Quelques jours avant le Ramadhan, la ruée des Algériens vers les étals avait déjà commencé. Ils dépensent sans compter, comme chaque année en pareille circonstance. La crise ne semble pas avoir donné lieu à des soucis.
S’il l’on s’attendait à ce que le mois de Ramadhan ne soit pas abordé avec autant d’enthousiasme qu’à son habitude à cause de la crise économique, c’est qu’on avait bien tort. Rien n’a dérogé à la règle observée chaque année. Pour accueillir le mois sacré, nos parents et grands-parents avaient pour habitude de rafraîchir les peintures de leur maison, de tailler les plantes, de nettoyer la maison à l’intérieur et à l’extérieur et de procéder à toutes les réparations nécessaires.
On achetait une nouvelle vaisselle et on préparait la “mqetfa” (vermicelle fait à la main pour la chorba) et les indispensables épices. Les préparations faisaient donc partie intégrante des traditions sans pour autant verser dans la démesure. Aujourd’hui, si cela existe toujours, c’est dans une moindre proportion, cédant la place à une véritable boulimie en termes d’achats de tout ce qui nous tombe sous la main. Un petit tour du côté de la place des Martyrs nous permet de constater une ruée sur la vaisselle et des files interminables chez les marchands de dattes. C’est aussi le cas pour ce qui est des grandes surfaces, à l’image d’Ardis. Pas plus tard que jeudi dernier, les lieux étaient envahis par les familles qui ressortaient avec des caddys pleins à craquer. Visiblement, les Algériens dépensent sans compter et la crise économique ne semble constituer aucun souci…, du moins en apparence. “Ramadhan c’est Ramadhan avec son lot de dépenses, c’est comme ça et ça ne changera jamais, alors il faut faire avec”, nous dit un citoyen rencontré au marché Ali-Mellah qui se baladait entre les étals l’air pensif.
Il se trouve qu’une hausse frénétique des prix des produits alimentaires de grande consommation, ainsi que des fruits et légumes a déjà commencé son élan cauchemardesque. Khalti Zouina qui choisissait avec beaucoup de soin les épices à prendre ira jusqu’à nous confier qu’elle n’a pas hésité à emprunter de l’argent pour assurer les dépenses durant tout le mois. “Il n’est pas question de se priver de quoi que ce soit. J’ai tout le reste de l’année pour m’acquitter de ma dette”, nous dit-elle soulignant, au passage, que sa voisine a même recouru à l’emprunt sur gage. “Oui, les temps sont durs et les prix sont exorbitants mais nous n’avons pas le choix”, a-t-elle insisté évoquant les habitudes d’“El-Houma” (quartier) et les échanges entre voisines et familles qui imposent un mode de fonctionnement différent en comparaison avec d’autres quartiers de la capitale.
Reste que les petites bourses sont mises à rude épreuve amenant tout un chacun à faire dans la débrouille. Racim, du haut de ses 16 ans à peine, recourt à la vente des herbes indispensables à la confection des plats ramadhanesques : “hchich meqetfa” (coriandre), “maâdnous” (persil), “naânaâ” (menthe), “zaâter” (thym), etc. Rencontré en compagnie de son ami Momoh qui vend, quant à lui, de la galette au marché de Réda-Houhou (Ex-Clausel), tous deux racontent des journées plutôt mouvementées. “Nous l’avons fait l’année dernière et nous le referons cette année aussi. Comme vous le voyez, d’ailleurs, nous avons commencé avant même que le Ramadhan n’arrive car en ces lieux, tout se vend. Mais parfois, nous sommes un peu bousculés par les policiers.” Les deux mômes semblent, cependant, très motivés à l’idée de pouvoir se rendre utile et de contribuer un tant soit peu aux dépenses du Ramadhan.