Le président de la CNCPPDH juge “absolument nécessaire” d’en finir avec le privilège du parquet si l’on veut “que soit menée à bien la réforme de la justice” tant l’égalité devant la loi est “une garantie essentielle à la sécurité des justiciables et à l’impartialité des décisions de justice”.
Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’Homme (CNCPPDH), Farouk Ksentini, veut en finir avec le privilège dont jouit le Parquet algérien qui désigne à sa guise les juges dans les affaires de justice, qualifiant cette pratique d’“atteinte aux droits de la défense”.
“Cette pratique à laquelle il est recouru depuis toujours est une véritable atteinte aux droits de la défense et dont il est absolument nécessaire de s’écarter”, a-t-il dénoncé dans un communiqué rendu public hier. Se basant sur “une règle non écrite mais dont personne ne conteste le bien-fondé”, Me Ksentini a estimé qu’“il ne peut appartenir aux parties aux procès de choisir elles-mêmes la personne de leurs juges, unique ou collégiaux, par quelque procédé ou manœuvre que ce soit”. Une règle que n’a toutefois jamais observée le Parquet algérien qui, “à l’occasion de l’enrôlement des affaires dont il est le seul à décider de leur fixation”, a toute latitude d’“élire le ou les juges qu’il préfère en l’état de l’existence de plusieurs chambres pénales dans une même juridiction”. Pour le président de la CNCPPDH, rien ne peut justifier un tel privilège dont jouit le parquet qui n’est qu’une partie dans un procès. D’autant plus que cet état de fait constitue, ajoute-t-il, une source de “discrimination entre les magistrats du siège divisés entre ceux qui plaisent au Parquet et ceux qui lui plaisent moins”. La solution ? Les affaires doivent être “enrôlées et distribuées aux magistrats du siège selon leur ordre chronologique d’arrivée”, estime Me Ksentini. Ainsi, “les parties au procès ne pouvant désigner leurs juges comme elles désignaient leurs avocats” et le Parquet n’étant qu’une partie au procès, pour
Me Ksentini il est “absolument nécessaire” d’en finir si l’on veut “(…) que soit menée à bien la réforme de la justice” tant l’égalité devant la loi est “une garantie essentielle à la sécurité des justiciables et à l’impartialité des décisions de justice”.
Question : la loi algérienne interdit-elle formellement au Parquet de désigner des juges ?
Certes, “la loi n’interdit pas expressément au Parquet de désigner le juge. Mais, profitant de ce vide juridique, le Parquet se débrouille pour choisir. Ça fausse tout”, rétorque Me Ksentini, joint hier au téléphone, avant de poursuivre : “Il n’y a aucune raison pour que le Parquet puisse jouir de ce privilège.”
Mais cette liberté accordée au Parquet de décider seul des juges qui siègent dans les affaires n’obéit-elle pas à une volonté d’instrumentalisation de la justice ? Réponse du président du CNCPPDH : “Je ne veux blesser personne. Ce qui m’intéresse, c’est que la chose soit corrigée.”
Reste à savoir si cette revendication quelque peu tardive de dessaisir le Parquet d’un privilège indu n’a pas un lien avec les scandales de corruption portés ces derniers temps sur la place publique. “Non, pas du tout. Le problème est lointain, il ne date pas d’hier”, répond Farouk Ksentini. “Je suis avocat depuis 40 ans, je pense que le temps est venu de mettre fin à cette pratique pour que nous puissions arriver à une justice de qualité sans favoriser une quelconque partie”, explique-t-il.
En tout cas, il compte consigner cette anomalie dans le rapport annuel de sa Commission tout comme il promet de saisir le nouveau ministre de la Justice sur cette question.
A. C