La « confessionnalisation » des conflits influe sur la situation au Moyen-Orient

La « confessionnalisation » des conflits influe sur la situation au Moyen-Orient

Le Moyen-Orient est désormais la région où s’illustre le nouveau jeu de puissances, qui est déterminé par l’opposition confessionnelle (sunnite-chiite) ainsi que par la crise pétrolière et la reconsidération du rôle de l’Iran dans le concert des Nations, a estimé, vendredi à Alger, le politologue français Gilles Kepel.

« La confessionnalisation des conflits, notamment en Syrie, avec l’opposition sunnites-chiites et la crise des prix des hydrocarbures participent vivement à provoquer un changement régional », a jugé M. Kepel lors d’une conférence-débat sous le thème: « le nouveau jeu de puissances au Moyen-Orient », tenue en marge du 20ème Salon International du Livre d’Alger (SILA).

« Le printemps arabe, parti de l’Afrique du nord, où n’existe ni schisme religieux ni système basé sur la rente pétrolière, s’est confessionnalisé dans les pays du Moyen-Orient, où les conflits ont pris une dimension régionale qui dépasse les Etats », a explicité le spécialiste de l’islam et du monde arabe contemporain.

Ce qui se passe en Syrie, en Irak, au Liban et au Yémen, s’ »inscrit dans le cadre de la réintégration ou non de l’Iran dans la stratégie moyen-orientale », a-t-il jugé, arguant que Téhéran, qui a signé un accord historique sur son programme nucléaire avec les grandes puissances, soutient ces pays « pour pouvoir intervenir à travers eux dans le système international ».

Le conférencier, professeur à l’Institut des études politiques de Paris, a également mentionné l’impact de la chute des prix des hydrocarbures sur les pays du Golfe où « les systèmes sont basés sur la rente pétrolière ».

« Les petits Etats du Golfe, tels que le Qatar et les Emirats arabes unis, peuvent résister à la crise des prix des hydrocarbures, mais l’Arabie saoudite peinera sûrement à gérer la situation à cause de sa forte démographie et les graves problèmes politiques au sein de la famille royale », a expliqué M. Kepel.

Selon lui, « les pays de la péninsule arabique, à leur tête l’Arabie Saoudite, redoutent de se voir lâchés par Washington, qui estime inutile de les soutenir face aux Iraniens », puisque les Etats-Unis sont en passe actuellement de réaliser leur autosuffisance énergétique grâce à l’exploitation de son gaz de schiste.

Pour cet auteur de plusieurs livres sur le monde arabe, « la réintroduction de Téhéran dans le système internationale fera perdre à Israël sa position de ‘chouchou des Américains’, et fera de l’Iran l’interlocuteur des grandes puissances dans la région ».

Interrogé par l’APS sur le rôle de la Russie dans l’éradication du terrorisme en Syrie et une possible sortie de crise dans un futur proche, M. Kepel a estimé que « les frappes aériennes russes portent sur des positions n’appartenant pas à Daech dans la région reliant Damas et Alep, contrôlée par des rebelles ».

Pessimiste quant à une sortie de crise dans un future proche, il a, à ce propos, présagé que la Russie ne pourra pas poursuivre ses frappes aériennes et finira par revenir à la stratégie la moins coûteuse politiquement et financièrement: « la guerre par procuration ».