Pour l’économiste Camille Sari, le taux d’intégration nationale de 42% ne peut être atteint que sur une longue période. Quant à l’exclusivité de 3 années accordée par l’Algérie au constructeur français, elle est, selon lui, contraire aux règles de libre concurrence imposées par les accords conclus entre l’Algérie et l’Union européenne.
La configuration de l’usine Renault en Algérie, telle qu’annoncée lors de la signature du contrat portant sa réalisation à l’occasion de la visite du président français François Hollande en Algérie, les 19 et 20 décembre derniers, continue de susciter des appréhensions, aussi bien sur les emplois qu’elle générerait que sur sa capacité de production ou le taux d’intégration de la production nationale.
« Le projet de Renault en Algérie prévoit de produire 25.000 unités/an destinées essentiellement au marché algérien, ce qui est, en termes de rentabilité, en dessous de toutes les normes », soutient l’économiste spécialiste de l’intégration maghrébine, Camille Sari. Ce projet prévoit, pour rappel, une capacité de production maximale de 75.000 voitures par an.
Pour Camille Sari, « Renault compte se rattraper en imposant » au gouvernement algérien de ne pas autoriser d’autres constructeurs à s’installer en Algérie pendant une période de trois années, « ce qui est contraire aux règles de libre concurrence imposées par les accords conclus entre l’Algérie et l’Union européenne ». En plus, a-t-il expliqué dans une déclaration à Maghreb Emergent, la production (du constructeur français, NDLR) se limitera à la marque Symbol, dérivée de la dernière Logan. C’est visiblement le prix à payer à un groupe qui a l’habitude de dominer sa structure capitalistique alors que le Code des investissements algérien impose la règle 49/51%, qui fait que l’Etat algérien est majoritaire dans ce partenariat ».
Concernant la question des emplois prévus par le projet, évalués par les pouvoirs publics à 8.000 postes directs et 20.000 autres indirects (Renault parle de 350 directs), Camille Sari estime qu’ils seront « subventionnés par le Trésor public algérien ». « Le point mort d’une telle opération, afin que les coûts soient couverts par les recettes, est de 300.000 unités/an, ce qui alourdirait l’amortissement pendant au moins quatre à cinq ans », a-t-il expliqué.
42 % de taux d’intégration, « un engagement difficile à tenir »
Le taux d’intégration de la production nationale des voitures qui seront fabriquées par cette usine, 42% selon le gouvernement algérien, est un engagement qui « ne peut être tenu que sur une longue période », a affirmé ce spécialiste du Maghreb, pour qui cela nécessite la création d’un tissu de PME/PMI industrielles produisant des inputs pour un constructeur de renommée mondiale qui ne manquera pas d’imposer des normes de qualités draconiennes à ses sous-traitants. Il a rappelé, à ce propos, que Volkswagen a fait changer tout l’outillage et les machines produisant les équipements aux sociétés chinoises de la province de Jilin pour la fabrication de l’Audi en partenariat avec le constructeur chinois FAW.
Camille Sari estime que le seul marché significatif qui présente une taille critique pour accueillir des investissements étrangers de grande envergure sera un espace maghrébin économiquement intégré. Les entreprises maghrébines pourraient alors atteindre, selon lui, le seuil compatible avec les critères d’efficience et de rentabilité. Pour lui, l’échec de la politique de l’industrie industrialisante et la faible intégration des sociétés publiques comme SNVI (véhicules industriels), PMA (tracteurs et outillages agricoles), ENIEM (électroménagers) ou le complexe sidérurgique d’El Hadjar, s’expliquent par la mauvaise gestion mais aussi par le fait qu’elles ont été configurées pour un marché beaucoup plus vaste que le marché algérien.