L’ancien ambassadeur et ancien député Khalfa Mammeri, qui a consacré plusieurs ouvrages historiques pour rétablir la vérité sur la mort de Abane Ramdane était convié hier au Forum hebdomadaire d’El Moudjahid pour parler de « l’architecte de la révolution » à l’occasion du 55 anniversaire de son assassinat, le 22 décembre 1955.
Le fait que le journal El Moudjahid, qu’il avait pourtant créé lui-même décide d’en parler , est un signal fort de la part des autorités. C’est du moins ainsi que Khalfa Mammeri interprète son invitation par le journal El Moudjahid.
“Je suis très ému. C’est la première fois qu’on m’invite officiellement à parler de Abane Ramdane. Il faut reconnaître aux institutions officielles le courage de réhabiliter Abane et de le réintégrer au patrimoine national”, a déclaré M. Mammeri en substance dans sa conférence.
Le président de l’association “Machaâl Echahid”, M. Mohamed Abbad, qui a coorganisé avec le quotidien El Moudjahid cette conférence sur Abane, à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance et du 55e anniversaire de sa “mort”, a répondu que le Forum était ouvert à tous les chercheurs dans le domaine de l’histoire nationale.
Dans sa communication, M. Mammeri, qui fait des recherches sur la guerre de libération nationale, notamment, sur Abane Ramdane, depuis 30 ans, a revisité le parcours du fils de Azzouza (Tizi Ouzou), depuis sa sortie de prison en janvier 1955, insistant sur son engagement dans la Révolution quelques jours après sa libération.
Pour le conférencier, Abane, ancien militant du Parti du peuple algérien (PPA), était un homme “exceptionnel”, en ce sens qu’il était, à la fois, un intellectuel et un homme d’action qui avait “une haute conscience de ce que doit être la Révolution”.
Abane a le mérite d’avoir unifié tous les courants politiques derrière le Front de libération (FLN) pour l’indépendance de l’Algérie, d’avoir participé à la création des institutions de la Révolution algérienne, lors du congrès de la Soummam et d’avoir imaginé une Algérie démocratique et sociale après la libération, a-t-il résumé.
“Il y a un fossé civilisationnel entre Abane et les autres (les résistants à la colonisation depuis 1830). (…) C’est la première fois que la France rencontre en face d’elle un personnage d’un niveau culturel et intellectuel incomparable”, a soutenu M. Mammeri.
A ce titre, il a regretté le fait qu’on ne donne pas “suffisamment” d’importance à certains hommes exceptionnels, pourtant il ne sont pas nombreux. Les moudjahidine qui ont eu à connaître ou à travailler de près avec Abane, tels que Me Ali Haroun, M. Tahar Gaïd et M. Hassan Idir, et qui ont témoigné lors de cette conférence, ont surtout apprécié chez lui son intelligence perceptible dans ses analyses de la situation de la Révolution.
Les témoins n’ont pas manqué de se poser des questions sur les raisons de la “mort” de Abane le 27 décembre 1957 au Maroc, “des mains de ses frères de combats”. Ali Haroun était le premier à poser la question sur les raisons de la mort de l’architecte du congrès de la Soummam.
Cependant, si Me Haroun a soulevé l’hypothèse d’une probable lutte de pouvoir au sein des organes de décision du FLN, dont Abane aurait fait les frais, Hassan Idir, lui, s’est voulu tranchant: “Abane, en tant que révolutionnaire, ne peut être tué que par des contre-révolutionnaires”.