Qui arrêtera la progression des forces rebelles du MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad) au nord du Mali ? La question se pose après la prise de Kidal et de Goa par ces forces avec une facilité déconcertante.
Hier, la progression de la rébellion dans le nord du Mali s’accélérait. Les rebelles touaregs du MNLA affirmaient «cerner» Tombouctou, dernière ville du nord du Mali encore contrôlée par l’armée malienne, après s’être emparé samedi de la ville de Gao et « mis fin à l’occupation malienne sur toute la région » .
Au même moment, le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE), junte malienne, a annoncé dimanche le rétablissement de l’ordre constitutionnel et des institutions républicaines « à compter de ce jour ». »Nous prenons l’engagement solennel de rétablir, à compter de ce jour, la Constitution du 25 février 1992 ainsi que les institutions républicaines », indique une
déclaration rendue publique par le CNRDRE au cours d’une conférence de presse à Bamako. Dans la déclaration, le CNRDRE s’est engagé à établir une institution de transition afin d’organiser des élections « pacifiques, libres, ouvertes et démocratiques » auxquelles les membres de la junte ne vont pas prendre part.
Dans un communiqué, le Mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) des rebelles touaregs, « informe que son état-major cerne la ville de Tombouctou pour déloger le reste de l’administration politique et militaire malienne pour le bonheur du peuple de l’Azawad (la région du nord du Mali). Le MNLA vient de mettre fin à l’occupation malienne sur toute la région de Gao par la prise et le contrôle de la ville de Gao ce samedi. (…) La région est désormais sous son contrôle et son administration », ajoute le communiqué mis en ligne sur le site internet du MNLA. Selon des sources concordantes, la ville de Gao est tombée dans la nuit de samedi à dimanche aux mains des rebelles, qui ont investi les deux camps militaires. Le chef de la junte militaire au pouvoir depuis le 22 mars à Bamako, le capitaine Amadou Sanogo, avait ordonné samedi soir à l’armée de «ne pas prolonger les combats», laissant de facto la ville ouverte aux rebelles qui y avaient lancé des attaques dans la matinée. Selon les comptes rendus des agences de presse, plusieurs groupes armés prennent part à l’offensive en cours : le MNLA, le groupe islamiste Ansar Dine du chef touareg Iyad Ag Ghaly, ainsi que des éléments d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi). Le « Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest » (Mujao), une dissidence d’Aqmi dirigée par des Maliens et des Mauritaniens, a également revendiqué sa participation à l’attaque de Gao. Après cette opération, Il semble que même des officiers de haut rang de l’armée malienne, ont rejoint le MNLA. A en croire ce mouvement, le colonel-major Elhadj Ag Gamou, chef de commandement des troupes maliennes de Kidal (Nord-Est) et plusieurs officiers de l’armée gouvernementale ont rallié la rebellion. « Toutes les troupes sous mon commandement, déclarons notre adhésion au MNLA », aurait déclaré le colonel-major, selon un communiqué du groupe rebelle reçu samedi à Bamako. »J’en appelle à l’ensemble des Azawadis à rejoindre et renforcer le Mouvement national de libération de l’Azawad dans sa lutte pour l’indépendance, car il reste aujourd’hui la seule organisation capable de faire sortir notre peuple du gouffre », toujours selon le communiqué. A part le communiqué, le MNLA n’apporte aucune preuve de la défection du colonel-major Ag Gamou. Pour le moment, on n’a aucune réaction officielle à cette supposée défection.
Mise en alerte d’une « force d’intervention » régionale de 2.000 hommes.
Déroute militaire au Nord du pays et totalement isolée sur la scène internationale, la junte, par la voix de son chef, le capitaine Amadou Sanogo, avait déjà jugé vendredi la « situation critique », après les menaces de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) d’imposer un embargo « diplomatique et financier » si l’ordre constitutionnel n’est pas rétabli d’ici lundi. Le ballet diplomatique enclenché à l’échelle régionale pour résoudre la crise malienne n’a laissé d’autre choix aux putschistes que le retour à l’ordre institutionnel pour la préservation de l’intégrité du territoire. Trois représentants de la junte se sont rendus samedi à Ouagadougou, où ils ont rencontré le président burkinabè Blaise Compaoré, médiateur de la Cédéao dans la crise malienne, marquant ainsi le début d’un véritable dialogue entre les mutins et les chefs d’Etat de la région. « Sur les grands principes qui nous ont été demandés, nous disons que nous sommes d’accord « , a affirmé à l’issue de la rencontre le colonel Moussa Sinko Coulibaly, directeur de cabinet du chef de la junte.« Il faut une vie constitutionnelle régulière et normale, et maintenant les modalités pour arriver à ça, c’est ça que nous allons discuter (…) » , a déclaré l’officier, peu avant de repartir pour Bamako. Le chef de la diplomatie burkinabè, Djibrill Bassolé, devait lui aussi se rendre « immédiatement » à Bamako pour rencontrer le capitaine Sanogo et discuter des « modalités de sortie de crise ».Samedi matin, le président en exercice de la Cédéao, le chef de l’Etat ivoirien Alassane Ouattara, a annoncé la mise en alerte d’une «force d’intervention» régionale de 2.000 hommes. L’objectif est de « préserver à tout prix l’intégrité territoriale du Mali », a expliqué le président Ouattara : « Si la légitimité est rétablie et que ces mouvements armés s’aperçoivent qu’il y a une mobilisation régionale et internationale, ils quitteront Kidal tout de suite ». Là où les missions de cette force d’intervention comme ses modalités de déploiement restent bien floues pour le moment : le retour des militaires dans les casernes, où stopper l’avancée de la rébellion dans le Nord. Il semble que les dirigeants des pays membres de la CEDEAO ont inscrit en priorité des missions de cette force d’intervention la préservation à tout prix de l’intégrité territoriale du Mali. Ce sera chose difficile, si l’on en croit les propos de Hama Ag Sid-Ahmed, porte-parole du Mouvement national de libération de l’Azawad qui s’est exprimé dans un site algérien d’information en ligne. « Je pense aujourd’hui que ce peuple, qui a été marginalisé depuis l’indépendance du Mali à ce jour, a le droit à présent de disposer de lui même. Il ne s’agit pas seulement des Touaregs, même si les Touaregs sont les plus présents militairement sur le terrain, ce combat politique concerne l’ensemble des communautés de l’Azawad, entre autres les Touaregs, les Arabes et les Sonrais. Bien entendu, la finalité de cette lutte, c’est l’indépendance, si tel est le souhait du peuple de l’Azawad », a-t-il déclaré.
Par : Sadek Belhocine