L’affaire des ONG américaines accusées de mener des activités politiques illégales en Egypte « résume les problèmes et les contradictions » des relations entre les Etats-Unis et l’Egypte qui veut avoir un autre type de rapports dans le sillage des bouleversements politiques en cours, s’accordent à affirmer plusieurs analystes américains.
« La détérioration de la relation entre les Etats-Unis et l’Egypte était inévitable » après le soulèvement populaire qui a renversé l’ex-président Hosni Moubarak, soutient M. Steven Cook, spécialiste des questions du Moyen-Orient au Think tank Council on foreign relations (CFR).
Alors que la situation en Egypte est instable et incertaine, observe cet expert, cette affaire des ONG suggère que les hauts responsables militaires et même des milieux politiques égyptiens « trouvent intérêt dans ce bras de fer avec les Etats-Unis, même en sacrifiant l’aide américaine de 1,3 milliard de dollars accordée annuellement qui, d’ailleurs, ne représente plus grand-chose depuis longtemps ».
En effet, explique-t-il, lorsque cette aide financière commençait à être versée à l’Egypte à partir des années 1980, « l’économie égyptienne n’était pas aussi développée qu’elle ne l’est maintenant ». En outre, beaucoup d’Egyptiens considèrent que leur pays doit s’affranchir, désormais, de cette aide perçue comme un levier de l’ingérence américaine, ajoute-t-il.
Selon un sondage de Gallup, 70% des Egyptiens disent s’opposer à l’aide économique américaine que Washington menace de suspendre en cas de poursuites judiciaires contre ses ONG.
Qui plus est, souligne pour sa part James Lindsay, vice-président du CFR, « la gratitude n’étant pas l’objectif principal de l’aide étrangère américaine, Washington accorde avec parcimonie ses aides principalement basées sur des calculs sur la façon de faire avancer ses intérêts stratégiques ».
Les Etats-Unis, poursuit-il, « ont certainement de grands intérêts en jeu dans la façon dont la transition politique se déroule en Egypte ».
Rappelant que les Etats-Unis avaient parrainé le traité de paix de 1979 entre Israël et l’Egypte, en contrepartie de la restitution de tous les territoires qu’elle avait perdus durant la guerre d’octobre 1973 couplée à une aide extérieure de plus d’un milliard de dollars par an, M. Cook soutient que contrairement aux apparences, les Etats-Unis et l’Egypte « étaient loin d’être les meilleurs amis ».
Selon lui, ce traité de paix est considéré très différemment en Egypte qu’il ne l’est aux Etats-Unis: « l’Egypte n’a pas connu la prospérité qui lui avait été promise dans le sillage du traité, et les Israéliens n’ont jamais tenu parole à propos de l’engagement de négociations sérieuses avec les Palestiniens, qui faisaient pourtant partie des Accords de Camp David en 1978. » Les Egyptiens « voient ce traité comme la paix de la honte », estime-t-il.
Dans l’Egypte post-Moubarak qui est plus ouverte qu’auparavant, « ces points de vue et ces sentiments à l’égard des Etats-Unis sont plus susceptibles de se faire sentir dans la politique égyptienne ».
En fait, note M. Cook, l’affaire des ONG « résume les problèmes et les contradictions » de la relation entre les Etats-Unis et l’Egypte post-Moubarak et même d’avant le soulèvement.
« Cette relation, qui tenait sur beaucoup de promesses, avait été bâtie sur de solides bases stratégiques pour empêcher la pénétration soviétique dans la région, élargir le cercle des efforts de paix israélo-arabes, et aider les Etats-Unis dans le cas d’un conflit dans le Golfe persique », soutient-il.
Or, note-t-il, ces motifs qui soutenaient cette relation « n’existent presque plus ».
Qui plus est, le bouleversement et le processus politique en cours en Egypte « ne se prêtent pas au même genre de relation stratégique que les Etats-Unis ont eue avec ce pays au cours des trente dernières années. »
L’Egypte post-Moubarak, estime-t-il, veut avoir un autre type de rapports avec les Etats-Unis « qui feraient bien de réfléchir sur la façon de revoir » les relations bilatérales.