En janvier dernier, le ministre des Finances Karim Djoudi faisait le constat que le « marché des actions ne fonctionne pas du tout » en Algérie. Depuis, rien n’a changé. La Bourse d’Alger ne fait presque pas partie du paysage financier national alors que les PME ont besoin de financements.
Des mesures de facilitation d’entrée en Bourse pour les PME ont bien été annoncées. Sans suite. Mauvaise gouvernance, délitement de la situation des PME et surliquidités figurent parmi les raisons invoquées ici et là pour justifier une situation plutôt grotesque.
»Nous attendons beaucoup à ce que les opérateurs économiques publics et privés entrent sur le marché de la Bourse, surtout que nous allons leur accorder plus de facilitations », avait déclaré le ministre lors d’une session à l’APN en janvier dernier. Depuis, rien n’est venu. La Bourse d’Alger ronronne avec seulement trois titres, deux publics (Saidal et El Aurassi) et un privé (Alliance Assurance). La capitalisation de ces trois titres, qui avait démarré en 1997, est inférieure à 0,1% du PIB. La très officielle Société de Gestion de la Bourse des Valeurs Mobilière (SGBV) d’Alger est, en réalité, la plus petite place boursière d’Afrique et de la région Mena. Fin 2011, la capitalisation boursière des trois titres de la bourse d’Alger n’a été que de 15 milliards de DA (un peu moins de deux milliards de dollars), contre 7,9 mds de DA en 2010 pour les deux titres El Aurassi et Saidal. Les 14 places boursières arabes représentent une capitalisation globale de 900 milliards de dollars. La bourse du Caire, par exemple, compte 300 sociétés pour une capitalisation de 86 milliards de dollars. La bourse de Casablanca, qui a deux indices (Masi et Madex) compte 76 sociétés avec un marché brassant en moyenne 60 milliards de dollars ( 67% du PIB du Maroc) alors que la bourse de Tunis compte, elle, 52 sociétés avec une valeur de 10 mds de dollars ( 24% PIB).
Un coup d’épée dans l’eau
Les modifications apportées au règlement général d’entrée en bourse envisagées pour les PME n’ont rien apporté de nouveau. Ces mesures portent notamment sur un marché principal réservé aux grandes entreprises et un compartiment dédié aux PME, qui seront accompagnées d’un promoteur en bourse et un marché de blocs des obligations assimilables du Trésor (OAT). Les nouvelles conditions d’admission pour les grandes entreprises ont permis la révision du capital minimum libéré dont la valeur a été portée à 500 millions DA au lieu de 100 millions DA, et le nombre de souscripteurs a également été revu à la baisse, soit150 actionnaires et non plus de 300 actionnaires. L’objectif du ministère des finances est clair: ces modifications devaient inciter les PME de grande et moyenne envergure d’intégrer le marché boursier pour trouver des sources de financement durables, au lieu de recourir à l’endettement ou aux prêts bancaires à fort taux d’intérêts. Mais, les PME n’ont pas intégré la bourse d’Alger. Pourquoi?
Surliquidités, désintérêt des banques
Selon des patrons de PME, les entreprises algériennes ne sont pas intéressées par l’entrée en bourse pour s’autofinancer, puisque le marché nage pratiquement sur les surliquidités. Sous le couvert d’anonymat, un patron de PME a estimé que le taux d’intérêt des banques pour les crédits importants zappe pratiquement l’envie des PME d’aller au marché financier chercher des financements. »Il y a également l’offre des banques qui croulent de surliquidités. Cela décourage les PME de chercher des moyens de financements moins classiques’ »‘, ajoute t-il. Des experts citent également le climat exécrable des affaires en Algérie qui lamine toute velléité des PME, et même des grandes entreprises publiques à entrer en bourse et ouvrir leur capital. Le fait est que le Forum des chefs d’Entreprises compte à lui seul près de 500 entreprises avec un chiffre d’affaires annuel qui dépasse les 14 milliards de dollars. Et, jusqu’à présent, le FCE reste en dehors »du coup ». Classée parmi les derniers »de la classe » par la Banque mondiale en matière de climat des affaires, l’économie algérienne reste en effet très peu incitative pour les PME. Car il y a en Algérie très peu de grands projets d’investissement, et cela met un »bémol » à la demande de financement de ces PME, selon des économistes cités par la presse.
Constat d’échec
Pour le Dr. Omar Berkouk, expert financier international, »on constate aujourd’hui que grandes entreprises publiques, Sonatrach et Sonelgaz, et bon nombre de grandes entreprises privées qui ont des capacités managériales indéniables, ne sont pas cotées en Bourse ». Dans une déclaration au quotidien L’Expression, il a précisé que »cela est dû (…) à l’opacité et la faiblesse des managements stratégiques liés à la faiblesse de la gouvernance globale ». »Deux facteurs, a t-il ajouté, qui ne militent donc pas pour l’instant pour une dynamisation de la Bourse d’Alger ».