CONSTANTINE- Drapée dans sa m’laya, la démarche nonchalante, khalti Louisa ne passe pas inaperçue dans les rues du centre-ville de Constantine.
Menue avec son accent typiquement constantinois, le « t » étant prononcé et l’intonation au « ralenti », la septuagénaire est un visage familier pour tous ceux qui fréquentent le Théâtre régional de Constantine (TRC).
Toujours au premier rang, une année culturelle durant, elle a assisté pratiquement à toutes les pièces théâtrales présentées, applaudi les spectacles de musique et gagné la sympathie des férus du 4éme art.
Le théâtre, une tradition, une passion
Avec son air angélique et ses yeux d’un vert limpide, khalti Louisa, 73 ans, est saisie d’un enthousiasme soudain quand elle parle de théâtre. « Depuis l’âge de 15 ans, j’allais au théâtre avec ma famille. C’était à l’UP (actuellement le Centre culturel Benbadis ndlr) et on assistait à beaucoup de fêtes et de soirées », se rappelle la septuagénaire, avant d’enchainer: « ma famille habitait
Souika, et dans le quartier la tradition d’aller voir des spectacles était bien ancréé chez beaucoup de familles qui habitaient la vieille ville, notamment durant le mois de Ramadan ».
Elle explique que, pour beaucoup de familles constantinoises, aussi réservées qu’elles pouvaient être à l’époque, les soirées de Beggar Hadda, d’Ali Riyahi, de Mohamed El Djamoussi, de Fatma El Beydia ou encore de Hacene Annabi ou M’hamed Kourd se tenaient à guichet fermé.
Khalti Louisa a grandi avec cette passion pour l’art et à son grand bonheur, son défunt mari, un maître-dinandier, partageait avec elle ses goûts pour la musique et le spectacle. « On venait souvent au TRC pour les soirées du malouf ou gasba chaoui », lance-t-elle, le visage éclairé.
Elle ajoute que le fait que le TRC lui ait toujours offert des billets gracieusement, l’encourage à continuer à fréquenter les lieux. « Je suis toujours bien reçue au théâtre, le personnel me connaît et ma place, au premier rang, est toujours réservée », se félicite-t-elle, reconnaissant que le théâtre et les spectacles la « confortaient » suite à la solitude engendrée par la disparition de mon mari.
Khalti Louisa qui vit seule et continue à travailler chez des particuliers pour pouvoir joindre les deux bouts, confie à l’APS que depuis que le Commissariat de la manifestation « Constantine, capitale 2015 de la culture arabe » a affiché sa photo sur le fronton d’un immeuble de la ville, elle est devenue « très connue ».
« Les gens dans la rue s’arrêtent pour me dire qu’ils m’ont reconnu, ‘la dame en m’laya’ » .
Louisa, critique d’art de première catégorie
Abordant une année de spectacles au TRC, la septuagénaire souligne qu’elle a beaucoup aimé le mois du monologue. « J’ai beaucoup ri, mais c’est vrai ce qu’ils disaient aussi, la vie a complètement changé et les gens aussi », commente-t-elle.
La passionnée de l’art confie aussi qu’elle a beaucoup apprécié de voir de plus en plus de jeunes filles sur les planches. « Elles sont venues de plusieurs wilayas et ont présenté des +spectacles+ différents et distrayants », a-t-elle relevé, citant la pièce théâtrale « Hadda ya Hadda » pour dire que le spectacle l’a plongé dans de beaux souvenirs et affirmer que la voix de Beggar Hadda qui résonnait au TRC lui donnait +la chair de poule+.
Avec une certaine amertume, la dame lance : « même si je n’ai pas la voix de Hadda, je m’identifie un peu à elle, seule, sans enfants, le compagnon de toute une vie disparu ». Reprenant vite son enthousiasme, très sûre d’elle, khalti Louisa enchaîne : »Pour l’histoire de Reddah (évoquée dans la pièce +La symphonie de Constantine+ ndlr), tout n’a pas été raconté, l’histoire a été très écourtée », commente-t-elle, avant de sa lancer à narrer « la vraie et la longue histoire de la belle Reddah », toute concentrée et émue.
Khalti Louisa qui affirme que l’année culturelle a brisé la monotonie de sa vie, a dit vouloir bien aller voir d’autres spectacles à la +salle du Bey+ (salle de spectacles Ahmed Bey ndlr), mais juge que la cité Zouaghi, où est implanté l’édifice, est bien loin pour elle. La septuagénaire annonce qu’après la clôture de la Manifestation, elle retournera à ses « émissions radiophoniques ».
« A la radio, on diffuse beaucoup de musique malouf et de musique chaoui, et il y a aussi une émission sur les vieux adages que j’aime beaucoup suivre », se console-t-elle.
Khalti Louisa affirme aussi que « les gens du TRC » lui ont promis de la tenir au courant de leur programme d’animation. « J’habite à la Casbah, c’est juste à côté du TRC, ils (le personnel du TRC ndlr) m’ont dit qu’ils peuvent même passer chez moi pour m’informer quand il y a des spectacles », se réjouit-elle, pour se rassurer et affirmer que son idylle avec l’art des planches ne s’arrêtera avec la fin de la manifestation « Constantine, capitale de la culture arabe ».