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Il aura fallu toutes les capacités de persuasion de l’ONU et les réquisitoires de nombreuses ONG pour contraindre la Birmanie au dialogue avec le Bangladesh, ouvrant ainsi la voie à une feuille de route qui prévoit le rapatriement de 2251 Rohingyas à partir du 15 novembre.
Prenant en compte les pressions et les attendus de la communauté internationale, le gouvernement birman a fini hier par annoncer sa «disponibilité» pour accueillir les réfugiés Rohingyas actuellement entassés dans les camps de fortune, au Bangladesh, tout en pointant du doigt ce pays au cas où un quelconque retard serait observé dans l’acheminement des membres de la minorité musulmane. Faisant abstraction des craintes légitimes de la majorité des réfugiés, convaincus que le génocide dont leur peuple est victime pourrait perdurer sous différents prétextes, les dirigeants birmans se disent «prêts» et détaillent même les modalités du rapatriement en demandant au gouvernement du Bangladesh «de s’assurer que les délais seront respectés» et que tout retour s’effectuera sur une base volontaire.
Il aura fallu toutes les capacités de persuasion de l’ONU et les réquisitoires de nombreuses ONG pour contraindre la Birmanie au dialogue avec le Bangladesh, ouvrant ainsi la voie à une feuille de route qui prévoit le rapatriement de 2 251 Rohingyas à partir du 15 novembre, selon un rythme de 150 personnes par jour. Ce chiffre est évidemment à comparer avec celui des 720.000 Rohingyas qui ont été contraints de fuir le génocide birman exécuté à la fois par l’armée et les milices bouddhistes dans l’Etat de Rakhine. Un génocide dont l’objectif évident était de chasser l’ensemble de la minorité musulmane de ses terres malgré une présence apatride et dans des conditions particulièrement inhumaines. Les exactions ont été telles qu’ils ont fui par milliers, et dans des conditions effroyables, les attaques meurtrières, les viols et les exécutions sommaires condamnées par une commission d'(enquête de l’ONU et par l’ONU elle-même qui reconnaissent un véritable «génocide».
Cette opération de «rapatriement» inquiète au plus haut point les ONG et, déjà, 42 d’entre elles, dont Oxfam, Save the Children et Handicap International ont lancé un appel pour dénoncer le projet, indiquant que les Rohingyas sont «terrifiés» à la seule idée de se retrouver de nouveau en Birmanie, sans garantie aucune. Les Rohingyas craignent en effet de quitter les camps du Bangladesh pour se retrouver dans ceux de l’Etat de Rakhine, à l’ouest de la Birmanie. Or, 120 000 d’entre eux y sont cantonnés depuis le début du nettoyage ethnique, alors que l’armée et les autorités civiles birmanes s’efforcent d’empêcher coûte que coûte les ONG et les médias d’y accéder pour découvrir les conditions extrêmement précaires dans lesquelles se trouvent ces dizaines de milliers d’otages.
C’est ainsi que la rapporteuse spéciale de l’ONU pour la Birmanie, Yanghee Lee, a mis l’accent sur la peur des Rohingyas pour reconnaître aussitôt qu’ils sont réellement et toujours «exposés à un risque de persécution élevé». Preuve que la réaction de la communauté internationale a beau être sévère verbalement, rien ne changera en fin de compte tant que des sanctions pénales ne seront pas prises à l’encontre des criminels de guerre qui sont à la source et dans la mise en oeuvre du génocide. En outre, les mêmes autorités birmanes qui ont maintenu pendant des années, et dans l’ignorance la plus complète de la communauté internationale, le peuple Rohingya, sans droit à la citoyenneté, à l’éducation et aux soins, ne doivent-elles pas répondre de ce qui s’apparente à un crime de guerre? Rien de plus légitime, dés lors, si les Rohingyas réclament comme une des garanties préalables la délivrance d’une preuve de citoyenneté, de façon à sortir du néant apatride dans lequel la junte militaire longtemps au pouvoir les a constamment confinés, et ce depuis 1982.
En accueillant plus d’un million de ces réfugiés sur son sol, le Bangladesh, pays parmi les plus pauvres du monde, est en train de crouler sous la charge de cet exode imprévu. Et la Birmanie ne cesse de louvoyer en avançant toutes sortes de prétextes pour maintenir le statu quo, tout en faisant porter la responsabilité du «bocage» par le pays voisin. Pendant ce temps, Aung San Suu Kyi, prix Nobel de la paix et chef de facto du gouvernement birman, va poursuivre à Singapour, lors d’une réunion de l’Asean (Association des Nations d’ Asie du Sud-Est) son discours falsificateur.