La stratégie d’accès au pouvoir en reniant l’identité politique affichée, a déjà été utilisée à Sant’Egidio en 1995.
De retour, l’ombre et l’esprit Sant’Egidio, plane bel et bien sur la future assemblée. L’effervescence qui s’est emparée de la précampagne et la conviction des listes de candidatures donnent des indices dans ce sens. La loi légitime «charia» et l’amnistie générale seraient-elles remises au-devant de la scène? Les islamistes s’apprêtent à grignoter la part du lion occupée par les deux grands appareils et machines électorales, FLN et RND, qui tenaient jusqu’ici, à eux seuls, la majorité parlementaire.
L’éclatement de la maison FLN et le relatif affaiblissement du RND plaident en faveur de cette tendance. Dans cette foire d’empoigne, la place accordée à la frange juvénile dépassant les 2/3 de la population est totalement évacuée de la course et réduite à sa portion congrue ou insignifiante. Or, les islamistes BCBG, et ceux qui s’assument comme tels, ont eu la part belle à titre d’exemple, sur la liste du parti de Belkhadem. A la surprise générale, Asma El Karadhaoui, l’une des ex-épouses de ce clerc islamique, El Qaradhaoui, figure en bonne place sur la liste du FLN à Alger, piloté par le président du Haut Conseil à l’arabité, M.Ould Khlifa s’inscrivant à la même matrice idéologique. Il faut dire que le Cheïkh El Qaradhaoui, ce sunnite d’origine égyptienne, s’est particulièrement distingué par son soutien sans faille aux révolutions arabes. Ce prédicateur égyptien a appelé à l’instauration d’une «République islamique» en Tunisie et a insisté sur la création de l’union des «musulmans révoltés» en Libye, en Tunisie et en Egypte. En clair, ceux qui veulent profiter de la conjoncture régionale induite par les révoltes arabes, et soutenant mordicus que l’ Algérie ne pourrait y échapper, se retrouvent en pole position en prévision du scrutin des législatives. Ainsi, l’islam politique et le mouvement conservateur n’ont jamais été aussi proches du but que durant la conjoncture actuelle, selon de nombreux observateurs. Les salafistes et les militants de l’ex-FIS ont investi les listes du FC dont le chef, M.Menasra qui a le soutien de certaines figures de proue de ces mouvances, affirme que sa démarche est «conforme aux lois de la République qui n’interdisent aux responsables du parti dissous que la création de nouveaux partis». En outre, si les riches ont accaparé de meilleures positions sur les listes d’une cinquantaine de partis, il n’en demeure pas moins que cet état des lieux ne ferait qu’exacerber le spectre de l’abstention que d’aucuns craignent. Dès lors, il est tout de même curieux qu’on retrouve tous ces chantres de l’archaïsme, rameutés en vue d’une hégémonie dans la future assemblée. Dans ce cas de figure d’une majorité islamiste, les article 177 et 178 de la Constitution offrent une chance et une marge de manoeuvre inespérées. Les trois quarts des membres des deux chambres du Parlement réunis ensemble, peuvent proposer une révision constitutionnelle et la présenter au président de la République qui peut la soumettre à référendum. Si son approbation est obtenue, elle est promulguée, voire promulguée directement sur avis motivé du Conseil constitutionnel. Autrement dit, une révision hors du caractère républicain, une révision constitutionnelle, de la citoyenneté et des libertés fondamentales. La voie laissée libre et grande ouverte à la coalition de l’Alliance verte, les islamistes BCBG et même les salafistes, réclamant l’application de la charia, même partielle, tranche avec l’affaiblissement des partis démocrates et nationalistes. La stratégie d’accès au pouvoir en reniant l’identité politique affichée, a déjà été utilisée à Sant’Egidio en 1995. À cette époque, des compromis ont été trouvés pour s’associer avec le FIS dissous, pourtant partisan d’une stricte application de la charia. L’amnistie générale des responsables de la tragédie nationale est une question qui sera également ressuscitée et remise au-devant de la scène. Pour rappel, les jeunes sont appelés sans cesse à se rendre «massivement» aux urnes le 10 mai prochain, sans toutefois mettre au moins la forme. Dès lors, un «changement pacifique, loin de toute forme de violence» dont on parle avec insistance est loin d’être garanti. Or, ceci reste un discours creux, car réellement aucune place n’est faite aux jeunes sur les listes d’une cinquantaine de partis en lice. L’impertinence de la loi sur le régime électoral favorisant les riches, y est pour quelque chose dans cette exclusion. La contribution des candidats est plafonnée à un million de dinars par postulant. Le «changement ne doit pas être différé afin de mettre les jeunes à l’abri de toute tentation d’expatriation ou de la «harga» les conduisant à un avenir incertain», disait-on. La représentation nationale donnera l’impression de déjà-vu. Elle sera réservée au même personnel politique vieillissant.