La célébration de Leïlat El Qadr puisée de traditions immémoriales dans les Aurès

La célébration de Leïlat El Qadr puisée de traditions immémoriales dans les Aurès

Les familles de la région des Aurès s’attachent, la veille du 27ème jour du mois de ramadhan, à célébrer Leïlat El Qadr (la Nuit du Destin) selon des traditions immémoriales qui ont su résister à la « modernité » et au passage du temps.

La réunion des enfants et des petits-enfants autour de la même table du F’tour, cette nuit-là dans la grande maison (Ed-dar Lekbira), la demeure du patriarche en général, constitue un rituel scrupuleusement respecté, même par les enfants mariés et indépendants qui doivent apporter leurs repas de rupture du jeûne dans la maison de leurs parents.

La vieille Zerfa Baâli, du village de Chir, rappelle que chacune des belles-filles doit aussi apporter, à cette occasion, le f’tour tandis que certaines autres prennent en charge la préparation de la « Kesra », une galette rustique préparée avec de la semoule de blé dur et parfois avec de l’orge.

En-nafka et la Khetma du coran pour souligner la spécificité de l’occasion

Dans les villages et les dechras reculés des Aurès, la célébration de Leïlat El Qadr est fondamentalement attachée à la pratique d’En-nafka qui est l’immolation collective, au matin du 26ème jour du mois sacré, de plusieurs ovins qui seront équitablement partagés entre pauvres et membres de la famille.

Selon Hocine Mechri (70 ans), père de cinq enfants et neuf fois grand-père, En-Nafka est une « tradition ancestrale » qui traduit les valeurs de solidarité et d’entraide qui rapprochent les membres de la communauté musulmane. Ceux qui supervisent l’opération doivent veiller à la distribution des quotes-parts de viande soit effectuée avant midi et la prière du Dohr pour permettre aux ménagères de disposer du temps nécessaire pour préparer la chekhchoukha ou le couscous, ajoute le vieil homme.

Lors de la veillée de cette nuit sacrée, les hommes se réunissent pour parachever la lecture du Saint Coran dans une ambiance toujours marquée par une grande ferveur spirituelle.

Pendant ce temps, les femmes s’assurent à éloigner les enfants et à faire en sorte qu’ils ne perturbent pas la préparation de pâtisseries traditionnelles dont la fameuse ‘‘B’sissa’’ au miel pur et aux noix que l’on présente aux récitants du Coran.

Le rituel de la circoncision Pratique étrangère aux usages sociaux de la région, la circoncision des garçons lors de la célébration de Leïlat El Qadr a fini par s’imposer dans la wilaya de Batna, mais également dans toutes les régions du pays. Beaucoup de familles y voient une occasion à ne pas rater pour accomplir ce rituel.

Bien que la tradition d’El Mahfel, cette procession conduite par la grand-mère, se soit éteinte, certaines coutumes attachées à la fête de la circoncision demeurent honorées, à l’exemple de la cérémonie du henné et du foulard rouge (ou vert) attaché autour du cou des petits à circoncire.

La vieille Hizia qui sera très bientôt nonagénaire, et qui habite depuis sa naissance la localité montagneuse de Hidoussa, Leïlat El Qadr est une nuit « toute bénie et pleine de baraka », c’est pourquoi, soutient-elle, « les habitants des Aurès tiennent particulièrement à la célébrer dans la ferveur religieuse, encore et toujours ».