Le siège de la Cour des comptes
Dans son document, la Cour des comptes fait état de malversations dans les dossiers de l’Andi et de l’Ansej et relève des lacunes et des insuffisances dans la gestion du budget d’équipement de l’État…
Accablant; c’est la meilleure manière de qualifier le rapport d’appréciation de la Cour des comptes sur la gestion des finances publiques, dont l’Expression détient une copie. Dans son document, l’institution a dénombré 105 comptes spéciaux du Trésor, dont 16 n’ont pas connu de mouvements. Le nombre de comptes d’affectation spéciale reste prépondérant avec 77 comptes, soit 73% des CST. Pour les autres catégories, il est recensé 11 comptes de prêts, 9 comptes de participation, 4 comptes d’avance, 3 de commerce et un compte d’affectation spécial «dotation».
Les ministres des Finances, de l’Agriculture, de la Culture, de l’Intérieur, de l’Industrie et de la PME se sont vu confier la gestion de 35 comptes soit 45% de la liste en vigueur.
Certains de ces comptes sont restés non opérationnels durant l’exercice 2010. Les objectifs pour lesquels ils ont été ouverts, n’ont pas été réalisés dans les délais impartis. Les investigations de la Cour des comptes ont mis en exergue, le report incorrect des soldes de certains CAS, car il est constaté, des discordances au niveau des balances d’entrées et des soldes de fin d’année. Cela a affecté l’exactitude et la sincérité des soldes et n’a pas manqué de remettre en cause la conformité aux principes de la comptabilité publique et aux dispositions de la loi. Les objectifs assignés à la quasi-totalité des CAS n’ont pas été réalisés malgré le soutien de l’Etat et le volume des subventions qui leur sont attribués. Cela d’une part, de l’autre, ces CAS ont un poids considérable dans la structure du budget général de l’Etat.
Le poids hégémonique ou le taux que représentent les dépenses relatives aux CAS dans le budget de fonctionnement de 2010, est de l’ordre de 90% en 2010, 98% en 2009 et 162% en 2008. La part des CAS dans le budget d’équipement est passé de 96% en 2009 à 89% en 2010. Ces CAS sont sollicités pour la réalisation des projets inscrits dans le cadre des plans quinquennaux 2004-2009 et 2009- 2014. A cet effet, des facilitations ont été accordées aux gestionnaires concernés pour l’exécution desdits projets. Le rapport en question note que la réalisation de projets et de programmes, afférents au budget d’équipement par l’intermédiaire des CAS s’est faite en violation du principe d’affectation des crédits et du caractère exceptionnel dédié à ces comptes. Cet état des lieux, qui n’est pas exhaustif, requiert une révision des modalités de gestion des comptes spéciaux pour permettre d’instaurer une rigueur dans leur gestion et une meilleure maîtrise de la part des agents d’exécution.
L’écart dans les écritures comptables des agents d’exécution (ordonnateur et comptable), utilisation de crédit du compte abritant les dépenses en capital, aux lieu et place des CAS appropriés, utilisation des CAS pour réaliser des objectifs étrangers à ceux pour lesquels le compte a été créé, sont entre autres constatations relevées par la Cour des comptes. Des montants ont été transférés des CAS vers les comptes de liquidation des entreprises publiques en faisant fi des dispositions réglementaires et modalités de fonctionnement des CAS. En dépit du niveau très élevé des crédits cumulés, abrités par certains comptes, le taux de consommation reste dérisoire. De plus, les banques ne produisent pas les états faisant apparaître la liste des bénéficiaires (particulier ou organisme) des bonifications sur les crédits accordés.
Retard dans les opérations de liquidation des entreprises publiques
Le cadre légal régissant le compte spécial dédié à ces opérations, à savoir l’article 152 de la loi de finances pour 1994, demeure figé nonobstant les insuffisances relevées au plan de la réalisation des opérations. A titre illustratif, les travaux de liquidation, entrepris à l’échelle de la wilaya d’Alger ont nécessité une durée de près de 89 ans et parfois 13 ans!
