La crise financière des pays de l’Europe du Sud ne devrait pas avoir d’impact immédiat sur l’économie nationale, l’Algérie étant épanouie financièrement, mais ses répercussions négatives semblent évidentes à moyen terme, selon des experts.
La crise européenne doit, notamment, contribuer à faire augmenter davantage la facture des importations algériennes, réduire les exportations d’hydrocarbures, freiner l’immigration vers l’Europe et entraver les négociations sur la révision du calendrier du démantèlement tarifaire entre l’Algérie et l’UE, selon ces économistes. Pour l’expert international Arslane Chikhaoui, l’impact de la crise en Europe sur l’Algérie pourrait être visible à court et à moyen termes sur trois plans : baisse des recettes d’hydrocarbures du fait de la baisse de la consommation d’énergie en Europe, restrictions sur le flux d’immigration et, enfin, un accroissement des exportations européennes vers la rive sud-méditerranéenne dont l’Algérie. Chikhaoui s’attend, également, à ce que les pays européens « développent de plus en plus leurs relations commerciales avec les pays de la rive sud, notamment avec ceux qui disposent de réserves financières importantes, comme l’Algérie, dans l’objectif de booster leur machine industrielle ». Après les USA, l’Italie est le 2e client de l’Algérie, suivie par l’Espagne, la France, et les Pays-Bas. Côté fournisseurs, la France occupait, en 2010, la 1re place, suivie de la Chine, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne. Interrogé à son tour, Mustapha Mékidèche, économiste et vice-président du CNES, a avancé que la crise de l’UE, qui risque, selon lui, de toucher l’ensemble de la zone, « aura un impact important sur l’Algérie ». « Nous sommes engagés dans un processus de mise en place d’un marché de libre-échange avec l’UE et les choses se dégradent au moment où l’Algérie souhaite réviser son calendrier de démantèlement tarifaire. Cela tombe très mal pour nous, car les marges de manoeuvre de l’UE se réduisent notablement », a-t-il souligné. L’économiste prévoit, à son tour, un chamboulement dans les exportations algériennes d’hydrocarbures.
« Nos programmes d’exportations d’hydrocarbures vers l’Europe, notamment l’Italie, l’Espagne et plus tard l’Angleterre, vont trouver des marchés déprimés si la croissance n’est pas au rendez-vous, ou pire encore, si ces pays entrent en dépression », a-t-il noté. Et d’ajouter : « Notre position d’exportateurs d’hydrocarbures sera aggravée car les prix du pétrole risquent, alors, de chuter lourdement au moment où notre déficit budgétaire est de plus en plus financé par la fiscalité des hydrocarbures », a-t-il détaillé avant d’avertir : « Rappelons-nous l’année 2008 » ou les prix du brut avaient fortement chuter.
Si la crise européenne persiste…
De son côté, Dr Bachir Messaitfa, est ’’tranquille » quant au devenir de l’économie algérienne du moins pour les cinq prochaines années. « L’Algérie, qui n’est pas liée aux Bourses et banques internationales et aux Fonds souverains et qui dispose de réserves financières importantes, peut vivre cinq ans sans ressentir les effets de la crise sur le plan financier. Au-delà, ces effets seront tout de même évidents », a-t-il prédit. Selon cet universitaire, l’épargne publique est supérieure aujourd’hui à 300 milliards (mds) de dollars : 200 mds USD de réserves de change, 60 mds USD dans le FRR et 40 mds USD cumulés dans le Fonds du Sud et des Hauts-Plateaux. « Avec des importations annuelles autour de 50 milliards d’euros, l’Algérie pourra résister pendant cinq ou six ans », a-t-il soutenu. Mais si la crise en Europe persiste, les entreprises européennes connaîtront, selon lui, de sérieux problèmes de liquidités, le soutien étatique à l’industrie et à l’agriculture baissera du fait des politiques d’austérité, les impôts augmenteront pour faire face aux dépenses et beaucoup de PME déposeront le bilan. Ce tableau peu reluisant de l’économie européenne se répercutera sur l’économie nationale lorsque l’offre en Europe baissera sensiblement entraînant une forte hausse des prix et, donc, de la facture des importations algériennes dont plus de la moitié provient du Vieux Continent.
Ceci dit, remarque Dr Messaitfa, « le citoyen algérien ne sentira pas la hausse des prix qui continueront à être soutenus par le budget de l’Etat », un budget qui sera, alors, orienté vers les dépenses de fonctionnement au détriment de celles d’équipement. Côté revenus, la crise devrait, selon le même économiste, affecter à moyen terme les exportations algériennes d’hydrocarbures, qui représentent 97% de l’ensemble des exportations et 60% des revenus de l’Etat. « Lorsque nous savons que pour une baisse d’un dollar dans le prix du baril de pétrole, l’Algérie, et donc son budget, perd 400.000 dollars par jour, toute baisse des recettes pétrolières s’avère inquiétante », a-t-il appuyé. Rappelant, enfin, le caractère récurrent des crises financières internationales du moment que « le monde avait connu 264 crises similaires à la crise de l’euro depuis l’émergence du capitalisme » durant le XVIIe siècle, Dr Messaitfa a appelé les décideurs en Algérie à « oeuvrer pour réduire la dépendance aux importations européennes, à travers un plan d’urgence qui encourage la production nationale ».
Par : Lakhdari Brahim