La coalition face à la réalité du terrain,Dissensions pour le commandement des opérations

La coalition face à la réalité du terrain,Dissensions pour le commandement des opérations

Au sein de la coalition – à laquelle participent, côté UE, la France, la Grande-Bretagne, l’Italie, la Belgique, le Danemark, la Grèce et l’Espagne – des voix dissonantes se font entendre au sujet du commandement que plusieurs pays souhaiteraient voir confié à l’Otan.

Actuellement, les opérations de la coalition sont nationales (chaque pays agit à sa guise), mais elles sont coordonnées par les QG américains de Ramstein (ouest de l’Allemagne) et Naples (sud de l’Italie). Les Etats-Unis qui assurent de facto le leadership de l’opération depuis leur QG près de Stuttgart, assurent que les Etats-Unis céderaient rapidement le commandement. «C’est une question de jours, pas de semaines», a dit le président américain Barack Obama. Mais le président américain n’a pas précisé qui prendrait le relais, même si la France et la Grande-Bretagne ont joué un rôle de premier plan dans l’intervention. Ce n’est finalement ni la France ni la Grande Bretagne qui prendrait le relais.

L’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan) a de fortes chances de mener les prochaines opérations en Libye, malgré l’opposition des pays arabes. Selon le ministre des Affaires étrangères français, Alain Juppé, la Ligue arabe ne souhaite pas que l’opération soit placée sous la responsabilité de l’Otan, ce qu’espèrent au contraire des pays comme le Canada ou l’Italie, qui participent également à l’intervention. Pourquoi certains pays en appellent à l’Otan, ce qui élargirait le fossé entre les pays de la coalition et leurs partenaires ? Il semble que l’Otan est l’une des rares structures efficaces sur le plan militaire, notamment pour mettre en place un commandement intégré qui manque actuellement à la coalition.

Les pays arabes, eux, ne veulent pas entendre parler du cadre Otan dans les opérations dirigées contre la Libye du Colonel Kadhafi.

Otan : niet pour les pays arabes

Malgré l’opposition des pays arabes, l’Otan est prête à prendre le relais de la coalition. C’est ce que suggère une porte-parole du ministère français des Affaires étrangères qui a déclaré, hier, que «l’Otan soutiendra la coalition de pays qui mènent l’opération militaire en Libye quand les Etats-Unis réduiront leur engagement», ce que confirme le secrétaire à la Défense américain Robert Gates, qui a déclaré que «les frappes vont bientôt baisser d’intensité».

Des propos corroborés, par le chef de la coalition, le général américain Carter Ham. «Sauf si quelque chose d’inhabituel ou d’inattendu survient, nous pourrions voir un ralentissement dans la fréquence des attaques. Nous avons déjà vu, entre la première nuit des frappes Tomahawk et la deuxième, une réduction importante», a-t-il déclaré, tandis que la Russie appelle à un cessez-le-feu immédiat en Libye. Une question qui pourrait être discutée par le Conseil de sécurité de l’Onu lors de sa réunion de ce jeudi à la faveur de l’appel de la Russie a un cessez-le-feu en Libye, selon le Quai d’Orsay. A l’instar de la Russie, de nombreux pays ont demandé un cessez-le-feu immédiat.

L’Inde a estimé que les pays étrangers ne devaient pas s’ingérer dans les affaires de la Libye, après avoir appelé lundi à l’arrêt des raids aériens contre le régime de Mouammar Kadhafi en raison des risques de victimes civiles, tandis que plusieurs hauts responsables de la coalition ont assuré ne pas chercher à viser directement le colonel Kadhafi.

Il n’empêche que lundi soir, des tirs de la défense anti-aérienne suivis d’explosions ont retenti à Tripoli près de la résidence du dirigeant libyen. La nuit précédente, des missiles avaient détruit un bâtiment au sein de cette résidence-caserne dans le sud de la capitale. Une base navale située à 10 km à l’est de Tripoli a également été touchée par des bombardements lundi soir, selon des témoins qui ont vu des flammes.

