Les Etats Unis tiennent-ils en otage l’économie mondiale ? Et si c’est le cas, jusqu’à quand ? La situation de l’économie mondiale est devenue particulièrement instable alors qu’une agence de notation financière a dégradé la note de la dette US provoquant un véritable choc dans les milieux financiers internationaux.
Cette même agence a bien mis en évidence que ce sont des raisons politiques qui la poussent à dégrader la note US. Si cela rassure sur le plan économique, il ne fait aucun doute que les Etats-Unis ont maintenant l’obligation morale de rassurer le monde sur leur capacité à faire des compromis politiques pour éviter de faire plonger les bourses mondiales.
Chipoter sur quelque milliards de dollars sur lesquels l’agence Standard and Poor’s aurait fait une erreur ne rime finalement pas à grand-chose. La dégradation de la note a surtout mis à mal la fierté des Aéricains. Cela est revenu à dire qu’ils ne sont plus capables de continuer à être l’économie la plus puissante du monde. Ils feignent en même temps d’ignorer qu’ils constituent maintenant une menace réelle sur l’économie mondiale. Dans son discours sur l’économie prononcé le 8 août, Obama proclamait dans une sorte de sursaut de dignité que les Etats-Unis méritaient toujours le prestigieux AAA de
S & P. Probablement que sur le plan économique, les Etats-Unis sont toujours un exemple. La Chine le plus important détenteur des bons du Trésor américain a certes admonesté l’administration US, mais elle n’a pas pour autant sanctionnéles USA par une mise en vente massive de ses titres. Il reste qu’il ne faut pas se tromper, l’économique est fortement influencé dans cette situation par le politique. Quelques jours avant que l’agence Standard and Poor’s ne dégrade la note de la dette américaine, l’agence chinoise Dagong avait procédé elle aussi à une dévaluation de la note sans que cela mérite les premiers titres dans les médias occidentaux. Pourtant, le 2 août, Dagong abaissait la note et expliquait les raisons de cette dégradation, glaçant le sang des économistes.
DÉSINVOLTURE
Que lit-on dans l’exposé des motifs de Dagong ? « La décision sur le plafond de la dette concerne la durabilité de financement du gouvernement, la sécurité des Etats-Unis et de l’économie mondiale, ainsi que les intérêts des détenteurs des bons du Trésor ; à ce moment crucial, ni le parti Démocrate ni le parti Républicain n’ont montré de la considération pour l’intérêt général préférant défendre leurs intérêts partisans ; les moments difficiles qu’ils ont passés à faire le bon choix ont laissé le monde dans la terreur, mettant en évidence le rôle négatif du système politique des Etats-Unis lorsqu’il s’exerce sur une base économique. Cet incident aura certainement un impact continu sur la confiance des investisseurs dans les bons du Trésor américain, affectant la stabilité des revenus de la dette des Etats-Unis. »Dans le même document, Dagong prévoit que le niveau de déficit du gouvernement américain restera modérément haut dans l’avenir et la taille de dette fédérale excédera le PIB (produit intérieur brut) vers la fin de 2012. Une menace réelle sur la croissance économique mondiale. Le feuilleton sur le relèvement du plafond de la dette aux Etats-Unis avait tenu en haleine le monde et il avait provoqué ce sentiment étrange chez beaucoup d’analystes et de décideurs que l’on se jouait de leurs nerfs. Personne ne doutait que les élus américains allaient arriver à une solution, mais personne ne pouvait comprendre les raisons de ce suspense totalement artificiel. Personne aussi ne doutait qu’il y aurait des conséquences à autant de désinvolture de la part des politiques US dans une situation où les économies sont interdépendantes. Le lundi 8 août 2011 a donné des sueurs froides aux traders et aux responsables politiques et économiques du monde. Les bourses ont terminé dans le rouge soulignant la frilosité des investisseurs et on sait qu’il faudra du temps avant que les marchés ne reprennent confiance.
EFFONDREMENT
En se mettant ainsi à nu, les Etats-Unis auront aussi à réhabiliter leur image sur les plans économique et politique. Le gendarme du monde semble avoir été démobilisé. Depuis un peu plus de 10 ans, les Etats-Unis, c’est ce pays va-t-en guerre qui a certainement provoqué plus de malheurs sous couvert de bonnes intentions, qu’il n’a apporté de solutions à un monde déchiré. Des guerres qui ont coûté cher en vies humaines mais aussi à l’économie d’un pays qui se considérait invulnérable.
Il y eut d’abord l’Afghanistan. Aujourd’hui, dix ans après l’offensive menée contre al Qaïda et les talibans, le pays est un terrain d’affrontements plus qu’il n’est la démocratie promise et que l’on a voulu instaurer par la force. Une Amérique qui risque la cessation de paiement à terme, ne peut plus assumer son effort de guerre dans ce pays où il ne se passe pas un jour sans que l’on enregistre bavure ou attentat. L’Afghanistan coute 2 milliards de dollars par semaine aux Etats-Unis. Depuis 2001, 386 milliards de dollars ont été dépensés dans ce pays. Une déroute politique, militaire et financière gigantesque qui n’aura profité qu’en partie à l’économie US à travers les contrats passés par les entreprises américaines pour la fourniture de moyens à l’armée américaine. En Irak, le tableau est encore plus sombre. Plus de 3000 milliards de dollars dans une guerre qui allait coûtait dans les 50 ou 60 milliards pour trois mois de combats. Aujourd’hui, le retrait de l’Afghanistan et de l’Irak au même moment coûterait dans les 400 milliards de dollars, la poursuite de la guerre des milliers de milliards. Il va sans dire aussi que les GI’s laisseront des ruines en quittant ces pays et un mauvais souvenir que le cinéma hollywoodien aura du mal à effacer. Quant à ces pays, ils ne devront compter que sur eux-mêmes pour essayer de s’en sortir et ce ne sera peut-être pas leur plus gros malheur dans ce cas.
Mais les pertes financières US s’ajoutent à cette perte de crédibilité des Etats-Unis vis-à-vis des opinions dans le monde qui voient surtout un pays hyperpuissant capable de dicter ses règles à tous, quitte à user de la force brutale. Dans le contexte actuel c’est plutôt une statue qui risque de chuter de son piédestal et fracassé tout ce qui se trouve en dessous en tombant. A cause du rythme imposé aux autres et en s’érigeant comme donneur de leçons, les Etats-Unis ont engagé le monde dans un système où ils sont les premiers garants de son équilibre, fut-il instable. Aujourd’hui, une Amérique affaiblie politiquement plus qu’économiquement a généré une nouvelle urgence : le monde doit se libérer de la poigne américaine et remplacer toutes les valeurs qu’on lui a imposées jusque-là. Pour ce faire, le monde doit changer. Cela doit se faire vite et cela ne se fera pas sans dégâts.