La «chkara» au cœur d’une guerre sans précédent Tliba et le fils Ould-Abbès s’accusent mutuellement

La «chkara» au cœur d’une guerre sans précédent Tliba et le fils Ould-Abbès s’accusent mutuellement

Tliba et le fils Ould-Abbès s’entredéchirent à distance pour tenter d’avoir le dernier mot dans une affaire de corruption où ils risquent de se voir condamner à plusieurs années de prison.

Abla Chérif – Alger (Le Soir) – 9 septembre 2019. La lutte anti-corruption déclenchée au lendemain de la chute du régime Bouteflika se poursuit inexorablement et s’arrête ce jour-là sur l’un des noms les plus controversés de tout l’Est algérien : Baha-Eddine Tliba, homme d’affaires, député, réputé bénéficier de la couverture inaltérable des cercles les plus influents au pouvoir.

Belkacem Zeghmati, tout récemment nommé garde des Sceaux en remplacement de Slimane Brahmi que l’on disait sous l’influence de Tayeb Louh, exige la levée de l’immunité parlementaire de l’homme qui semblait jusqu’alors échapper aux nasses de la justice. Il est accusé d’avoir participé au financement occulte de la campagne de Abdelaziz Bouteflika, de financement occulte des campagnes électorales du FLN et notamment celle en rapport avec les élections législatives de 2017. L’affaire n’est pas des moindres. Zeghmati vient de déterrer un scandale vieux de deux années se basant sur un rapport jeté dans un tiroir.

Les faits se rapportent à l’incroyable imbroglio né de la jonction malsaine entre argent et politique durant l’ère Bouteflika. Les Algériens entendent alors parler d’une histoire de vente de places à la députation sur des listes FLN. Deux des fils Ould-Abbès sont mis en cause,

El Wafi et Mehdi. En 2017, le premier est entendu par les services de sécurité. Une perquisition à son domicile permet de mettre la main sur des sommes très importantes qui se chiffrent à des milliards. Relâché par le miracle de la conjoncture qui régnait à cette époque, il parvient à prendre la fuite et se trouverait, aux dernières informations, au Venezuela où séjourne sa mère. Son frère Mehdi est également soupconné d’avoir pris part à l’opération, mais il n’était pas inquiété à ce moment. La situation change toute la donne après le fameux 22 février. Le 12 juin dernier, il fait l’objet d’une interpellation et d’une garde à vue prolongée qui se termine par une incarcération à la prison de Koléa par sa mise sous mandat de dépôt par la justice.

Selon son avocat, Me Ksentini, les faits qui conduisent à son emprisonnement se sont déroulés ainsi. L’avocat précise aussi que ses propos sont basés sur les déclarations que lui a faites son client Mehdi Ould-Abbès. «Mehdi et Tliba se connaissaient, ils étaient parfois en relation. Sachant que mon client était spécialisé dans des opérations de commerce, la vente de voitures de marques, Tliba le charge de lui amener un véhicule de luxe dont le montant a été fixé à 2,5 milliards». Mehdi accepte. Le soir même, deux personnes se présentent au domicile du fils Ould-Abbès munis de deux valises contenant la somme fixée ainsi que 200 000 euros qui n’étaient apparemment pas prévus dans ce qui avait été convenu. Le concerné ne se trouvait cependant pas chez lui à ce moment. Les deux individus vont à sa recherche, le trouvent et lui remettent l’argent. «Mehdi est arrêté sur-le-champ», nous dit l’avocat. Les services de sécurité braqués sur la lutte anti-corruption ont-ils eu vent d’une transaction jugée peu ordinaire à leurs yeux ? Le scénario s’apparente à un piège tendu. Le mis en cause est présenté devant le procureur qui décide de le placer sous mandat de dépôt. Il livre sa version des faits à la justice. Sur la base de ses déclarations, une enquête est ouverte sur le cas Tliba. Elle permet de collecter des preuves de son implication dans plusieurs opérations de financement, celle des législatives de 2017 et celle de la campagne présidentielle de Bouteflika. Sur la base d’un rapport établi par les services de sécurité, la justice a décidé à son tour d’ouvrir une enquête judiciaire.

Le ministre de la justice a demandé récemment la levée de l’immunité parlementaire du député très controversé. Selon les dernières informations, Tliba a fait savoir qu’il refusait de renoncer à son immunité. Une procédure officielle sera par conséquent engagée au niveau du Parlement. Mais Tliba, qui serait entré dans une colère noire après avoir pris connaissance des déclarations du fils Ould-Abbès a décidé d’aller plus loin.

Dans une déclaration écrite remise à la commission juridique de l’Assemblée, il évoque une opération de «chantage» faite par Mehdi et affirme que celui-ci lui aurait exigé la somme de sept milliards pour être porté sur la liste de député d’Annaba en 2017. La demande d’être porté sur la liste en question venait-elle de Tliba, ou a-t-elle été soumise par le fils Ould-Abbès ? Les premières zones d’ombre et les tenants et aboutissants de cette affaire devraient être levés au cours du procès de Mehdi Ould-Abbès qui devrait probablement se tenir au cours du mois d’octobre prochain.

A. C.