La Khizana El-Bikriya, un patrimoine ancestral témoignant d’un essor scientifique dans le Touat

La Khizana El-Bikriya, un patrimoine ancestral témoignant d’un essor scientifique dans le Touat

ADRAR – La wilaya d’Adrar dispose de multiples Khizanate (bibliothèques privées) avec de riches fonds manuscrits, tous domaines de savoir confondus, reflétant l’essor culturel et scientifique qu’a connu la région du Touat.

Jalousement préservée par les générations à travers l’histoire, la richesse du patrimoine manuscrit ancien à travers le territoire national, et le Sud du pays en particulier, n’est pas à démontrer, au regard du nombre de Khizanate appartenant aux particuliers, legs familiaux et d’autres minutieusement entretenus par les zaouïas disséminées à travers le sud du pays.

La Khizana El-Bikriya du vieux ksar de Tamentit (Sud d’Adrar) constitue l’un des plus riches fonds de manuscrits séculaires, témoignant d’un patrimoine scientifique et intellectuel prospère dans cette région du Touat.

Fondée à la fin du 9ème siècle par Cheikh Sidi-Mimoun Ben-Omar, cette Khizana a assumé une mission grandiose dans la propagation des sciences, cultuelles et autres domaines du savoir, dans le Touat et en Afrique, avec ses plus de 3.000 manuscrits, tous domaines confondus, a indiqué le chargé de la communication de l’école coranique El-Bikriya, cheikh Mohamed Djazouli.

La Khizana de l’érudit Sidi-Ahmed Didi a, de son coté, largement et fièrement contribué, après le partage de l’héritage dont les Khizanate font partie, à la préservation du fond culturel matériel riche de quelques 2.500 manuscrits ayant fait l’objet d’entretien et de restauration menés en coordination avec les spécialistes.

Dans une de ses contributions historiques et littéraires suite à sa visite dans la région quelques années avant sa disparition, le défunt historien et chercheur Belkacem Sâadallah a déclaré que « les zaouïas étaient chargées de l’entretien et de la protection des bibliothèques en raison de leurs apports et missions dans le domaine des sciences et du savoir ».

Cette vocation a fait des zaouïas des réservoirs d’ouvrages et de manuscrits de valeur, dont les propriétaires, exploitant les relations du Touat avec la mosquée Karaouiyine et les Ouléma du Maroc, ainsi que ceux de Tlemcen et d’Afrique, pour opérer des échanges et éditer des copies.

Khizana El-Bikriya, un riche fond manuscrit à la disposition des chercheurs

La Khizana El-Bikriya occupe une place de choix parmi les ressources de la science et du savoir, constituant un gisement intellectuel exploré par de nombreuses délégation de chercheurs et d’universitaires venus étancher leur soif de savoir et dénicher des manuscrits de haute valeur, dont d’anciennes éditions du saint Coran, des ouvrages sur le culte, le Fikh (exégèse), les mathématiques, l’astronomie, l’histoire, les sciences juridiques, la linguistique et les recueils poétiques, avec de surcroit une calligraphique d’une grande beauté.

Cette bibliothèque traditionnelle garde encore, outre les ouvrages, d’autres documents, tels les actes notariés et des données détaillés sur les relations sociales dans la région, que les propriétaires veillent à préserver, à l’instar de la plus ancienne copie des œuvres de l’Imam Malek Ben-Aness, fondateur du rite malékite, transcrites, depuis le 5ème siècle de l’Hégire (10ème siècle après JC), sur des peaux de bêtes.

Selon les propriétaires de la Khizana, ce trésor patrimonial séculaire contient également une copie du « Moshaf El-Othmani » (édition ottomane du saint Coran) remontant à plus de 13 siècles sur demande du sultan Yaâkoub Ben-Abdelhak, l’ouvrage intégral de l’érudit Sidi-Ahmed Ben Abi Mâalli Sadjelmassi, en plus d’une copie de « Sahih El-Boukhari » (Hadiths du prophète Mohamed QSSSL) écrite en eau dorée.

A ces œuvres s’ajoutent un manuscrit de valeur, écrit par un des Djounoud (soldats) du Dey sur l’histoire de la colonisation française de l’Algérie, ainsi que des poèmes exhortant les peuples maghrébins au soulèvement contre le colonialisme.

En dépit de sa richesse scientifique et historique, la Khizana El-Bikriya n’a bénéficié, selon ses propriétaires, d’aucun soutien technique lié notamment aux actions de conservation, de restauration et de révision, que seuls les propriétaires entreprennent avec les moyens dérisoires dont ils disposent pour la numérisation et la classification.

Ils fondent, pour cela, de larges espoirs sur les initiatives de la tutelle pour opérer une valorisation de la mission historique et intellectuelle assumée par la Khizana au sein de la société et ses efforts dans la préservation de la mémoire collective du peuple et de sa dimension civilisationnelle ancestrale.

Le Centre national des manuscrits d’Adrar s’emploie, pour sa part, à aider cette Khizana afin de bénéficier du soutien et de l’accompagnement susceptibles d’assurer sa protection.

Le centre souhaite également trouver une coopération des propriétaires de la Khizana pour lui permettre de bénéficier des avantages du fonds national du patrimoine culturel (ministère de tutelle), qui requiert, à ce titre, certaines procédures pratiques afférentes à l’inventaire et à la classification locale et nationale, a expliqué sa directrice, Saliha Laâdjali.