Jusqu’à la dernière minute, les partis politiques, s’appuyant sur les promesses de la Commission dite Bensalah-Touati, mise sur pied par Bouteflika, ont cru pouvoir être intégrés dans le mécanisme de révision de la Constitution. Hier, ils ont eu à constater que c’est une commission d’universitaires qui a été chargée de l’élaboration de la plate-forme constitutionnelle. Toujours est-il, les partis pourront faire des réserves ou apporter des amendements a postériori, mais ce sera en dehors de la commission.
Annoncée en dernière minute, dimanche, tard dans l’après-midi, la Commission d’experts chargée de travailler sur la révision constitutionnelle a été installée officiellement, hier matin, par le Premier ministre Abdelmalek Sellal. La mise en place de cette commission a été décidée par le président de la République Abdelaziz Bouteflika. Le Président a demandé aux membres de la commission de remettre le résultat de leurs travaux «dans les plus brefs délais», a indiqué, dimanche, un communiqué de la présidence de la République.
La commission est composée de professeurs d’université, dont une femme, Faouzia Benbadis, «tous connus pour leur compétence et leurs qualités morales», a souligné le même communiqué. Il s’agit d’Azzouz Kerdoun, président, et de Faouzia Benbadis, Bouzid Lazhari, Ghaouti Mekamcha et Abderrazak Zaouina, à titre de membres.
De toute évidence, il s’agit d’un projet capital, car les enjeux ont pour nom des sujets importants, comme, par exemple, le mandat présidentiel, clé de voûte des joutes politiques en Algérie depuis quatre ans déjà, l’activité politique partisane, la peine de mort, etc. Le communiqué de la Présidence dit que l’avant-projet de loi sur la révision de la Constitution «devrait s’appuyer, à la fois, et sur les propositions des acteurs politiques et sociaux retenues et sur les orientations du président de la République, en vue de leur traduction en dispositions constitutionnelles», mais, il semble bien que l’élaboration en cours se ferait vraisemblablement en ne s’appuyant que sur la seule «réflexion» des «experts».
Les experts universitaires, affirment certains partis politiques contactés hier, «sont, tout compte fait, des commis de l’Etat, perçoivent leur salaire et leurs privilèges de l’Etat», et leur travail, à lui seul, ne peut être un gage de crédibilité, quand bien même leurs compétences intellectuelles seraient élevées.
De plus, ajoutent-ils, à quoi bon auraient servi les cinq semaines de consultations politiques engagées par le trio Bensalah-Touati-Boughazi ? On s’en souvient, les consultations ordonnées par le chef d’Etat pour tenter des réformes politiques en plein Printemps arabe avaient pris fin le 21 juin 2011, après un mois d’audiences au siège de la Présidence. 250 personnalités politiques et historiques avaient donné leur point de vue. Le président du Sénat, Abdelkader Bensalah, ainsi que ses deux conseillers, le général Mohamed Touati et le conseiller du chef de l’Etat Mohamed Boughazi, avaient sondé toute une kyrielle de partis, de responsables, de personnalités et d’associations, recueillant leurs suggestions ou revendications, à un moment où il y avait à craindre pour la stabilité du pays. Quelques rares refus de prendre part à ces consultations ont été enregistrés, mais, dans l’ensemble, la classe politique a pu émettre ses réserves, donner son avis ou faire des propositions, surtout à propos de la nécessité d’une révision constitutionnelle d’urgence. Les partis commencent depuis hier à mettre en garde et crier à la manipulation. L’été s’annonce chaud…
Fayçal Oukaci