La crise de l’essence qui a frappé la wilaya et ses environs, a enfanté des scènes dignes de pays en guerre

La crise de l’essence qui a frappé la wilaya et ses environs, a enfanté des scènes dignes de pays en guerre

Les explications concernant la pénurie d’essence qui a frappé Oran, ces derniers jours, n’ont pas convaincu grand monde.

En effet, beaucoup plus préoccupés à assurer leurs arrières, en faisant le plein en cette fin d’année aggravée par le week-end, les Oranais ainsi que ceux qui se sont retrouvés pris au piège dans cette ville, affirment que les justifications avancées n’ont pas d’importance. Hier, des scènes dignes de pays sous-développés, non producteurs de pétrole, étaient visibles dans les stations qui avaient été approvisionnées.

Files interminables, absence au travail, altercations verbales et disputes, ont été le lot de centaines d’automobilistes, durant ces trois derniers jours

Plus grave encore, des bagarres à l’arme blanche, ont eu lieu pour une question de places, nous retiendrons le dérapage d’un automobiliste qui a assené un coup de couteau à un autre, pour une place perdue. Le summum de l’humiliation a été atteint dans une des stations où des files d’automobilistes à pied, formaient une chaîne, bidons vides de 5 litres à la main. Les pompistes éprouvaient toutes les peines du monde à satisfaire ces clients dont la chaîne concurrençait celle des automobilistes à bord de leurs véhicules.

DES REVENDEURS FLAIRENT L’AFFAIRE

Toutes les astuces étaient bonnes pour espérer obtenir quelques litres. Certains poussaient leur véhicule pour tenter d’amadouer ceux qui attendaient depuis des heures, d’autres expliquaient qu’ils avaient à bord un malade grave qui nécessitait une évacuation, d’autres enfin essayaient de voir si parmi les pompistes, il n’y aurait pas un voisin ou une connaissance qui les aiderait à griller la chaîne.

Le plus grave dans cette affaire, est le fait que des opportunistes ont flairé le filon : faire la chaîne à pied, bidon en main, car plus rapide, pour revendre ce qu’ils ont glané à des automobilistes qui ne demandaient qu’un litre ou deux pour pouvoir rentrer chez eux, et garer leurs voitures dans leur garage, en attendant la fin de la crise.

«C’est humiliant, ces spectacles n’ont pas eu lieu dans des pays en guerre où l’essence est rationnée. Sommes-nous réellement un pays producteur ?», a déclaré un médecin qui a laissé le volant à son fils, pour aller à son cabinet.

A la station-service du lycée Lotfi, il a fallu ramener des renforts de police, pour assurer l’ordre. Interrogé par leur responsable, pour savoir si la station n’avait pas besoin de camion d’approvisionnement, un agent de la station-service a répondu : «Envoyez-nous plutôt des pompistes pour nous aider».

En effet, il faut rendre hommage aux travailleurs de ce point de vente qui ne désemplit pas et qui est pris d’assaut, à la première rumeur. Ces travailleurs ont subi le contrecoup de cette pénurie et certains se sont fait insulter, voire ont reçu des menaces de la part d’automobilistes énervés.

DES EXPLICATIONS PEU CONVAINCANTES

Selon le P-DG de Naftal, M. Saïd Akretche, qui s’est exprimé hier sur les perturbations dans l’approvisionnement en carburants dans la région Ouest, notamment dans la wilaya d’Oran, «La tension s’est accentuée depuis presque une semaine dans plusieurs villes.

Il ne s’agit pas d’une pénurie, mais plutôt d’une forte tension due à la consignation des ports, induite par les mauvaises conditions climatiques exceptionnelles que traverse le pays». M. Akretche a déclaré que cette consignation a duré plus de 8 jours, notamment au niveau du port de Skikda, principale source d’approvisionnement de carburants du pays, rendant impossible l’accostage des navires pour décharger les produits pétroliers.

Ces explications n’ont convaincu personne, bien qu’elles n’aient aucun rapport avec la question, l’opinion publique locale croit que c’est plutôt la grève des travailleurs de Hassi R’mel qui est la cause de la situation. D’autres plus avertis, mettront la pénurie sur le compte de rétention volontaire de stocks pour pouvoir les revendre au prix qui aura cours à partir du 1er janvier 2012. «Depuis des années, les décideurs ont différé cette augmentation, alors que l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, l’avait annoncée à demi-mot sur les ondes de la Radio nationale de la chaîne III, lors de l’émission matinale «L’invité de Souhila Hachemi».

UNE 2ÈME RAFFINERIE À ARZEW

Certaines voix se sont interrogées sur le pourquoi de l’approvisionnement de la région Ouest, à partir de Skikda, alors qu’une raffinerie (la RA1-Z) existe dans la zone industrielle d’Arzew. Mieux, cette dernière qui dépendait de Naftec, est passée sous la coupe de la Sonatrach, c’est-à-dire que les personnels qui y travaillent ont eu les mêmes avantages et devraient théoriquement fournir plus d’efforts.

La raison est que la RA-1 Z, vieillissante, a besoin d’une extension pour augmenter ses capacités. «Pourquoi ne pas construire une seconde raffinerie, plus grande que la première, à l’instar des deux complexes GNL ? L’Algérie est le pays arabe qui dispose du plus confortable matelas en devises, après l’Arabie Saoudite, l’assiette de terrain existe à Arzew et les investisseurs ne manquent pas.

Mieux, notre pays pourra même exporter l’excédent au lieu d’importer de l’essence et du diesel, comme cela a été le cas», dira un ingénieur à la retraite qui a travaillé à la raffinerie d’Arzew. En effet, une usine de ce genre n’est jamais de trop en ces temps où les postes d’emploi sont rares, et où il ne suffit pas d’accorder du travail à des jeunes pour 12.000 dinars, pour affirmer que le chômage a été résorbé.

«Aujourd’hui, la consignation des ports a été la cause, selon le P-DG de Naftal, qu’en sera-t-il demain, quand il n’y aura pas de problèmes de météo, mais que ce seront les navires qui seront incapables de naviguer, car désuets et dangereux ?», s’interrogera le même interlocuteur.

Hakim Djaziri