Prix instables, insuffisants pour les fellahs. Surproduction. La pénurie de pomme de terre a disparu en Algérie. Mais l’abondance a généré de nouvelles difficultés, plus complexes à gérer.
L’Algérie a gagné une première manche dans la « bataille » de la pomme de terre. Côté production, une politique d’aide massive menée sur plusieurs années en direction des fellahs a permis de mettre fin aux pénuries. Mais le succès obtenu a créé de nouvelles contraintes.
Traditionnellement, le marché algérien connait connaît une pénurie de pomme de terre, avec une forte tension sur les prix, en octobre-novembre, puis en mars-avril. Il y a trois ans, les prix avaient même atteint la barre symbolique de cent dinars le kilo. Le gouvernement a été contraint de recourir à des importations en toute hâte, en supprimant notamment les taxes, en vue de casser les prix.
En ce mois d’octobre 2013, la pomme de terre est disponible, en quantité suffisante, et à un prix très bas. « Trop bas », disent les fellahs, contraints de la céder à moins de vingt dinars le kilo. Car entretemps, le gouvernement a mis en place le Syrpalac, un système de régulation pour stocker la production de mai-juin et celle de décembre-février. Les propriétaires de chambres froides achètent le produit à 22 dinars, et le revendent au prix du marché. En cas d’effondrement des prix, l’Etat compense le manque à gagner.
Le résultat a été immédiat : les chambres froides ont été inondées par une production qui a enfin trouvé preneur. Mais l’abondance a un revers : le prix s’est effondré. « On n’a pas vendu un seul kilo à plus de vingt dinars depuis plusieurs mois », affirme le propriétaire d’une chambre froide à Blida, alors qu’on est en période creuse.
Une production étalée sur plusieurs mois
D’autres facteurs ont participé à cette abondance, notamment l’extension géographique, et la possibilité désormais offerte de planter la pomme de terre sur une longue période de l’année. Jusqu’aux années 2.000, quelques wilayas seulement étaient réputées pour leur production de pomme de terre, comme Mascara et Aïn Defla. Désormais, c’est tout le pays qui en produit. Et de nouvelles régions ont fait une entrée en force, comme Biskra, El-Oued, Mostaganem, Bouira et Tiaret.
En outre, la production, qui était limitée à deux périodes de l’année, s’est progressivement étendue pour englober huit à neuf mois. Initialement, planter la pomme de terre se limitait à des périodes très limitées, janvier-février et septembre-octobre, pour des récoltes en mai-juin et décembre-janvier. L’évolution des techniques et le changement climatique ont bouleversé ces données. Actuellement, la culture de la pomme de terre est devenue possible même en été. Certaines régions des Hauts-Plateaux, comme dans la wilaya de Tiaret, se sont spécialisées dans ce créneau. Plantée au début de l’été, le tubercule passe tout l’été sous le sol, où il est conservé naturellement. Récoltée au début de l’automne, la pomme de terre arrive sur le marché, précisément au moment de la pénurie.
Importations massives de semence
Ces succès demeurent toutefois insuffisants, et ont généré de nouvelles difficultés. L’abondance de la production a débouché sur une situation inédite. Les chambres froides sont pleines, et les fellahs ne trouvent plus preneur pour leur production. Contraints de l’écouler rapidement, ils provoquent eux-mêmes leur ruine, en inondant le marché, ce qui pousse les prix vers le bas. La chute des prix risque ainsi de provoquer une désaffection des fellahs.
Par ailleurs, l’Algérie ne sait pas exporter le surplus. Des tentatives ont été menées vers l’Espagne et la France, ainsi que vers la Tunisie, mais il s’agissait d’opérations ponctuelles. Les exportateurs algériens ne maitrisent ni les circuits, ni les réseaux.
Autre handicap, la semence de pomme de terre est en grande partie importée. La production dite d’arrière-saison est assurée par la semence locale, mais le produit de « première génération » est massivement importé. Des expériences ont été lancées pour maîtriser cette filière, mais les résultats, avec 1.8 millions de quintaux en 2012, ne couvrent que 30% des besoins du pays.