La chasse aux étourneaux bat son plein à Bouira: Un loisir… lucratif

La chasse aux étourneaux bat son plein à Bouira: Un loisir… lucratif

Certains l’exercent comme loisir, pour d’autres, elle est une activité lucrative. Seuls les agriculteurs, ceux ayant des oliveraies en souffrent. La chasse à l’étourneau est ouverte…

Qui n’a pas déjà été émerveillé devant une nuée d’étourneaux virevoltant dans le ciel, les soirs d’hiver, donnant l’impression d’exécuter une symphonie de Beethoven ? Ces oiseaux migrateurs, qui quittent le nord-est de l’Europe pour migrer vers l’Espagne, l’Italie et l’Afrique du Nord en quête d’un climat tempéré, envahissent chaque année l’Algérie. Selon les chiffres de l’Institut national pour la protection des végétaux (INPV), plus de 148 millions d’étourneaux débarquent en Algérie entre les mois de septembre et mars. Quittant ainsi les régions septentrionales en dérivant vers des régions plus chaudes, qui leur offrent ainsi une alimentation adéquate. Leur itinéraire, ou pour ainsi dire leur plan de vol, suit les littoraux ou les massifs montagneux en tirant profit des courants aériens ascendants et en évitant les barrières géographiques telles que les trop grandes étendues d’eau. Ils “colonisent” le ciel en décrivant des sinusoïdes dans les airs.

Ces oiseaux de malheur… ou pas !

Cependant, il ne faut pas se fier à la taille minuscule de ces passereaux au plumage noir et brillant aux reflets verts, ils ont un appétit des plus voraces. Leur mets favori : l’olive. En Kabylie et plus particulièrement dans la région de Chorfa (à l’extrême est de Bouira), des nuées d’étourneaux s’abattent quotidiennement sur les vergers oléicoles, qu’ils déciment sur leur passage. Alfred Hitchcock, aurait pu très bien s’inspirer de ces passereaux à l’allure inoffensive, mais aux assauts ravageurs pour réaliser son célèbre chef-d’œuvre Les Oiseaux. Des oléiculteurs, désemparés devant une telle razzia, ne savent plus où donner de la tête et comment se débarrasser de ce “fléau” venu du Nord. “Je suis vraiment angoissé à l’idée de voir ces oiseaux voltiger dans le ciel comme une nuée d’abeilles pour fondre sur les oliviers et becqueter les fruits”, nous dit un propriétaire d’une oliveraie à Chorfa.

D’autres confessent que ces oiseaux migrateurs arrivent affamés de leur long voyage et par conséquent, dévorent tout et provoquent de terribles dégâts. “Cette année, nous avons été relativement épargnés, mais ce n’est que le début. Par contre en 2015, nous avons été carrément envahis par ces satanés étourneaux. Près du quart de ma production a été détruit. Mais ce n’était rien comparé au massacre de janvier 2010”, soulignera un oléiculteur du village d’Ahrik, relevant de la commune de Chorfa. Il est vrai qu’en 2010, des dégâts considérables ont été causés par ces oiseaux de malheur… ou pas ! car dans certaines régions de Bouira, la légende voudrait que quand une nuée d’étourneaux passe au-dessus d’une maison, cela signifierait qu’une des filles va bientôt convoler en justes noces. À la bonne heure !

“Quand je viens ici, j’oublie tout…”

Néanmoins, il y a diverses façons d’atténuer les dégâts des étourneaux et autres passereaux dévastateurs, comme des systèmes sonores “effaroucheurs”, qui comme leur nom l’indique, servent à faire peur à ces oiseaux. Mais il y a encore plus simple et plus traditionnel, à savoir la chasse. Les chasseurs leur tirent dessus avec leur fusil quand ils passent à basse altitude dans les airs ou quand ils colonisent une parcelle. D’autres, leur tendent des pièges à la fin de la campagne de cueillette, c’est-à-dire quand les olives se raréfient sur les branches et il y a aussi la chasse au filet. C’est cette dernière qui nous intéresse. Vendredi 6 janvier, dans les maquis de Chorfa, plus exactement au lieudit “la forêt brûlée”, aidés de notre accompagnateur Abdenour, un enseignant au lycée, mais grand amateur de chasse, nous sommes partis à la rencontre d’une bande de chasseurs à la “cool”. Une bande de joyeux lurons à l’allure décontractée et amateurs de chasse au filet.

Amar, Omar, Fatah et Massi, ne dépassent pas la trentaine et dont certains ont eu quelques démêlés avec les gendarmes à cause de leur activité. Il faut bien le dire, la chasse au filet est interdite par la loi n°04-07 du 14 août 2004 relative à la chasse. Mais qu’importe pour eux, car ils se définissent comme des “pacificateurs”. “On ne fait rien de mal, bien au contraire. On protège les oliviers des étourneaux et on relâche les autres espèces”, affirme Massi. Pour lui, la chasse est avant tout une passion qui lui permet de “s’évader” de son modeste quotidien. “Quand je viens ici, j’oublie tout”, explique-t-il.