La bourse de la devise d’Alger fermée après une opération de police, Square: le jour d’après…

La bourse de la devise d’Alger fermée après une opération de police, Square: le jour d’après…

«kayène l’euro, dollar, biaâ oula chraa» n’étaient pas audibles

Hier, au «souk» de la devise il y avait une ambiance d’enterrement. Le mouvement habituel a disparu, laissant place à des «cambistes» rassemblés entre eux, se tenant la tête, ruminant leur colère et essayant de trouver une solution…

La «bourse» de la devise d’Alger était fermée, hier, après une opération coup de poing menée la veille par la police. En effet, le mouvement habituel avec des «cambistes» éparpillés sur les trottoirs aux alentours du Palais de justice d’Alger n’était point visible. Il n’y a personne qui vous apostrophe, billets de devises à la main, pour vous proposer une opération de change rapide. Les fameuses «kayène l’euro, dollar, biaâ oula chraa» (il y a de l’euro et du dollar à vendre ou à acheter) n’étaient pas audibles. D’ailleurs, la rue était presque calme avec des personnes passagères seulement ou quelques individus qui devaient se rendre au tribunal Abane-Ramdane.

Il a fallu faire tout le tour de l’habituel «bourse» pour retrouver nos amis «traders». Ils étaient tous rassemblés au fond de la rue derrière le tribunal d’Alger. Leurs mains étaient pour une fois vides. «Et même nos poches. Regardez, il me reste 165 dinars», affirme l’un d’eux en tirant de ses poches quelques pièces de monnaie lui qui est habituellement une banque ambulante. «Ils nous ont tout pris. Moi on m’a saisi 3000 euros et 150000 dinars», ajoute-t-il en brandissant la feuille de saisie et la convocation au Palais de justice qu’il nargue depuis des années. En face de notre ami «cambiste», ses collègues étaient rassemblés entre eux, se tenant la tête, ruminant leur colère et essayant de trouver une solution… Eux qui habituellement évitent la presse comme la peste, étaient tout contents de nous voir pour vider leur sac.

LG Algérie

Ils commencent par nous raconter leur «infernal» début de semaine. «C’était un dimanche comme tous les autres. On a commencé une semaine qui s’annonçait très bonne avec cette fin avril où beaucoup de gens s’apprêtent à aller en vacances ou à la Omra», rapporte Fethi, un autre de ces «traders» made in «bladi».

Les règles de l’art du «cambisme» informel

«Soudain, le silence s’empare du square Port Saïd avant qu’on ne voit des centaines de policiers débarquer en courant. Ils encerclent toutes les issues. Ils nous prennent à revers et nous cueillent les uns après les autres», poursuit-il.

«Ils nous embarquent au poste. Nous fouillent et commencent à nous saisir tout l’argent qu’on a, que ce soit de la devise ou du dinar», atteste-t-il avant qu’un de ses amis ne vienne lui couper la parole. «Oui, devises et dinars. Moi je n’avais que des dinars, ils me les ont pris. En plus, ils ne nous

ont donné aucune explication», peste-t-il. «Ils nous ont pris tout ce qu’on possède dans ce monde. «Rasse el male ou el fayda (notre capital et le bénéfice) sans nous dire pourquoi», s’indigne-t-il. «C’est notre commerce. On va vivre de quoi maintenant?», s’interrogent ces «cambistes» qui ne voient pas ce qu’ils ont fait d’illégal. Et pour cause, cette activité illégale est tolérée depuis des décennies par les autorités qui voient le vide qu’elles ont laissé «combler» par ces commerçants d’un autre genre. «On nous a laissé faire pendant des années. C’est notre métier. Les services de sécurité ne nous ont jamais embêtés. Il y a des règles non écrites que l’on suit et basta! notre commerce roule», souligne un autre «cambiste» avant de nous éclairer sur ces règles à suivre. «On ne doit jamais vendre de faux billets. On doit contrôler le marché pour que ces faux billets ne le pénètrent pas. Et on doit protéger nos clients», atteste-t-il en soutenant que ces «règles» leur ont permis de gagner la confiance des autorités et des clients. «On traite avec les citoyens lambda, avec les entreprises et même de hauts responsables via leurs sous-titres», précise-t-il avant d’avouer que les gros clients ils les recevaient chez lui. «Il m’appelle je leur prépare leur argent. Ils viennent chez moi. Pas besoin qu’ils viennent au square», soutient-il.

Utile malgré tout…

Ce jeune qui certifie qu’on lui a saisi «30.000 euros et 250.000 dinars» qu’il cachait dans sa voiture à proximité de son lieu de «travail» admet qu’il lui reste encore des devises bien cachées à la maison. «On va attendre que la situation se calme. On va augmenter les taux de change avec l’offre qui est faible. On va ainsi essayer de rattraper notre manque à gagner», réplique ce spécialiste du change qui semble déjà s’être remis de ses émotions et avoir terminé d’élaborer son «business plan». Ce qui n’est pas le cas de tout le monde! D’autres parmi ses camarades ne se sont pas remis du choc.

Certains ne pipent pas un mot alors que d’autres sont à la menace! «Que va t-on devenir? On a des bouches à nourrir. On n’aura plus le choix que de se mettre au vol ou prendre la direction des maquis pour rejoindre Daesh», peste un autre jeune à qui la colère semble faire perdre la tête. Les citoyens curieux ou venus spécialement acheter leurs devises ont aussi exprimé leur colère. «C’est quoi ce pays? C’est vrai qu’il faut se débarrasser de ce marché informel qui plombe l’économie mais pas de cette façon. Les autorités doivent prendre des mesures parallèles en intégrant ces jeunes dans le formel et en assurant aux citoyens une meilleure allocution touristique», s’insurge Abdelkader qui ne comprend toujours pas comment on peut laisser les citoyens voyager avec 130 euros. «C’est de la folie. Tant que les autorités n’ont pas revu cette allocation, la bourse du square doit exister. Elle est utile pour tout le monde…», conclut-il avec une logique qui est la même que celle exprimée publiquement par l’ex-ministre de l’Intérieur, Daho Ould Kablia. Nous quittons le square, laissant derrière nous des «cambistes» en colère mais déterminés à retrouver leur «bourse» ou en ouvrir une autre…pourquoi pas la vraie Bourse d’Alger, qui elle contrairement à l’informel ne sert à rien…