Ancien député de Béjaïa, ex-enseignant de mathématiques pendant plusieurs années et président de l’Association nationale des parents d’élèves, Khaled Ahmed nous livre, dans cet entretien, son point de vue et ses impressions sur le phénomène de la violence qui gangrène l’école.
L’Expression: La violence à l’école est devenue de nos jours une pratique courante sous toutes formes. Etes-vous d’accord avec cette affirmation?
Khaled Ahmed: Malheureusement, la violence a gagné toute la société algérienne, notamment en milieu scolaire. Ce phénomène qui ne cesse de se propager est devenu très inquiétant surtout depuis 2008. Il ne se passe pas un jour sans enregistrer des cas de violences dans nos écoles. Cependant, la situation est plus grave quand on voit et on entend des cas d’ enseignants agressés par des élèves ou par leurs parents. A titre d’exemple, depuis la dernière rentrée, nous avons enregistré trois cas d’agression contre des enseignants par des parents d’élèves. Je n’exagèrerais pas si je disais que l’Algérie est classée parmi les cinq premiers pays au monde en ce qui concerne la violence en milieu scolaire. Cette violence est partout, tout le monde craint tout le monde. Craintes des parents pour leurs enfants et des enseignants qui craignent pour eux-mêmes, surtout dans les grandes villes.
Quelles sont les raisons qui ont conduit à cette situation? Est-ce la tragédie nationale comme l’affirment certains?
Ce phénomène est dû à plusieurs raisons interconnectées à l’instar des problèmes socio-économiques et la forte pression exercée sur les enseignants, comme la surcharge des classes. Cela, sans oublier les conditions du milieu dans lesquelles vivent et évoluent les élèves et leur environnement familial. Mais, je pense qu’il est causé essentiellement par la déperdition scolaire et la mauvaise formation des enseignants d’aujourd’hui qui ne maîtrisent pas la psychologie de l’enfant. Il ne faut pas condamner l’élève à 100%, notamment quand la tutelle, qui possède des mécanismes pour pénaliser tous les acteurs de la violence, n’agit pas. Ce qui fait que la violence est devenue une affaire de force, plus qu’une affaire politique. Ce fait menace la stabilité de l’école. Certes, la tragédie nationale, y a contribué en quelque sorte, mais elle n’en est pas la vraie cause.
La plupart des cas de violence ne sont pas signalés. A votre avis pourquoi?
Evidemment, 90% des cas ne sont pas signalés. Seuls 52 cas ont été déclarés à la justice au niveau national. A mon avis, cette situation tient essentiellement pour deux raisons: la première est l’ignorance des lois. C’est-à-dire que les gens ignorent leurs droits et ne savent pas les défendre. La deuxième est le recours aux sentiments. Il est temps de savoir faire la part des choses entre le social et la profession.
Est-il vrai que la drogue et la violence sexuelle ont déjà gagné nos écoles?
Oui, c’est une réalité à ne pas cacher. L’année dernière, seulement 20 cas de drogue ont été signalés au niveau national, même dans des écoles primaires. Pareil pour la violence sexuelle. Le phénomène, malheureusement, existe mais n’est pas déclaré, vu notre société.
Avez-vous une approche ou une méthode à proposer pour lutter contre cette violence?
Nous avons perdu trop de temps en organisant des séminaires et des journées de sensibilisation sans réaliser des résultats concrets. Je suis persuadé que la solution idéale est de saisir la justice sur place et la laisser faire son travail. Les lois existent, mais leur application est une autre chose. Ainsi, j’interpelle l’Etat à réviser la Constitution et à faire des droits de l’enfant une priorité absolue tout en contrôlant son application.