Le ministre des Finances, Karim Djoudi, a finalement frémi en décidant d’installer une commission interministérielle pour la révision du Code des investissements.
Il était temps ! Il était temps d’établir des mesures efficaces pour protéger l’économie nationale et de moraliser l’investissement dans un pays qui s’est transformé en eldorado des arnaqueurs.
Des concessionnaires automobiles dont certains se comportent en terrain conquis dans l’un des marchés les plus florissants d’Afrique.
Le cas de Renault est édifiant à ce titre: ce concessionnaire détient plus de 40% du marché sans la moindre redevance pour l’Algérie.
Plus grave encore, quand il s’est agi d’un investissement direct, ce concessionnaire a préféré installer son usine de montage au Maroc au lieu de l’Algérie.
Des sociétés intervenant dans les services ont acquis des marchés et des grands projets dans lesquels ils amassent des centaines de millions de dollars annuellement sans la moindre contrepartie pour le pays. Ni réinvestissement ni emploi. Pourtant, tel n’est pas le cas dans d’autres pays.
Chez nos voisins tunisiens par exemple, il est exigé aux sociétés étrangères d’avoir la moitié des effectifs de nationalité tunisienne.
De même que ces sociétés sont obligées de réserver une quote-part aux Tunisiens dans le staff dirigeant et voire de réserver le poste de directeur général adjoint à un Tunisien.
Que fait l’Etat algérien pour ses cadres dans ce domaine ? Rien, sinon de les laisser filer vers d’autres horizons pour faire le bonheur des multinationales.
Où est le transfert de technologie et la formation des ressources humaines ? Pour avoir une idée précise sur l’ampleur du drame, prenons l’exemple du marché de la publicité.
En Algérie, ce marché représente une cagnotte de 180 millions de dollars et il est presque entièrement dominé par des entreprises à capitaux étrangers.
Non seulement ces agences à capitaux étrangers brassent des milliards de dollars mais elles transfèrent aussi annuellement des sommes importantes au titre des bénéfices qu’elles réalisent.
Agissant dans un désert juridique, ces sociétés gèrent les gros budgets publicitaires de la plupart des grands groupes étrangers implantés en Algérie et de plusieurs entreprises privées algériennes.
Qu’attendent les pouvoirs publics pour stopper la saignée et réfléchir aux moyens d’endiguer cette influence et mieux gérer le marché de la publicité ?
Pourquoi les responsables en charge du dossier n’actualisent-ils pas le cadrage juridique de la publicité en Algérie afin d’être en conformité avec les normes universellement admises ?
Car dans ces milliards qu’elles gagnent, ces sociétés n’investissent que des sommes dérisoires. Il faut reconnaître qu’il existe bel et bien un dysfonctionnement et qu’il y a un réel besoin de moraliser l’investissement.
On s’interroge alors sur l’utilité des investissements étrangers directs financés à près de 80% par des banques publiques algériennes et dont la majorité est toujours détenue par le partenaire étranger avec à la clé des exonérations fiscales et parafiscales sur plusieurs années.
Selon un rapport du Conseil national économique et social (Cnes) sur l’état économique du pays depuis ces deux dernières années, l’Algérie n’a attiré qu’un milliard de dollars d’investissements directs étrangers (IDE) alors que, selon des chiffres de la Banque d’Algérie, le montant des transferts des bénéfices de ces sociétés étrangères a été estimé à plus de 6 milliards chaque année.
L’épisode de la vente de la filiale algérienne de production de ciment du groupe égyptien Orascom Telecom au français Lafarge, a tiré les autorités de leur sommeil pour décider enfin de suivre de plus près le dossier des investissements étrangers directs.
Comment se fait-il que des grandes entreprises arrivent à arracher des grandes parts de marché et ne créent que des Eurl, c’est-à-dire qu’elles coupent le cordon ombilical avec la société mère dans le cas où l’affaire ne marcherait pas ? Selon les dernières statistiques, il y a 1 623 importateurs étrangers établis en Algérie.
Ces importateurs étrangers ont fini, par constituer une véritable faune qui s’adonne au pillage de l’Algérie parce que les décideurs brillent par ignorance et laissé le pays en jachère.
C’est quoi ce pays avec une pareille porosité où des Libanais viennent nous importer des voitures chinoises ?
Cela, quand ils ne s’adonnent pas à l’arnaque dans laquelle certains d’entre eux sont de notoires spécialistes.
Mais enfin, c’est quoi ces lois qui autorisent l’importation des carottes râpées, de la mayonnaise, des pastèques et des fleurs? L’affaire de la vente de villas situées dans d’autres pays par des étrangers, dont des Libanais, par la formule du time-share, interdite en Algérie, suscite à nouveau des interrogations quant à la nature des activités des citoyens d’autres nationalités chez nous.
Pourtant, ce ne sont pas les formules légales d’activité qui manquent. Pour preuve, de nombreux ressortissants étrangers n’ont aucun mal à solliciter le Centre national du registre du commerce, lorsqu’ils sont en situation régulière, pour obtenir une autorisation de monter une affaire.
Il n’y a pas d’écueil particulier à ces activités, y compris dans des secteurs protégés ailleurs comme celui du commerce extérieur. Alors basta ! Arrêtons le massacre !
Brahim TAKHEROUBT