Quelque 300 intégrismes islamistes ont tenté d’incendier dimanche 9 octobre le siège de la télévision privée Nessma à Tunis après la diffusion vendredi soir du film franco-iranien Persepolis et d’un débat sur l’intégrisme religieux. La direction de la chaîne avait auparavant reçu des menaces et des appels aux meurtres contre ses journalistes.
« Trois cents personnes ont attaqué notre siège et tenté de l’incendier », a déclaré à l’AFP le président de Nessma Nebil Karoui, ajoutant que sa chaîne avait reçu des menaces de mort après la diffusion vendredi soir de « Persepolis », film d’animation de Marjane Satrapi, qui décrit le régime iranien de Khomeiny à travers les yeux d’une petite fille.
Appels aux meurtres
« Après la diffusion de Persepolis vendredi il y a eu des appels sur Facebook à brûler Nessma et à tuer les journalistes », a raconté à l’AFP M. Karoui.
« Nous sommes habitués aux menaces mais ce qui est grave c’est que cette fois-ci ils sont passés aux actes. Nessma est la chaîne moderniste du Maghreb, on ne se laissera pas intimider et nous continuerons à diffuser les films qu’on veut. On n’a pas chassé une dictature pour revenir à une autre », a-t-il encore déclaré.
Centaine d’arrestations
« Environ 200 salafistes, rejoints ensuite par une centaine d’autres personnes, se sont dirigées vers Nessma pour attaquer la chaîne. Les forces de l’ordre sont intervenues et ont dispersé les assaillants », a indiqué à la même agence le porte-parole de l’Intérieur Hichem Meddeb, faisant état d’une centaine d’arrestations.
Selon le journal en ligne Kapitalis, les intégristes voulaient sévir également contre le même film dans la ville l’Ariana.
« Auparavant, nous avons découvert des appels pour causer des dégâts dans la ville de l’Ariana au cas où le film iranien Persepolis passait sur Nessma TV. Nous sommes intervenus. S’il y a une opinion à exprimer, les médias servent à cela, sinon on peut aller en justice et porter plainte. Mais ceux qui veulent semer des troubles et utiliser la violence, nous leur disons que nous sommes là », a déclaré M. Meddeb à Kapitalis.
Prix du jury à Cannes en 2007
Persepolis est adapté de la bande dessinée de Marjane Satrapi, Iranienne installée en France, dans laquelle elle raconte son enfance en Iran après la révolution islamique. Le film a obtenu le prix du jury au festival de Cannes en 2007.
La diffusion de Persepolis en arabe dialectal tunisien était une première en Tunisie. Lors de sa sortie, le président iranien l’avait jugé « islamophobe ».
L’attaque des salafistes à Tunis intervient au lendemain de l’invasion par des hommes armés de la faculté de lettre de Sousse, dans le nord-est du pays, pour protester contre le refus d’inscription opposé par les autorités universitaires à une étudiante voilée.
La Tunisie émerge doucement de 23 ans de dictature imposée par le président Ben Ali et sa femme Leïla Trabelsi qui ont pris la fuite le 14 janvier 2011 pour se réfugier en Arabie Saoudite.
