Mouammar Kadhafi ne lâche pas prise face à l’opposition, qu’il veut écraser par tous les moyens, comme le montre la multiplication des raids aériens et des offensives des chars, tirant des obus contre les positions des insurgés, à Ras Lanouf, Misrata et Tobrouk.
Se déclarant, d’un côté, favorable à l’envoi d’une commission d’enquête “des Nations unies ou de l’Union africaine” pour évaluer la situation, le chef de l’État libyen lance, d’un autre, sa contre-offensive avec des bombardements aériens et une pluie d’obus de chars sur les rebelles dans plusieurs villes.
Dans une interview accordée à l’hebdomadaire français le Journal du Dimanche, le colonel Kadhafi a affirmé que “des milliers de gens iraient envahir l’Europe depuis la Libye”. “Oussama Ben Laden viendra s’installer en Afrique du Nord (…) Vous aurez Ben Laden à vos portes”, a-t-il notamment lancé en direction de l’Union européenne. Sur le terrain, le régime libyen tentait hier de reprendre la situation en main au vingtième jour d’insurrection, tout en affirmant avoir repris plusieurs villes. Ainsi, la révolte qui a débuté le 15 février prend désormais des allures de guerre civile. La télévision d’État libyenne a affirmé avoir repris le contrôle de Ras Lanouf, ville pétrolière de Tobrouk dans l’Est, ainsi que de Misrata, la troisième ville du pays dans l’Ouest.
Mais les insurgés ont immédiatement contesté la reprise de ces trois villes. Selon des journalistes de l’AFP sur place et les insurgés, Ras Lanouf était ainsi toujours contrôlée hier matin par ces derniers. Les insurgés ont dû se résigner à se retirer de Ben Jawad après des combats avec les forces pro-Kadhafi, affirmant que Ras Lanouf serait leur “ligne de défense”.
Un habitant de Misrata, à l’est de Tripoli, a indiqué que des chars tiraient des obus dans le centre de la ville. En effet, des forces fidèles au colonel Kadhafi menaient hier une offensive à l’arme lourde à Misrata, où des chars tiraient des obus sur le centre de la ville contrôlée par l’insurrection. “Les chars tirent des obus sur le centre de la ville, près du siège de la radio. Nous entendons aussi des tirs nourris d’armes automatiques”, a déclaré cet habitant sous couvert de l’anonymat, avant de lancer un SOS en direction de la communauté internationale : “Les habitants n’ont pas d’armes. Si la communauté internationale n’intervient pas rapidement, ce sera le carnage.” Dans le même temps à Tripoli, le régime a orchestré une manifestation de soutien au colonel Kadhafi pour proclamer la “victoire du guide de la révolution”, soldats, policiers et miliciens tirant en l’air en signe de joie. “Ce sont des tirs de joie parce que nous sommes en train de battre El-Qaïda. Nous avons gagné, El-Qaïda est partie”, a déclaré un soldat, des Ray Ban sur le nez. Sur la place Verte, dans le centre, 4 000 à 5 000 personnes pro-Kadhafi étaient également rassemblés en manifestation “spontanée”. Sur le plan politique, les insurgés s’organisaient en entamant les activités du Conseil national, lequel s’est réuni samedi et s’est déclaré “le seul représentant de la Libye”.
Il a chargé Omar El-Hariri des “Affaires militaires” et confié à Ali Abdelaziz El-Issaoui, ambassadeur démissionnaire en Inde et ancien ministre de l’Économie, les Affaires étrangères. Il a également désigné Mahmoud Jibril Ibrahim El-Wourfalli à la tête d’une “équipe exécutive pour gérer la crise”, également chargée des relations étrangères et de représenter la Libye. Réagissant à cela, la France “salue la création du Conseil national libyen” et “apporte son soutien aux principes qui l’animent et aux objectifs qu’il s’assigne”, a annoncé hier le ministère français des Affaires étrangères.
Plus engagée, la Grande-Bretagne a confirmé hier, par la voix de son ministre de la Défense, Liam Fox, qu’“une petite équipe diplomatique” britannique se trouvait à Benghazi, mais a refusé de commenter des informations selon lesquelles un diplomate serait détenu par des insurgés dans cette ville.