Des leaders politiques et militants de l’opposition ont réagi instantanément sur les réseaux sociaux pour alerter sur les pièges contenus dans le message du chef de l’État.
Dans le message qu’il a rendu public avant-hier, le président Bouteflika a joué sur les mots dans une manœuvre flagrante de leurrer l’opinion publique sur ses véritables intentions. “Je renonce au 5e mandat ; j’annule les élections, je dissous la Haute instance indépendante de surveillance des élections ; je change le gouvernement ; j’organiserai une conférence nationale inclusive.” Il donne l’impression d’accéder à la demande de ses compatriotes, sans évoquer explicitement un détail crucial : il reste à la magistrature suprême pour une durée indéterminée en sautant la case des urnes. Il s’avérait compliqué de comprendre, de prime abord, les enjeux véritables des engagements pris.
Réactifs, des leaders politiques de l’opposition ont utilisé instantanément les réseaux sociaux pour prévenir contre l’entourloupe. À l’instar de nombreux activistes, ils ont posté des commentaires ou des vidéos, dans lesquels ils ont expliqué le sens caché desdites décisions. Abdelaziz Bouteflika ne renonce pas à la plus haute fonction de l’État. Il s’y maintient, en violation flagrante de la Constitution. Il conserve aussi ses proches à des postes clés dans les institutions. Il opère des changements de façade et assoit sa tutelle sur la période de transition. Ces éclairages ont assurément contribué à rendre l’euphorie, née d’un sentiment de victoire sur le régime, éphémère.
Les appels à une grande marche le vendredi 15 mars se sont alors multipliés sur les réseaux sociaux et les commentaires ont changé de ton. Nullement émoussée par les engagements hypothétiques du chef de l’État, la révolte populaire semble repartir de plus belle par le truchement des rassemblements des étudiants, notamment à Alger. Tiendra-t-elle ses promesses ? L’élite politique, qui fait écho au grondement de la rue sans chercher à se l’approprier, est en mesure de peser sur le cours des événements. Les partis politiques et les personnalités nationales ont pour mission immédiate de suggérer à la mobilisation citoyenne une représentativité, autre que celle imposée par le pouvoir en place (sur les profils Facebook et Twitter, le besoin de porte-parole est exprimé clairement, jusqu’à mettre en avant des noms).

La tâche de formuler des pistes concrètes de refondation de l’État sur des bases démocratiques et enfin de réunir les conditions pour l’organisation d’une élection présidentielle libre, leur incombe également. Le sort du pays se déterminera à l’aune de la réplique des citoyens et de la capacité de la classe politique et des militants chevronnés à renforcer le mouvement par des fondations solides et une vision consensuelle de l’avenir proche. Le virage est dangereux. Il doit être négocié habilement.
Souhila Hammadi