La Constitution et les binationaux: Les articles 51 et 73 alignent l’Algérie sur un nombre restreint de pays

La Constitution et les binationaux: Les articles 51 et 73 alignent l’Algérie sur un nombre restreint de pays

Dans sa défense de l’art 51 du projet de révision de la Constitution, Ahmed Ouyahia, secrétaire général du RND et directeur de cabinet à la présidence de la république a cité l’Allemagne, la Chine, le Japon ou l’Australie pour faire valoir que l’Algérie n’est pas le seul pays au monde à restreindre l’accès aux hautes fonctions aux binationaux.

Dans une note adressée aux secrétaires de wilaya de son parti, il affirme que de nombreux pays traitent de manière « stricte » cette question de la bi-nationalité. Qu’en est-il en réalité ?

Sur la page Facebook « Citoyens Algériens Égaux devant la Constitution » et grâce ausite www.constituteproject.org, disponible en arabe et en anglais, qui permet de comparer 194 constitutions dans le monde, l’argumentaire d’Ahmed Ouyahia est battu en brèche.

On peut grâce à ce site comparer les constitutions sur des thèmes variés dont celui réserve aux binationaux et aux non-résidents. Les noms des pays cités par Ahmed Ouyahia ne figurent pas parmi les pays qui exigent la nationalité « unique » pour accéder aux hautes fonctions.

Un constat d’abord, les pays cités par Ouyahia ne figurent pas parmi ceux qui ont des dispositions similaires à l’article 51 du projet de constitution. Dans le fait, cette condition ne se retrouve que dans les constitutions de 4 pays sur les 194 qui figurent sur la liste : la Colombie, le Nicaragua, le Kenya, et le Kyrgyzstan.

diaspora

Seuls 4 pays sur 194

Le « Kyrgyzstan, applique cette règle à une liste de fonctions définies par la loi. C’est ce qui a été décidé par le président Abdelaziz Bouteflika, lors du Conseil des Ministres du 11 janvier 2016. L’Algérie, explique les auteurs de l’analyse comparative, adopterait ainsi le « modèle constitutionnel du Kyrgyzstan sur cette question, ou celui du Kenya ».

En faisant large, elle rejoindra « quatre cas exceptionnels sur 194 pays, qui ferment la porte de la haute fonction publique—de manière générale, au-delà des postes de souveraineté ou de ministres—à une partie de leur communauté nationale. »

« Seuls 19 pays dans le monde exigent la nationalité unique pour les postes de ministres (dont deux pays arabes, la Jordanie et la Syrie) » note l’analyse comparative en relevant que l’adoption de l’art 51 nous ferait rejoindre cette  » minorité de moins de 10% des pays de la planète qui excluent les binationaux des postes ministériels, ainsi que les 1% des pays qui—fait très rare—excluent les binationaux des hautes fonctions de l’Etat et des hautes fonctions politiques. »

Art 73, des dispositions uniques au monde

Pour les conditions d’éligibilité, le nouvel article 73 ferait de l’Algérie « le seul pays au monde qui impose des conditions aussi drastiques ». « Pas loin, mais en moins contraignant, seules la Birmanie, l’Egypte et la Syrie ont des conditions similaires, portant tant sur les nationalités du candidat, de ses parents et de son conjoint, que sur la durée ininterrompue de sa résidence au pays avant l’élection ».

« Voilà les trois ‘’constitutions modèles’’ que l’on nous propose d’imiter dans un effort de «renforcement de notre démocratie » constate l’analyse avec ironie.

Mais l’article 73 sur les conditions d’éligibilité à la présidence de la République fait encore plus fort. S’il est adopté, l’Algérie rejoindre le cercle très restreint des pays où des binationaux qui ont renoncé à l’autre nationale resteront interdit de candidature à la présidence. Ce serait le cas de Rachid Nekkaz qui bien qu’ayant renoncé à la nationalité française ne pourrait plus être candidat à l’avenir.

De même que l’exigence d’une nationalité algérienne des deux parents nous fait rejoindre un petit groupe de huit pays : l’Afghanistan, le Tchad, les Maldives, la Birmanie, ainsi que quatre pays arabes, l’Egypte, l’Irak, la Syrie, et le Yémen.

« Enfin, la Birmanie et l’Egypte sont les deux seuls pays au monde qui imposent la nationalité unique du conjoint, tel qu’il est proposé dans l’Article 73. Seuls trois autres pays exigent que le conjoint ait la nationalité du candidat : le Bhoutan, la Syrie, et le Yémen. Voici les références que l’on nous propose de rejoindre ! ».

L’analyse comparative, documents à l’appui, montre clairement que ces dispositions ne sont pas aussi courantes dans le monde que ne le prétend Ahmed Ouyahia.