L’instabilité des liquidateurs, l’absence de mesures obligeant les liquidateurs à clôturer les comptes financiers et transférer leurs soldes, le manque de qualification des membres de la commission, le volume important de dossiers de contentieux, la lenteur dans l’apurement de dettes, le manque de sincérité de la comptabilité de l’ordinateur où il a été constaté des différences et des incohérences dans les données des comptes respectifs… sont autant d’irrégularités relevées.
A titre d’exemple, les mouvements en crédits du «Fonds d’aide à l’accession à la propriété dans le cadre du dispositif location-vente sont nuls, alors qu’en 2008 et 2009, ils ont atteint respectivement 5 et 19 milliards de dinars.
L’examen des pièces comptables a révélé l’insuffisance dans la tenue des registres comptables et la discordance des situations comptables.
Faiblesse dans le recouvrement des recettes générales de l’Etat
A l’issue des investigations sur les conditions de la réalisation des recettes budgétaires, la Cour des comptes a eu à observer la faiblesse des recouvrements. Il a été relevé une accumulation importante des restes à recouvrir remontant aux années antérieures, totalisant au 31 décembre 2010, un montant de plus de 7700 milliards de dinars. Soit 2 fois et demie les recettes générales de l’Etat de l’exercice 2010. Estimée à un peu plus de 3 000 milliards de dinars, et près de 6 fois les revenus enregistrés au titre de Fonds de régulation des recettes (FRR), évalués à 1 318 MDA en 2010.
Ces recettes à recouvrer se rapportent notamment aux produits divers du budget, la TVA, IRG, TAP et IBS. Cela est dû en partie à l’absence de rigueur dans les poursuites des redevables défaillants vis-à-vis de l’administration.
Il a été noté également les insuffisances du contrôle fiscal. Il a fait remarquer une adéquation du nombre d’agents chargés du contrôle fiscal et les missions dévolues aux services chargés de l’assiette fiscale.
Sur un effectif global estimé à 13 797, en 2010 seuls 536 agents sont affectés au contrôle fiscal soit un taux faible de 4%. Sur un nombre de 376.770 dossiers fiscaux, 1465 ont été programmés pour la vérification de la comptabilité.
Cette faiblesse est due au manque flagrant de constats sur le terrain, la défaillance dans la coordination entre les services et la lenteur dans la circulation de l’information, déficience de moyens matériels et la non-collaboration de certaines administrations. Il est souligné que les insuffisances et les dysfonctionnements relevés, auraient pu être amoindris si le programme de modernisation de l’administration fiscale était réalisé.
Ce projet structurant lancé en 2001 trouve des difficultés pour sa concrétisation; d’ailleurs, toutes les opérations inscrites de 2001 à 2007, restent en cours d’exécution et même pendantes à la fin 2010.
Dépense fiscale exorbitante injustifiée
Pour le seul exercice 2010, le ministre des finances a déclaré un montant exorbitant de 430 MDA, au titre des dépenses fiscales sans pour autant décliner la base de calcul, ni fournir de détails ou d’explications sur les segments d’activités et les bénéficiaires pour lesquels celles-ci avaient été consenties. Signalons qu’une bonne partie de ces dépenses est constituée par des exonérations fiscales. Dans le cadre de mesures incitatives introduites par les différentes lois de finances afin d’encourager l’investissement et l’emploi, il a été octroyé un certains nombre d’avantages fiscaux et douaniers ayant atteint, en 2010, un montant de 93,66 MDA.
L’Andi et l’Ansej ont bénéficié respectivement de 73,18 et 20,48 MDA, soit des taux respectifs de 78% et 22% du montant global des exonérations. Malgré l’importance des exonérations accordées, le suivi des projets retenus n’a pas été au rendez-vous. L’absence de contrôle a encouragé certains promoteurs à ne pas respecter leurs obligations ou engagements.
Cette situation s’est aggravée également par une défaillance dans la coordination des différents intervenants, Douanes, Impôts, Ansej et Andi. Ce qui a amené certains investisseurs à détourner les projets de leur destination initiale et, dans certains cas, à la cession des équipements acquis dans ce cadre.