La Banque d’Algérie met en vigueur son règlement anti-corruption: Les fusibles, en attendant les têtes de l’hydre

La Banque d’Algérie met en vigueur son règlement anti-corruption: Les fusibles, en attendant les têtes de l’hydre

Corruption, change parallèle, fuite de capitaux, blanchiment d’argent, et autres malversations financières sont autant de sources d’enrichissement illicite et maux qui gangrènent l’économie du pays depuis des années et qui ne sont pas près d’être éradiqués en dépit de la détermination affichée en haut lieu pour mener une lutte sans merci contre la corruption sous toutes ses formes. Preuve en est le scandale de Sonatrach et tout récemment celui de l’habitat pour ne citer que ceux-là.

Ace propos, le nouveau règlement de la Banque d’Algérie (BA) relatif à prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent est entré en vigueur avant-hier après sa publication au «Journal officiel».

Ce règlement précise que les banques, les établissements financiers et les services financiers d’Algérie Poste doivent se doter d’un programme écrit de prévention, de détection et de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Il doit comprendre, notamment des procédures, des contrôles, une méthodologie de diligence en ce qui concerne la connaissance de la clientèle, des formations appropriées à l’attention de leur personnel, un dispositif de relations (correspondants et déclarations de soupçon) avec la Cellule de traitement du renseignement financier (CTRF).

Toutefois, afin d’éviter de s’exposer à des risques liés à leur clientèle et à leurs contreparties, l’ensemble des établissements financiers doivent veiller à l’existence de «normes internes» en matière de «connaissance de la clientèle», stipule le règlement qui abroge et remplace celui du 15 décembre 2005.

Ainsi, la BA, dans son nouveau règlement, désigne comme client toute personne ou entité titulaire d’un compte bancaire ou postal, les clients occasionnels, les mandataires et les agents agissant pour le compte d’autrui ainsi que toute personne associée à une transaction financière effectuée par l’intermédiaire d’une banque ou autre établissement financier. Les normes relatives à la «connaissance de la clientèle» doivent prendre en charge les éléments essentiels de la gestion des risques et des procédures de contrôle en passant par la connaissance de l’identité et de l’adresse des clients, de l’objet et de la nature de son activité et par la surveillance des mouvements de comptes.

Ce qui exige un «devoir de diligence rigoureux» à l’égard des comptes et opérations pouvant être à risque et «une surveillance vigilante des activités et opérations pouvant être suspectes», avertit la BA qui interdit aux banques et aux établissements financiers d’ouvrir des comptes anonymes ou numérotés. En outre, ces établissements sont tenus de disposer de systèmes de surveillance des transactions permettant de déceler les activités suspectes comme, par exemple, celles qui «n’ont aucune justification économique ou commerciale, qui présentent des mouvements de capitaux démesurés par rapport au solde du compte ou qui sont d’une complexité inhabituelle ou injustifiée».

Pour ce type d’opérations, les banques sont tenues de se renseigner sur «l’origine et la destination» des capitaux ainsi que sur l’objet de l’opération et l’identité des intervenants.

Concernant les virements électroniques, il est demandé aux banques et établissements financiers de veiller à l’identification précise du donneur d’ordre et du bénéficiaire ainsi que de leur adresse. Se voulant stricte et rigoureuse, la BA promet, en cas de défaillance au nouveau règlement, une procédure disciplinaire engagée par la Commission bancaire à l’encontre des banques et établissements financiers et par l’autorité concernée pour ce qui est des bureaux de change et des services d’Algérie Poste. C’est pourquoi, elle sommera l’ensemble des établissements financiers soumis à l’obligation légale de déclaration de soupçon auprès de la CTRF.

Néanmoins, avant d’instaurer ce nouveau règlement, certes louable, n’aurait-il pas fallu mettre en place en amont d’autres mécanismes fiscaux et commerciaux tels que la mise en place de la facture obligatoire dans les transactions commerciales, le paiement électronique, qui faciliteront l’application de ce règlement.

De ce fait, cette démarche de la Banque d’Algérie vient s’ajouter à l’arsenal judiciaire et juridique existant, dont l’Office central de répression de la corruption (OCRC) inauguré le 3 mars dernier à Hydra par le ministre des Finances, l’adoption à l’APN en septembre 2010 du projet de loi complétant la loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption, qui avait justement prévu la création de l’OCRC, et qui vraisemblablement ne semblent pas suffisant pour lutter contre les nouvelles formes de corruption et de blanchiment d’argent. Les «cambistes» du square Port Saïd, ceux du marché Clausel à Alger-Centre ainsi que ceux d’Hydra, pour ne citer que ceux là, activant en toute tranquillité au vu et su de tous, sont autant de canaux susceptibles de constituer des filets de blanchiment d’argent qui viendront se greffer à ceux de la drogue et de la contrebande.

L. N. B./APS