La corporation a peur : 120 sages-femmes devant la justice

La corporation a peur : 120 sages-femmes devant la justice
Les maternités algériennes risquent d’être désertées par les sages-femmes. Il y avait, déjà, un déficit en 2016, alors que leur nombre était de 7.600 membres, elles sont actuellement 4500 sages-femmes, seulement, au moment où le nombre des naissances a doublé (plus d’un million de naissance par an). Le départ massif en retraite anticipée et la démission tout court, sont à l’origine de cette situation.


Le métier de sage-femme «malgré sa noblesse» fait peur aujourd’hui, en Algérie, en raison des risques qu’encourt ce personnel, et ce, en absence de textes réglementaires protégeant cette corporation. Deux sages-femmes sont poursuivies en justice, dans chaque wilaya du pays, soit plus d’une centaine qui sont devant les tribunaux, suite à des cas de mortalité ou de blessures du nouveau-né, au moment de l’accouchement. «Pas moins de 120 affaires, incriminant des sages-femmes, sont entre les mains de la justice dont certaines sont poursuivies pour négligence». C’est ce qui ressort de l’intervention de Mme Akila Guerrouche, présidente de l’Union nationale des sages-femmes (UNSF), lors de son passage au Forum d’El Moudjahid. Le comble, selon la conférencière, d’anciennes affaires des années 2014 et 2015, sont devant la justice. Et ce, après l’affaire du décès, en juillet dernier, d’une parturiente et de son bébé à Djelfa. Une affaire, qui selon Mme Guerrouche, n’a pas révélé tous ses secrets. La conférencière a mis en relief, lors de son intervention, les zones d’ombre ayant entouré cette affaire, en affirmant que selon les preuves recueillies « la femme n’a pas accouché dans la voiture !» Et de regretter le fait que certaines sages-femmes ne connaissent pas leurs droits et ignorent qu’elles ont déjà un statut. «Par peur et par ignorance, elles n’ont même pas su se défendre, lors de l’interrogatoire, elles étaient parfois sommées de répéter ce qui leur a été dicté par les directeurs des établissements sanitaires!» A cela s’ajoutent, selon la même intervenante, «les rapports des médecins légistes qui manquent, parfois, de précisions et de clarté et qui enfoncent le plus souvent les sages-femmes ou le personnel médical, dans de telles affaires». La présidente de l’Union a affirmé que son organisation s’est battue durant plus de trois ans pour la création de l’ordre des sages-femmes et l’élaboration du code de déontologie régissant la profession, mais en vain dit-elle. «Les sages-femmes subissent d’énormes pressions en exerçant leur travail, sans aucune protection, elles sont disqualifiées et marginalisées, elles jouissent, seulement, de la responsabilité pénale …» Et d’affirmer : «bien qu’elles ont aujourd’hui un statut mais l’application de textes réglementaires, régissant cette profession et protégeant les sages-femmes, ne suit pas». L’Union réclame la réhabilitation de la sage-femme dans le corps médical, avec la reconnaissance de sa qualification et sa responsabilité médicale. La présidente de l’Union regrette le fait que la profession soit le parent pauvre de la santé. Et de réclamer, au nom des sages-femmes, des conditions de travail et un salaire décent, en affirmant que les critères fixés pour la formation des sages-femmes (bac plus 5) n’ont pas amélioré la situation. «Les sages-femmes doivent être payées, selon ces critères, comme les dentistes ou les vétérinaires, ce qui n’est pas le cas». La présidente de l’Union regrette le fait que la tutelle n’a pas, encore, répondu à leur demande d’audience. «Pourtant, la corporation des sages-femmes a besoin d’être soutenue et protégée, notamment, ces derniers temps, où elle a été malmenée, diabolisée, marginalisée et poursuivie par le biais de la justice», conclut-elle.

par M. Aziza