«Les cadres de l’appareil judiciaire et administratif sont incompétents, régionalistes et corrompus.»
L’Algérie n’a pas de cadres compétents dans ses appareils administratifs et judiciaires. L’Algérie a besoin d’une justice de qualité. Elle a même besoin de former ses magistrats et ses avocats pour consacrer et promouvoir les droits de l’homme.
Ces constats ressortent de la conférence animée hier au Centre de recherche sécuritaire et stratégique (Crss), à Ben Aknoun (Alger), par Me Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative pour la protection et la promotion des droits de l’homme (Cncppdh).
S’exprimant à l’occasion de la Journée mondiale des droits de l’homme devant une assistance nombreuse composée essentiellement de cadres universitaires, le président de la Cncppdh a déclaré: «Aujourd’hui, la carte de visite d’un pays est jugée selon le degré de promotion des droits de l’homme», en notant que les Etats sont les prédateurs des droits de l’homme et en même temps ils en sont les protecteurs. Abordant le cas de l’Algérie en matière de respect et de consécration des droits de l’homme, l’invité du Crss a fait savoir que l’Algérie compte l’une des législations les plus modernes en matière de textes de lois. Néanmoins, il regrette le fait que ces lois ne soient pas appliquées et respectées par l’Administration, elle- même. «L’appareil judiciaire et administratif ne respecte pas les lois en vigueur.
Les cadres qu’on y trouve sont incompétents, régionalistes et corrompus», se désole Me Ksentini, avant de faire remarquer qu’en Algérie l’on a fait de la bureaucratie, un art. Ne s’arrêtant pas là, le conférencier a soutenu que «les dactylographes des années 1960, hissés au rang de juges par besoin, ont le bon sens et rendaient des jugements plus équitables que les juges d’aujourd’hui». C’est dire que Farouk Ksentini exerçant sa fonction d’avocat, depuis la fin des années 1960, vient de battre en brèche et remettre en cause les déclarations du ministre de la Justice, Tayeb Belaïz qui affirmait l’autonomie de la justice et son intégrité, vendredi dernier, à l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre la corruption.
Se voulant critique à l’égard de ses collègues activant dans d’autres organismes de défense des droits de l’homme, Farouk Ksentini a lancé des fléchettes contre les militants de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (Laddh) en précisant que la promotion des droits de l’homme ne se fait pas par la voie de la contestation et à l’extérieur des rouages de l’Etat. Bien au contraire, dit-il, elle se fait à l’intérieur de l’Etat en faisant dans la conviction et la mobilisation permanente.
«Il faut pousser l’Etat de l’intérieur pour qu’il consacre les droits de l’homme et non de l’extérieur comme le prétendent certaines parties», indique-t-il, convaincu. En se basant sur son expérience à la tête de la Cncppdh depuis sa création en 2001, Me Ksentini a fait savoir que depuis 2000 l’Algérie a enregistré une avancée notable en matière des droits de l’homme. Et il en veut pour preuve les déclarations du président de la République insistant sur la promotion et le maintien d’un Etat de droit. Pour ce faire, il a avancé que le chef de l’Etat a gracié par décret présidentiel 100 condamnés à mort en 2001. Une telle décision de M.Bouteflika témoigne, selon Me Ksentini, de la volonté des hautes autorités du pays à promouvoir les droits de l’homme et à en donner l’exemple.