Les observateurs déplorent l’absence d’instruments de contrôle institutionnels capables de cerner ce mal.
El Khalifa Bank, affaires Sonatrach et autres affaires scabreuses qui ont touché des banques du pays, évoquent à elles seules l’hydre de la corruption qui mine l’Algérie. Un phénomène qui sévit à grande échelle et menace jusqu’aux institutions de l’Etat.
Les candidats en lice à l’élection du 17 avril prochain n’ignorent pas cette amère réalité et en font un thème de campagne très porteur. Les moeurs dans les affaires ont bien changé et certains marchés sont conclus à coups de «ch’kara». Ces procédés peu amènes éclaboussent épisodiquement entreprises et organismes, qu’ils soient privés ou publics, et nuisent à l’image de l’Algérie qui se retrouve souvent en bas du tableau à la faveur de quelques classements, notamment celui de Transparency International. L’indice de corruption pour 2013 de cette ONG, a vu l’Algérie obtenir la note de 36 sur 100 (34 sur 100 en 2012). Certes, l’Algérie voit son classement s’améliorer depuis 2010.
En une année, elle est passée de la 105e place à la 94e sur les 177 États passés au crible en 2013 par l’organisation. Mais elle a tendance à végéter dans une position peu louable à telle enseigne que les observateurs estiment que ce score traduit l’absence de volonté politique à lutter contre la corruption, petite et grande, dans notre pays. L’Etat renforce néanmoins ses instruments de lutte contre ce fléau.
Il a récemment mis en place l’Office central de répression de la corruption (Ocrc) lequel est désormais opérationnel. Le ministre des Finances, Karim Djoudi, qui l’a inauguré a réitéré la volonté de l’Etat de combattre le phénomène. «L’Etat ne ménagera aucun effort pour lutter contre la corruption et tout autre type de crime économique», a-t-il affirmé en ajoutant que les Autorités algériennes sont déterminées à mener une lutte sans merci contre la corruption qui «ronge l’économie nationale». En attendant, la corruption est toujours d’actualité et alimente les discours des hommes politiques en quête de la magistrature suprême.
Chacun y va de sa méthode. Pourront-ils convaincre pour autant?
Abdelaziz Bouteflika
Renforcer la transparence et le contrôle
La lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent va en droite ligne de la construction de l’Etat de droit et l’amélioration de la gouvernance. C’est ce qui est notifié par le programme du candidat indépendant à l’élection présidentielle du 17 avril prochain, Abdelaziz Bouteflika. Ce dernier rappelle la mise en place de l’organe national de lutte contre la corruption et se prévaut d’avoir érigé l’obligation systématique de déclaration du patrimoine. Se prévalant de la tradition algérienne familiale, sociétale et religieuse qui élève la probité et dénigre la malhonnêteté, Bouteflika promet une lutte sans merci contre la corruption, un problème majeur et dont le traitement devient prioritaire.
Il souscrit à une démarche qui rende possible une attention de tous les instants en vue de renforcer la prévention de ce fléau social, d’en affiner les canaux de détection, d’en faciliter la dénonciation et d’alourdir les sanctions applicables. La législation sera alors renforcée pour élargir le champ de l’imprescriptibilité à tous les actes de corruption, assurer la protection effective des témoins et informateurs et prévoir des procédures de recouvrement des fonds provenant de la corruption. Le renforcement de la transparence et du contrôle dans la passation des marchés publics, et la simplification des règlements et procédures auxquels sont astreints les citoyens dans leurs relations avec l’administration, sont autant de moyens capables d’éliminer les opportunités de corruption à tous les niveaux.
Ali Benflis
Des textes de loi répressifs
En parfait homme de loi, le candidat Ali Benflis annonce la couleur en matière de lutte contre la corruption. Son arme préférée sera, s’il venait à être élu, d’ériger un texte plus répressif pour protéger les deniers publics après avoir préalablement revu le dispositif législatif. «Je m’engage, si je suis élu par la grâce de Dieu, de réviser la loi sur la corruption, car elle met sur le même pied d’égalité celui qui prend un dinar et celui qui prend des milliards» clame-t-il.
Louisa Hanoune
Elle préconise des mesures audacieuses
La première dame du Parti des travailleurs (PT) est particulièrement virulente sur le sujet de la corruption. Bien qu’en son for intérieur elle croit que c’est le processus de privatisation qui est à l’origine de l’apparition et de l’aggravation du phénomène en Algérie, elle avertit que les affaires de corruption récurrentes pourraient fatalement conduire à la rupture de confiance entre le citoyen et le pouvoir politique. Elle plaide pour des réformes politiques urgentes afin de mettre toute la lumière sur les affaires scabreuses qui ont éclaboussé l’image du pays. Elle entend déployer en priorité des mesures coercitives contre les personnes mouillées dans des affaires de pots-de-vin. «La lutte contre la corruption exige un courage politique et des décisions révolutionnaires» juge-t-elle en préconisant de donner pleins pouvoirs à la Cour des comptes.
Abdelaziz Belaïd
La loi du talion
Le candidat à la présidentielle du 17 avril, Abdelaziz Belaid, promet de lutter efficacement contre la corruption en procédant au jugement de tous ceux qui sont impliqués dans le détournement des deniers publics. «Les Algériens ont le droit de juger tous les responsables impliqués dans les affaires de corruption, notamment celle ayant trait aux deniers publics» n’a-t-il de cesse de préciser. Il assure que la lutte contre la corruption sera suivie par la présentation d’un «bilan global» sur les fonds utilisés pour la gestion de l’économie nationale, soulignant que cette opération sera assurée par des experts en la matière: «Les Algériens ont le droit de juger tous les responsables impliqués dans des affaires de corruption. J’assure que la lutte contre la corruption sera suivie par la présentation d’un bilan global sur les fonds utilisés pour la gestion de l’économie nationale.»
Moussa Touati
Il exige l’institution de tribunaux spéciaux
Pour Moussa Touati, l’argent est un bon serviteur mais un mauvais maître. A l’en croire, «le nerf de la guerre» règne en maître et floue le jeu politique en Algérie. Selon lui, seule la réhabilitation de l’appareil judiciaire pourra venir à bout de ce phénomène pernicieux. «L’Etat doit, aujourd’hui, instituer des tribunaux spéciaux qui seront chargés de lutter contre la corruption sous toutes ses formes. Il est nécessaire de renforcer les prérogatives du parquet afin qu’il s’autosaisisse à la moindre information», déclare-t-il.
Pour le premier responsable du FNA, tout est une affaire de chkara. Il affûte donc une nouvelle stratégie pour contrer le redoutable spectre de la corruption.
Ali Fawzi Rebaïne
Réhabiliter la Cour des comptes
Dénonçant la dilapidation des biens de l’Etat, le candidat du parti AHD 54 au scrutin du 17 avril prochain, estime que la corruption gangrène les rouages de l’administration. Pour venir à bout de ce mal, il promet de réhabiliter la Cour des comptes, les douanes ainsi que la justice. Abondant dans le constat, Rebaïne surfe sur le thème et estime qu’il est le seul opposant à avoir un programme riche et varié pouvant mettre un terme au «fléau de la corruption et de la dilapidation des deniers publics», il évoque à ce titre le secteur de la pêche et les chantiers navals laissés en friche, plombant de la sorte l’activité des petits pêcheurs et rendant le poisson, cette «viande du pauvre» absente dans les menus des citoyens algériens.