Ksentini à propos des disparus «L’Etat est responsable mais pas coupable»

Ksentini à propos des disparus «L’Etat est responsable mais pas coupable»

Farouk Ksentini est intervenu hier sur les ondes de la Radio nationale sur un sujet particulièrement délicat et «douloureux». Il s’agit du dossier des personnes disparues durant la décennie noire, et pour lequel les familles concernées continuent à réclamer que la lumière soit faite. Ce sujet n’est pas fortuit, puisque Farouk Ksentini devait rencontrer hier le Haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’Homme, Mme Navanethem Pillay présente

à Alger depuis lundi dernier pour s’enquérir de la situation des droits de l’homme en Algérie, particulièrement sur celle «des personnes disparues durant la décennie noire 1992-2002».

A ce sujet, le président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l’Homme (CNCPPDH), Me Farouk Ksentini, a assuré n’avoir rien à «cacher» à  la représentante de l’ONU. «Nous n’avons strictement rien à cacher et sommes prêts à fournir à notre  interlocutrice toutes les informations qu’elle demande», a-t-il déclaré. Sur cette lancée, le président de CNCPPH dira qu’«en matière de disparitions, l’Etat est responsable mais n’est pas coupable». Et de défendre : «L’Algérie était en train de lutter contre le terrorisme. Ces disparitions n’étaient pas voulues ou organisées par l’Etat, ce sont des agents de l’Etat qui ont eu un comportement illicite». Il a toutefois reconnu que durant la décennie noire et dans le cadre de la lutte antiterroriste, il y a eu «des dépassements», mais que les disparitions n’étaient pas voulues ou organisées par l’Etat, mais  c’était plutôt l’œuvre d’agents de l’Etat qui «ont eu un comportement illicite». Néanmoins, il estimera que même si la plus grande partie de la solution a été trouvée, ce dossier n’est pas «clos», et qu’il y a «peut-être des dispositions complémentaires à apporter».  Par ailleurs, il rappellera que les familles des 6 146 disparus ont accepté des compensations initiées par la Charte pour la réconciliation nationale, adoptée par référendum en 2006 pour tourner cette page noire. En outre, Ksentini fera savoir que «la réhabilitation des disparus» reste l’essentiel pour les familles qui veulent que ces derniers ne soient pas confondus avec des terroristes. «Ce qui est extrêmement important pour eux et pour leur descendance». Il considère également qu’il y a lieu d’«envisager un statut pour les familles des disparus et même une journée nationale des disparus». Assurant que 95% de ces familles «ont apporté leur approbation au principe de l’indemnisation» et «ont tourné la page», il a estimé, par ailleurs, qu’uniquement un «noyau» continue de demander d’autres dispositions. S’agissant des chiffres réels de ces personnes disparues que certains estiment entre 30 000 et 18 000, les autorités algériennes évaluent le nombre de disparus à environ 7 200. Et c’est d’ailleurs ce chiffre que donnera le président de la CNCPPH, disant que cette statistique est celle donnée par la Gendarmerie nationale parmi lesquels 6 146 dossiers sont déjà remis à sa commission. «Maintenant les parties qui prétendent que ce nombre est plus élevé n’ont qu’à nous fournir des noms et des dossiers», lancera-t-il. Et d’expliquer : «il y avait le chiffre de 18 000 ainsi que celui de 30 000 qui avaient été avancés sans donner des noms et des dossiers». «Il fallait nous donner les requêtes de leurs familles pour  les examiner. Jamais des documents ne nous ont été présentés. Il n’y a absolument aucune raison pour que nous puissions douter des chiffres établis par les services de la Gendarmerie nationale, qui sont des chiffres fiables». A noter que selon des ONG algériennes, 25% des familles ont refusé cette indemnisation et celles qui l’ont perçue ont malgré tout besoin des corps pour pouvoir faire leur deuil. D’ailleurs, elles manifestent de manière récurrente pour réclamer la   vérité sur ces disparitions. L’Algérie est signataire depuis le 6 février 2007 de la Convention internationale contre les disparitions forcées. Interrogé sur les déportés dans le Sud algérien estimés entre 5 000 et 18 000 et considérés comme les exclus de la Charte, Me Ksentini, dans un premier temps, déplorera que le rapport Issad, élaboré et transmis au chef de l’Etat sur ce sujet, ait été mis aux oubliettes, estimant qu’il est grand temps de s’y référer. Ensuite, Me Ksentini rassurera : «Ce sont des gens qui ont été détenus et déportés pendant plus de deux années et qui ont subi  des préjudices matériels et moraux qui nécessitent réparation… le principe même de la Charte c’est de ne laisser personne en bord de route». «Je pense que l’Etat ne faillira pas à son obligation de réparation», conclura-t-il.

Par Lynda Naili Bourebrab