“Le bon citoyen ne gaspille pas l’eau, ne gaspille pas le pain, ne gaspille pas l’énergie.”
C’est ce genre de leçons de morale citoyenne que le Premier ministre a délivrées en inaugurant une rencontre d’experts réunis par le Conseil national économique et social à la résidence d’État de Djenane El-Mithak, un complexe hôtelier et résidentiel de haut standing plus indiqué pour les activités diplomatiques que la contrainte matérielle ne doit pas encombrer que pour une réflexion sur la manière d’économiser les moyens publics.
Après avoir longtemps déserté sa mission d’analyse et de critique des politiques publiques et de propositions des politiques alternatives, le Cnes est appelé à organiser un conclave d’experts dont on espère qu’ils contribueront à légitimer les décisions nécessairement impopulaires que le gouvernement devra prendre dans les jours à venir. Ces mêmes experts qui, peut-être, depuis quinze ans, s’égosillent à prêcher dans le désert pour un gouvernement qui leur répondait par la suffisance et la superbe de celui qui sait qu’il peut dépenser sans compter.
Et c’est pour maintenir le huis clos sur sa gestion au “coup de tête”, sur ses errements stratégiques indéfendables, sur son gaspillage débridé que dès le début, le régime, n’ayant pu faire du Cnes une institution “indépendante” alibi, comme dans le cas du Conseil constitutionnel ou de la Banque d’Algérie, a préféré casser le thermomètre de sa gestion socioéconomique en poussant le Pr Mentouri à la démission. Plutôt que de souffrir la publication de rapports de conjoncture étalant les vérités sur sa gestion socioéconomique désastreuse.

Il suffirait de les relire pour retrouver une grande partie de l’origine de la déliquescence économique du pays ; cela vaut mille conclaves d’experts. En démissionnant, Mentouri déclarait percevoir que “le gouvernement ne veut plus avoir affaire à des rapports objectifs publiés dans la presse. Il veut que tout soit confidentiel”.
Maintenant que la gestion autoritaire et opaque a eu raison de notre potentiel économique providentiel, l’on convoque des expertises tous azimuts pour leur faire partager la responsabilité de l’austérité. Et le citoyen, auquel on explique depuis quinze ans que les moyens de l’État sont infinis et qu’il pourrait en jouir à satiété s’il se tient tranquille, est sommé de ne plus gaspiller le pain, l’eau et l’énergie ! Mais depuis le temps que leurs tarifs ne changent plus, il a fini par croire que c’est leur prix !
Ce n’est que le résultat comportemental d’une pédagogie de la subvention fondée sur une arrière-pensée strictement politicienne. Car, enfin, un bon gouvernant serait-il celui qui préconise aux jeunes chômeurs-investisseurs de se marier avec l’argent des crédits Ansej ? Difficile de sortir d’une politique de gaspillage de consensus !
M. H.