Après un essai nucléaire et un nouveau tir de missile, la dictature communiste ne s’estime plus liée par l’armistice de 1953.
La péninsule coréenne a brusquement replongé en pleine guerre froide. Non contente d’avoir déclenché l’ire de la planète entière en effectuant un essai nucléaire, la Corée du Nord a poursuivi l’escalade, mercredi, en menaçant de frapper militairement sa rivale capitaliste du Sud. Pyongyang a déchiré le seul document qui maintenait une paix fragile dans la péninsule : l’armistice de 1953, qui avait mis fin aux hostilités de la guerre de Corée. Un geste sans précédent, qui répond à la décision de Séoul d’adhérer à l’initiative contre la prolifération (PSI), lancée en 2003 par George Bush.
Une «véritable déclaration de guerre», selon Pyongyang, qui met au défi le Sud d’arraisonner ses bateaux à la recherche d’arme de destruction massive, comme le prévoit la PSI. «Tout acte hostile contre nos vaisseaux pacifiques sera considéré comme une violation impardonnable de notre souveraineté et nous répondrons immédiatement par une frappe militaire puissante», a prévenu l’armée nord-coréenne. À Séoul, le président Lee Myung-bak a appelé au «calme», mais ses troupes sont en alerte maximale, prêtes à répondre à toute provocation. La marine craint des accrochages dans les eaux disputées de la mer Jaune, où des combats avaient déjà eu lieu en 1999 et 2002, faisant plusieurs dizaines de morts. Pyongyang a prévenu que la sécurité des navires américains et sud-coréens n’était plus assurée.
Le jeu dangereux d’Obama
De l’autre côté de la péninsule, face à la mer du Japon, l’armée populaire est déjà passée à l’action. Dans la nuit de mardi, elle a tiré un nouveau missile de courte portée pour dissuader les avions espions américains d’observer le site de l’essai atomique. Sur le site nu-cléaire de Yongbon, dont le dé-mantèlement avait débuté en 2007, l’enrichissement d’uranium a re-pris, affirment les diplomates sud-coréens.
Dans la capitale du royaume ermite communiste, la propagande a orchestré des manifestations de masse pour célébrer son nouvel «exploit» et convaincre une population résignée qu’elle vit bien dans un pays à la pointe de la technologie. Un succès qui vient rétablir la stature d’un Kim Jong-il affaibli par la maladie et les rumeurs de succession. Mais, pour le dictateur, l’objectif suprême reste d’obtenir un signe du président Barack Obama, qui ouvrirait la voie à des négociations garantissant notamment la survie du régime. Seul un geste des États-Unis permettra de «briser le cycle de tensions», prévient le Choson Ilbo, journal contrôlé par le régime.
Mais l’Administration démocrate campe sur ses positions au lendemain de l’essai nucléaire, et maintient une ligne de fermeté teintée d’indifférence à l’égard de Kim Jong-il. Accaparée par l’Afghanistan et le Moyen-Orient, la Maison-Blanche semble laisser le dossier nord-coréen au bas de la pile de ses priorités. Barack Obama refuse le chantage de Pyongyang et n’a adressé aucun signe d’ouverture, malgré les promesses de dialogue affichées durant sa campagne électorale. Au contraire, Washington pousse pour des sanctions accrues dans le cadre d’une nouvelle résolution en cours de discussion au Conseil de sécurité des Nations unies, où un consensus semblait se dessiner hier soir. Profitant de l’appui de la Russie et même de la Chine, irritée par la dernière incartade de son imprévisible petit frère communiste, les États-Unis veulent neutraliser la dictature en l’isolant et l’ignorant.
Une stratégie américaine appuyée par Tokyo et Séoul, qui atteint cependant ses limites, selon certains experts qui craignent qu’elle ne conduise à une provocation irréparable du Nord. «Cette attitude est inconsciente», estime Daniel Pinkston, chercheur au International Crisis Group, qui prédit un nouveau test de missile balistique nord-coréen si les États-Unis ne changent pas de pied. Une menace prise au sérieux par les services de renseignements sud-coréens qui n’écartent pas non plus un troisième test nucléaire. Sans compter les risques de dérapage sur la frontière.