Par ailleurs, l’Union européenne (UE) compte prendre part à une réunion de l’Union africaine (UA) prévue en principe vendredi à Addis Abéba, pour tenter une approche commune visant à résoudre la crise en Libye, a indiqué hier un responsable européen à Naïrobi. «Il existe beaucoup de points communs dans les positions prises par les deux Unions (UE et UA)» sur la crise libyenne, a déclaré dans une conférence de presse à Naïrobi, Nick Westcott, conseiller chargé de l’Afrique auprès de la chef de la diplomatie de l’UE, Catherine Ashton. «Nous voulons nous appuyer sur ces points communs pour parvenir à la solution que nous souhaitons tous, à savoir la fin des tueries et un processus politique ouvert qui reflète les aspirations légitimes du peuple libyen», a-t-il déclaré.

Les combats se poursuivent

Sur le terrain, la situation évolue d’heure en heure. Chaque camp revendique des succès sans qu’il soit possible de confirmer ou d’infirmer ces informations. Des médias rapportent que les insurgés libyens sont toujours à proximité d’Ajdabiya, dans l’est de la Libye, sans tenter d’avancer sur cette ville stratégique car les forces kadhafistes y restent puissantes en dépit des raids aériens occidentaux.

Les rebelles présents sur la ligne de front à environ 5 km d’Ajdabiah, portes d’accès à la région orientale aux mains des insurgés, expliquent que trois nuits de raids aériens ont détruit une partie de l’armement du colonel Mouammar Kadhafi, mais que ses forces constituent toujours une menace sérieuse.Les violences se sont poursuivies lundi, faisant au moins 40 morts et 300 blessés à Misrata, à 200 km à l’est de Tripoli, selon les rebelles. Dans l’est, les forces gouvernementales, qui avaient attaqué Benghazi samedi matin, ont reculé lundi jusqu’à Ajdabiya, à 160 km au sud de Benghazi.

Au sud-ouest de Tripoli, les forces loyalistes pilonnent depuis trois jours la région d’Al-Jabal Al-Gharbi, en particulier les villes de Zenten et Yefren sous contrôle de la rébellion, selon des habitants de la région évoquant des raids «très intensifs». Des «affrontements violents» ont eu lieu lundi et hier dans la région de Yefren, au sud-ouest de Tripoli, entre les rebelles qui contrôlent la région et les forces du régime libyen, faisant au moins 9 morts, ont indiqué à l’AFP des habitants de cette région.

Les combats en Libye ont poussé des milliers de personnes à fuir leurs domiciles et se réfugier dans l’est du pays, selon le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) se basant sur les témoignages de réfugiés arrivés en Egypte. Ces réfugiés ont dit avoir préféré fuir le pays, par crainte d’une reprise des combats des forces pro-gouvernementales dans l’est. Hier, les avions occidentaux ont tiré sur un appareil du régime libyen qui volait en direction de Benghazi.

Les frappes des coalisés : Un jeu de massacre

Les frappes qui se sont déroulées contre les forces fidèles au colonel Kadhafi dans la nuit de samedi à dimanche, sur la route conduisant à Ajdabiya, à 35 kilomètres au sud de Benghazi ont été qualifiées par le reporter de Libération de «jeu de massacre». Christophe Ayad ne décrit pas une opération militaire mais «un vrai jeu de massacre». Il raconte: « Des dizaines et des dizaines de corps de soldats gisent là, morts dans l’instant, certains presque des enfants dans leur treillis trop grand. Ils ont été foudroyés par les Rafale français entre 5h et 7 h du matin. »

Un autre reporter, Kareem Fahim de l’International Herald Tribune, évoque un «carnage» et précise plus loin que de multiples frappes sont intervenues, «apparemment conduites par les pilotes des avions d’armes français qui ont pris la responsabilité de tirer les premiers coups». Ce même reporter ajoute que les frappes ont visé deux convois. Selon lui, l’un paraît avoir été frappé alors que ses canons et ses mitrailleuses étaient dirigés vers Benghazi, la capitale des rebelles que les Français avaient samedi pour mission de protéger.

L’autre, en revanche, aurait été frappée alors que ses véhicules quittaient la zone de combat. L’envoyé spécial du Herald Tribune cite un officier rebelle, le colonel Abdullah al-Shafi : «Ils battaient en retraite. Les soldats [loyaux à Kadhafi, ndlr] avaient volé des véhicules civils et fuyaient. Ils étaient en train d’enlever leurs treillis».

Par : Sadek Belhocine