Les mobiles de ces enlèvements, qui ne sont pas l’œuvre de réseaux criminels, sont l’abus sexuel, la vengeance familiale, la demande de rançons et le règlement de comptes.
Onze cas de kidnappings d’enfants suivis d’assassinat ont été enregistrés entre 2003 et 2013 sur tout le territoire national, a affirmé, hier à Alger, le directeur de la Police judiciaire et délégué pour l’Afrique au Comité exécutif d’Interpol, Kara Bouhadba. “On ne souhaite ni alarmer ni diminuer de l’ampleur de certains phénomènes criminels. Nos statistiques reposent sur des faits concrets, loin des chiffres astronomiques donnés par certaines publications et Internet”, a précisé le chef de la Police judiciaire lors du Forum de la DGSN organisé par la direction de la communication et des relations publiques au Palais des expositions des Pins-Maritimes. Tous ces cas ont été élucidés, à l’exception du kidnapping, en 2007, d’un enfant de 10 ans à Mascara. Le corps de la victime, qui avait subi des sévices sexuels, a été retrouvé ligoté enterré près d’un cimetière.
“L’enquête est toujours en cours. Il n’y a pas d’affaire classée car à la DGSN, on refuse l’impunité”, a souligné le DPJ. Les mobiles de ces enlèvements sont l’abus sexuel, la vengeance familiale, la demande de rançons et le règlement de comptes. À croire le directeur de la Police judiciaire, ces kidnappings ne sont pas l’œuvre de réseaux organisés. “Dans presque toutes ces affaires, l’agresseur était proche de l’enfant. Une bande criminelle a ses réseaux et ses spécificités. Elle est dotée d’un chef qui a un plan d’action et qui cherche à atteindre des objectifs, ce qui ne s’applique pas à ces cas.” Il estime que plusieurs facteurs peuvent expliquer ces enlèvements d’enfants.
“Nous sommes un pays en plein développement dans tous les domaines. Nous sommes un pays ouvert au monde, qui subit les influences les plus diverses, notamment sur les plans sociologique, culturel et économique. Tous ces facteurs ont une incidence sur la criminalité. C’est une question importante qui mérite une approche sérieuse et rigoureuse, nécessitant le concours de spécialistes et d’universitaires pour engager une réflexion.”
À noter que les statistiques révélées hier ne concernent que les affaires traitées par la police. “Mais on pense que les actes d’enlèvements pris en charge par d’autres services sécuritaires dont la Gendarmerie sont en dessous de nos chiffres, car la Sûreté nationale couvre les zones urbaines où il y une densité de population plus importante.”
M. Bouhadba a indiqué que la justice, la police et la gendarmerie tentent actuellement d’examiner et d’adapter les moyens de lutte et de prévention contre ce phénomène.
“Pour le cas des deux enfants enlevés et tués à Constantine, les recherches ont été déclenchées dès que l’alerte a été donnée. J’ai été informé en temps réel et tous les moyens ont été mobilisés pour les retrouver. Ce sont des questions prioritaires. On ne lésine pas sur les moyens.” Fait troublant : le chef de la Police judiciaire a soutenu hier que les deux garçons enlevés récemment à Constantine ont subi des sévices sexuels, alors que le procureur général de cette ville a déclaré, il y a quelques jours, que ce n’était pas le cas. Interrogé sur cette contradiction entre les données de la police et l’institution judiciaire, Kara Bouhadba a tenté cette explication. “Le procureur général de Constantine a tenu ces propos le jour de l’arrestation des auteurs de l’enlèvement. Il n’avait peut-être pas, ce jour-là, tous les détails.”
Invité par la Sûreté nationale à s’exprimer sur le phénomène du kidnapping, le président de la Fondation nationale pour la promotion de la santé et du développement de la recherche (Forem), Mustapha Khiati, commence par faire son mea-culpa. “On a activé dans le noir, aujourd’hui les données fournies par la DGSN rendent les choses plus visibles”.
La Forem est sans doute l’organisation qui a avancé par le passé les chiffres les plus alarmants sur la question. “Les enfants ne sont pas protégés. La police n’est pas la seule à intervenir. On a tous des responsabilités à assumer”, ajoute Mustapha Khiati. Le président du réseau Nada ne conteste pas, lui non plus, les chiffres de la DGSN, mais tente d’apporter une nuance. “Les statistiques de la DGSN ne reflètent qu’une partie de la réalité de la société. On peut y ajouter le travail, la mendicité des mineurs, la maltraitance.”
Le président du réseau Nada réclame la création d’un observatoire de l’enfance, la promulgation d’une loi relative à la protection de l’enfance et
demande l’installation d’un tribunal spécial pour enfants. “Actuellement, on n’a pas de juges d’instruction, d’avocats, de procureurs spécialisés dans les affaires concernant les enfants. On n’a que des juges de mineurs”, dit-il.
Par ailleurs, les demandes de recherches dans l’intérêt des familles enregistrées par les services de police pour l’année 2012 ont atteint le nombre de 538 cas dont 292 filles. Comparativement à 2011, où il y avait eu 609 cas, l’on relève une baisse de 71 cas, soit un taux de 11,65%.
3 587 enfants ont été victimes de coups et blessures volontaires en 2011. En 2012, ce chiffre a légèrement baissé, totalisant 3 463 cas. Pour les abus sexuels et les mauvais traitements, ils étaient respectivement de 1 728 et 628 cas en 2011, alors qu’en 2012, ils étaient de l’ordre de 1 737 et 470 cas.
Le DPJ a tenu à souligner que le nombre d’enfants délinquants est supérieur à celui d’enfants victimes, citant les statistiques de l’année 2012 durant laquelle la police a recensé 17 mineurs auteurs d’assassinats, 2 870 auteurs de vol, 302 arrêtés pour association de malfaiteurs et 375 autres impliqués dans des affaires de drogue. La tranche d’âge de ces enfants délinquants se situe entre 16 et 18 ans.
N H