranché que c’est le pouvoir qui est à l’origine du blocage et de la crise algérienne, le FFS devrait, en principe, rejoindre l’autre côté de la barrière. Il sera le meilleur indicateur et le parfait signal ou révélateur d’une tension qui monte crescendo vers des cimes dangereuses. Le climat politique national est ainsi fait.
La recherche d’un contrat national novateur semble être une œuvre impossible, aussi bien avec le projet de révision constitutionnelle de Bouteflika, qu’avec la transition démocratique du CNLTD que celle de la conférence nationale sur le consensus. Le FFS l’a appris à ses dépens.